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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

Est-il vraiment trop tard ?

Est-ce donc une fatalité ? Une damnation qui nous entraîne, de décennies en décennies, dans les affres de guerres démentes ? Un instinct véritablement suicidaire qui transforme des Libanais, férus de zajal et de tarab, en machines à tuer, à tout détruire, hier à Tripoli, aujourd’hui à Saïda ?
Triste remake d’horreurs déjà vécues, des larmes et du sang pour un « déjà-vu » et cette fichue mémoire qui se délite au fil des ans et qui n’est plus cette conscience en éveil qui aurait pu mettre en garde contre de nouvelles avanies...
Qu’on se le dise, qu’on se le répète, qu’on l’incruste dans les méninges défaillantes : les jalons des ruptures irréversibles sont posées d’une manière systématique, les cerveaux malades qui ont conduit le pays, plus d’une fois, à sa perte sont de nouveau à l’œuvre, et les obus qui tombent ça et là ne sont que les messagers ailés des cavaliers de l’apocalypse, ceux-là mêmes qui mettent la Syrie à feu et à sang et qui alimentent la traînée de poudre.
Il y a urgence et les jours continuent, impassibles, de décliner les constats d’impuissance ; il y a urgence et nos politiciens continuent de se quereller autour du sexe des anges ; il y a urgence et les représentants du peuple sabordent les dernières institutions d’une République qui défaille sur ses assises.
Qu’on se le dise et qu’on se le répète : si le Hezbollah ne met pas, rapidement, un terme à sa folle implication dans le bain de sang syrien, si les salafistes, excités de la gâchette, ne sont pas ramenés à la raison au plus vite, les haines communautaires seront aiguisées, conduiront à l’extension des graves incidents sécuritaires qui galopent déjà de région en région ; si le Premier ministre désigné, Tammam Salam, ne réussit pas, dans les plus brefs délais, à former un gouvernement d’exception, c’est le coup de grâce qui aura été donné à la légalité, à tout espoir de victoire contre les forces de l’autodestruction.
La balle, aujourd’hui, il faut bien le dire, est dans le camp chiite, une communauté qui est partie intégrante du tissu libanais, qui a beaucoup donné à son pays mais qui se retrouve prise dans un engrenage qui lui échappe, qui lui est imposé par un parti qui a perdu son âme dans les venelles de Qousseir.
Il est loin le temps où la communauté chiite était en déshérence, ruminant ses frustrations et ses colères. C’est forte d’une dignité retrouvée, d’une égalité confirmée, que cette communauté peut, en ces temps troubles, jouer le rôle qui est attendu d’elle : celui du partenaire attaché aux institutions légales, dégagé des astreintes miliciennes qui l’ont fourvoyé hors de la citadelle nationale.
Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’une contestation se fasse jour, gagne progressivement en ampleur, hors de l’hégémonisme partisan. Si, par miracle, ce mouvement venait à réussir son pari, ramenant la communauté sous la tutelle du seul État légitime, il aura ainsi coupé l’herbe sous les pieds des extrémistes et des fous furieux, qu’ils soient sunnites ou chiites, et pavé la voie au langage de la raison.
Une évolution laborieuse qui exigera forcément beaucoup de patience et de bonne volonté alors que le temps presse, que l’armée se disperse sur plusieurs fronts et que les nuages s’accumulent au-dessus du pays. Michel Sleiman et Tammam Salam en sont pleinement conscients et entendent, semble-t-il, aller jusqu’au bout de leur détermination. C’est pourquoi la formation d’un cabinet d’exception s’impose dans l’urgence, une équipe non du fait accompli ou du tiers de blocage mais de sauvegarde des valeurs qui ont été à la base du Liban pluriel.
Celui-là même qui a clamé son aspiration à une vie meilleure au cours du week-end écoulé et qui a fait planer un nuage d’oxygène au-dessus de Beiteddine et de la baie de Jounieh en passant par le centre-ville.
Il n’est évidemment jamais trop tard pour bien faire, dussions-nous le dire et le répéter tous les jours en articles de presse, en sit-in, en chansons ou en musique... envers et contre tous.
Est-ce donc une fatalité ? Une damnation qui nous entraîne, de décennies en décennies, dans les affres de guerres démentes ? Un instinct véritablement suicidaire qui transforme des Libanais, férus de zajal et de tarab, en machines à tuer, à tout détruire, hier à Tripoli, aujourd’hui à Saïda ? Triste remake d’horreurs déjà vécues, des larmes et du sang pour un « déjà-vu »...

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