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Un monde de solutions - Liban

Bader, engagé contre la « fuite » des jeunes entrepreneurs libanais

Pour lutter contre le chômage et l’émigration des jeunes, Bader soutient des start-up libanaises depuis huit ans. Une initiative citoyenne qui porte déjà ses fruits.

Pour le huitième anniversaire de Bader, Robert Fadel et son épouse ont réuni huit jeunes entrepreneurs bénéficiaires du programme, Rana Chmaitelly, Raja Mouawad, Ramzi Jalbout, Hind Hobeika, représentée par Marielle Khayat, Soraya Umewaka, représentée par Maya Fidawi, Majd Akar, Eli Chaaya, et Souad Merhebi.

« N’émigre pas, prends l’initiative » (bader, en arabe). C’est par ce slogan que Robert Fadel présente Bader, l’ONG qu’il préside. Une organisation qui a pour objectif principal d’inciter les jeunes à ne pas émigrer, mais plutôt à investir au Liban dans des start-up appelées à se développer et à se régionaliser. Dans un pays miné par l’émigration et la fuite des cerveaux, l’enracinement des jeunes est un véritable défi pour Bader Young Entrepreneurs, créée il y a huit ans à l’initiative de ce chef d’entreprise avec une quarantaine de jeunes entrepreneurs, chefs d’entreprise et leaders d’opinion.

 

« Bader est à l’écoute des besoins des jeunes entrepreneurs et intervient en fonction de ces besoins », explique Robert Fadel, PDG du groupe commercial ABC mais également député de la ville de Tripoli. L’intervention peut être financière par le biais du fonds d’investissement de l’ONG, Building Block Equity Fund, sous forme de prêts et d’investissements dans les start-up. Via ce fonds, Bader vient d’investir 1,1 million de dollars dans trois start-up libanaises en pleine expansion régionale, la chaîne de restauration rapide Shawarmanji, le portail électronique de recettes Shahiya et la société de distribution de livres Cedar Books.

Bader fournit également des formations, des conseils et expertises techniques ou encore des aides à l’élaboration de stratégies.

 

« Les jeunes entrepreneurs libanais ne doivent pas être freinés par la situation actuelle. Lancer une entreprise prend plusieurs années », souligne Robert Fadel, invitant les jeunes à persévérer malgré la précarité économique et sécuritaire qui règne au Liban.

Il les invite également à voir au-delà du Liban, soulignant que la régionalisation est « le point-clé » de ce projet. « Nous encourageons nos bénéficiaires à ne pas se contenter d’investir au Liban, vu l’étroitesse du marché local, mais à exploiter les marchés arabes. »

Outre le soutien stratégique et financier, Bader propose à ses membres l’accès à un réseau, baptisé « Networking 961 », qui met en relation les jeunes entrepreneurs libanais avec un ensemble d’organismes professionnels.

 

 

 

Krock’s, produit de l’année 2012

Parmi les bénéficiaires de Bader, la start-up d’un jeune entrepreneur libanais de 31 ans, Ramzi Jalbout, qui a revisité en le modernisant un casse-croûte ou snack local. Baptisé « Krock’s », car « il croque sous la dent », ce snack est composé de labné (fromage blanc) et de kaak ershali (bâtonnets de pain croustillants) présentés dans un même emballage. Lancé en novembre 2012, « Krock’s » marche bien, puisqu’il s’en vend plus de 12 000 pièces par mois. Décliné en quatre versions, menthe, olive, nature ou allégé, « Krock’s » a même été élu produit de l’année 2012 par les consommateurs libanais, et Ramzi Jalbout en a aujourd’hui l’exclusivité des droits dans 121 pays.

Aujourd’hui, le jeune entrepreneur est confiant, « Krock’s est un bon produit qui a de l’avenir ». À tel point que le jeune Libanais est prêt à perdre sa carte de résident au Canada, dont il montre la date d’échéance, toute proche, pour la réussite de son projet au Liban. Une carte qui ferait rêver nombre de ses concitoyens.

 

Pourtant, le parcours n’est pas dénué d’obstacles, notamment au niveau de la distribution. « Les supermarchés n’encouragent pas les nouveaux venus », regrette-t-il, dénonçant certaines grandes surfaces qui monnayent la place des produits sur les étalages. « J’espère parvenir prochainement à convaincre un grand distributeur de se charger de la distribution de Krock’s », indique-t-il toutefois.

 

Autre défi de taille, le jeune chef d’entreprise ne peut toujours pas se verser de salaire. Il travaille donc parallèlement à plein temps dans une entreprise pour subvenir à ses besoins. Il doit, de plus, se plier aux longs délais de paiement imposés par certaines grandes surfaces.

« Mais pas de place pour le découragement », assure-t-il, car son entreprise baptisée « Fresh Natural Product » grandit et emploie désormais 11 personnes, dont sa propre mère, Micheline, qui veille au respect des normes d’hygiène et à la gestion des stocks « comme à la prunelle de ses yeux ».

 

Une success story dans laquelle Bader, en sus de la détermination du jeune Libanais, a joué un rôle important. « Le réseau de Bader m’a introduit à des personnes et des entreprises qui m’ont aidé sur le plan technique, ont fait connaître mon produit, m’ont assisté au niveau du marketing, m’ont accordé des prêts et ont même investi dans mon entreprise à 49 % », indique Ramzi Jalbout.

 

Et l’entrepreneur ne compte pas en rester là. De nouvelles saveurs sont en préparation, halloum (un autre fromage), thym, huile d’olive ou version salée, et seront bientôt commercialisées. Il est en outre prêt à vendre sa franchise à l’étranger, s’il parvient à trouver le financement nécessaire.

 

La gamme Krock’s, quatre produits déjà en vente sur le marché libanais.

 

 

Pour un programme national

Une initiative louable et citoyenne. C’est en ces termes que l’expert économique et financier, Louis Hobeika, salue le programme Bader. Il est d’ailleurs lui-même l’heureux père d’une jeune entrepreneuse bénéficiaire du programme, Hind Hobeika, qui a développé un appareil à fixer sur des lunettes de natation pour enregistrer le rythme cardiaque.

Reconnaissant néanmoins que « les possibilités de ce fonds sont limitées et n’encouragent qu’un nombre restreint d’entrepreneurs », M. Hobeika invite les autorités libanaises à mettre en place un programme national pour aider à financer les initiatives privées. « Ce qui permettrait à un plus grand nombre de jeunes entrepreneurs de réussir leurs projets et de ne pas émigrer. »

 

Professeur universitaire d’économie et de finances, il n’a lui-même de cesse d’inciter ses étudiants à avoir l’esprit d’entreprise, à créer, « sans copier », insiste-t-il. « Mais aucune institution publique n’est à même de les orienter, encore moins de les financer », déplore-t-il, ajoutant que si certains tentent leur chance, ils plient rapidement bagage après avoir échoué, faute d’assistance et de financement.

 

« Leur invention est tuée, ce qui est dommage, car l’entreprenariat est la clé pour permettre aux jeunes de vivre décemment. C’est aussi la clé du développement économique et de la croissance », assure Louis Hobeika, qui estime que la croissance au Liban pourrait doubler pour atteindre 5 %, si les jeunes créaient leurs propres entreprises.

 

Bader, de son côté, entend bien développer son champ d’action et accompagner davantage de jeunes. Pour ce faire, le capital de son fonds d’investissement va doubler, pour atteindre 15 millions de dollars.

 

 

Cet article fait partie de notre notre édition spéciale "Un monde de solutions".

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