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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Coup d’État permanent

Ce sont maints cris d’alarme singulièrement angoissés – et angoissants – qui ont marqué la semaine écoulée.

De l’étranger où il s’est barricadé depuis plus d’un an car il a de très sérieuses raisons de craindre pour sa vie, l’ancien Premier ministre Saad Hariri exprimait jeudi ses vives inquiétudes pour l’existence même du Liban, gravement menacée, a-t-il affirmé, par les atteintes systématiques du Hezbollah à toutes les règles de ce vouloir-vivre en commun qui fait précisément la spécificité du pays. Le même jour à Beyrouth, le député Boutros Harb, lui-même réchappé d’une tentative d’attentat aux explosifs, prononçait un réquisitoire similaire contre la milice, reprochant aussi à certains magistrats membres du Conseil constitutionnel de se dérober face à leur devoir et de contribuer, de la sorte, à l’assassinat de la démocratie libanaise.

L’avant-veille déjà – et sur le terrain non plus des grands principes mais des contingences matérielles –, ce sont les organismes économiques qui entreprenaient de sonner le tocsin, qui exhortaient la classe politique à se mobiliser pour juguler une crise dont les catastrophiques effets s’étendent désormais jusqu’aux moyens de subsistance des simples citoyens. Cette terrifiante perspective se trouve encore aggravée, au demeurant, par l’interdit de se rendre au Liban fait aux touristes en provenance du Golfe et les incertitudes pesant soudain sur le sort des centaines de milliers d’expatriés qui vivent et travaillent dans les royaumes pétroliers. Qui rapatrient consciencieusement, bon an mal an, quatre à six milliards de dollars. Et qui risquent maintenant de faire les frais, en bloc, des toutes récentes mesures de rétorsion administratives et financières frappant les partisans du Hezbollah et assimilés.

Une armée parallèle décidant souverainement ici d’une guerre avec Israël, et là d’une ingérence active dans les combats de Syrie ; un système saboté, la démocratie parlementaire en panne ; un gouvernement qui n’en finit pas d’être formé pour succéder à celui, démissionnaire, où l’on voit néanmoins un ministre des AE ignorer superbement les instructions présidentielles et se refuser à porter devant la Ligue arabe et l’ONU les agressions syriennes à la frontière; une Chambre tantôt mise en vacances par son propre président et tantôt se décernant elle-même une rallonge de mandat ; et pour couronner le tout, des juges censés veiller à la constitutionnalité des lois obéir à des mots d’ordre sectaires pour se placer eux-mêmes hors la loi.

Imparables de logique, irréprochables de rigueur sont tous ces sombres diagnostics, inventaires et états des lieux. Mais ne surviennent-ils pas un peu tard ? L’establishment politique, toutes tendances confondues, ne donne-t-il pas la fâcheuse impression d’émerger enfin d’une longue période d’apathie, de léthargie émaillée de stériles compromis et même de compromissions, alors que se succédaient inexorablement, l’un après l’autre, les épisodes d’un long feuilleton révolutionnaire, d’un coup d’État permanent dont le coup d’envoi remonte déjà à des décennies ?

Avec la décision longtemps différée des États-Unis d’apporter une assistance militaire aux rebelles, les enjeux régionaux de la guerre syrienne viennent de revêtir une dimension nouvelle. Rien n’a changé après Qousseir, clamait hier un Hassan Nasrallah bien résolu à poursuivre l’implication active de sa milice dans les combats en dépit des énormes risques qu’il fait encourir ainsi au pays tout entier. Dans la vaste foire d’empoigne que devient le Moyen-Orient, il faudra décidément davantage que des murs des lamentations pour que soit entendue l’authentique voix du Liban.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ce sont maints cris d’alarme singulièrement angoissés – et angoissants – qui ont marqué la semaine écoulée.De l’étranger où il s’est barricadé depuis plus d’un an car il a de très sérieuses raisons de craindre pour sa vie, l’ancien Premier ministre Saad Hariri exprimait jeudi ses vives inquiétudes pour l’existence même du Liban, gravement menacée, a-t-il affirmé, par...

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