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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Paradoxes de printemps

Un départ forcé du président Mohammad Morsi, déjà lâché par cinq de ses ministres ? Un titanesque choc frontal entre ces foules antagonistes dont l’ampleur, proprement égyptienne, défie toute mesure ? Un retour en force de l’armée, un moment mise au pas par les tombeurs de Hosni Moubarak, et qui adresse soudain un véritable ultimatum au raïs tout en se défendant de se livrer à un coup d’État ?
C’est au cours des toutes prochaines heures que l’on devrait être fixé sur la nouvelle tranche d’histoire qu’aborde la terre des pharaons. Quelle que soit cependant la suite des événements, la crise égyptienne ne fait finalement que souligner une série de paradoxes apparus, çà et là, dès les premiers balbutiements du printemps arabe.

 

C’est un fait que la chute des tyrannies dans cette partie du monde porte en elle les risques d’un avènement au pouvoir des islamistes. C’est presque normal, pourrait-on même ajouter, puisque ceux-ci, de toutes les composantes de l’opposition aux régimes établis, ont été les plus durement, et le plus longtemps, opprimés. Plus que d’autres (et c’est bien le cas de le dire !), les islamistes ont une sacrée revanche à prendre. Des années d’existence souterraine les ont rendus maîtres en organisation, en encadrement, en mobilisation, ce qui les rend plus prompts que tous les autres à saisir la balle au bond

 

Est-ce à dire donc qu’il vaut mieux laisser en place les tyrans, comme s’évertue à le faire accroire, à coups de massacres de civils, le barbare régime de Syrie ? Bien sûr que non, car le jeu en vaut la chandelle et que cette chandelle porte précisément une lueur d’espoir entre la sombre cruauté des dictatures et l’obscurantisme des partis religieux.

 

Ce qu’expérimente l’Égypte en ce moment, c’est la seconde phase du phénomène printanier : ou peut-être, faut-il craindre, le premier reflux d’une onde révolutionnaire sujette, par définition, à tous genres de soubresauts. Deux fois plutôt qu’une, les Frères musulmans ont eu leur chance, puisque c’est à la faveur d’élections libres qu’ils se sont rendus maîtres de l’Égypte. Mais ils n’ont guère passé le test de la gestion socio-
économique, pas plus d’ailleurs que celui de la coexistence avec les autres forces du pays. L’islamisme modéré de Turquie, aux commandes depuis une décennie entière, proposé en modèle aux pays arabes en mutation, affiche, lui, un score des plus honorables en matière de croissance et de prospérité ; mais il n’y a pas que le pain qui compte, et c’est l’islamisation rampante de leur société, soudain passée à la vitesse supérieure, qui a fini par initier une vive contestation.

 

Il ressort de tout ce qui précède que c’est à l’épreuve du comportement domestique, plutôt que sur la scène régionale des joutes idéologiques ou militaires, que peut être démystifié – et vaincu – l’islamisme : et cela qu’il soit violent ou qu’il se pare fallacieusement, comme en Égypte, de vertus démocratiques.

 

Dans le même ordre d’idée, on conviendra que ce n’est pas au monde extérieur qu’il revient de s’y atteler, mais aux Arabes eux-mêmes. Et pour tout dire, aux musulmans épris de liberté, de démocratie, de progrès et de modernité, et qui sont, en dernière analyse, les premières victimes de toutes ces dérives sacrilèges où l’on voit les entreprises les plus suspectes se prévaloir d’un parrainage divin.

 

Reste à évoquer, dans ce contexte, le cas on ne peut plus paradoxal de notre pays où rien, il est vrai, ne se passe comme ailleurs. Au Liban en effet, ce sont deux islamismes ennemis qui alimentent la chronique : l’un chiite d’obédience iranienne et l’autre sunnite, décliné en une myriade de versions tout aussi suspectes. Les voilà pourtant qui, allant d’un même pas à contre-courant de l’histoire, s’accordent objectivement à laminer les modérés de l’une et l’autre de ces deux communautés.

 

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Un départ forcé du président Mohammad Morsi, déjà lâché par cinq de ses ministres ? Un titanesque choc frontal entre ces foules antagonistes dont l’ampleur, proprement égyptienne, défie toute mesure ? Un retour en force de l’armée, un moment mise au pas par les tombeurs de Hosni Moubarak, et qui adresse soudain un véritable ultimatum au raïs tout en se défendant de se livrer à...

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