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À La Une - Entretien

Ahmad el-Assaad à « L’OLJ » : L’armée libanaise est tributaire du Hezbollah

Le chef de l’Option libanaise confie ses premiers commentaires après le meurtre du responsable estudiantin de son parti, à Bir Hassan, par un milicien du Hezbollah.

Le chef de l’Option libanaise, Ahmad el-Assaad.

Signe des temps : la manifestation organisée dimanche dernier devant le siège de l’ambassade d’Iran à Bir Hassan par l’Option libanaise, présidée par Ahmad el-Assaad, pour dénoncer l’implication du Hezbollah dans les combats en Syrie a tourné au drame. Des miliciens du Hezbollah sont en effet intervenus en force, bâtons à la main, pour empêcher et réprimer le rassemblement pacifique. Plusieurs contestataires ont été sauvagement roués de coups et le responsable estudiantin de l’Option libanaise, Hachem Salman, 28 ans, a été abattu de sang-froid au moyen d’une arme à feu par l’un des miliciens du Hezbollah. 


Cette agression a suscité un tollé dans les milieux du 14 Mars, mais dans le même temps, aucune action concrète de dénonciation n’a été entreprise sur le terrain, et on ne peut que déplorer, parallèlement, le quasi-silence du Hezbollah et de ses alliés, ainsi que la passivité de l’opinion publique. Pendant ce temps, le bourreau de Hachem Salman reste toujours en liberté.
Pour Ahmad el-Assaad, il n’y a aucun doute. Il s’agit bel et bien d’un meurtre prémédité, exécuté par le Hezbollah et décidé par l’ambassade d’Iran. « Des témoins et des journalistes ont pu relater l’incident dans ses détails », explique le chef de l’Option libanaise à L’OLJ.

Toute l’histoire
En effet, la journaliste Nahed Youssef, présente sur les lieux avant le début de la manifestation, avait rapporté dans un article sa version des faits, confirmée par Ahmad el-Assaad et ses partisans. Après avoir été encerclée avec mon équipe par des voitures aux vitres fumées, explique-t-elle, un homme est descendu de l’une des voitures et nous a posé la question suivante : « Message reçu ? » Nous avons répondu par l’affirmative. À l’arrivée des premiers manifestants, ces hommes ont interdit aux photographes de prendre des photos. Les photographes se sont alors retournés vers les membres de l’armée présents sur place pour avoir leur permission, mais un des gardes de l’ambassade s’est empressé de crier : « Ne vous adressez pas à l’armée, c’est moi qui décide ici. Essayez juste de prendre des photos et vous verrez ce qui se passera. » « C’est alors que des hommes vêtus de chemises noires sont apparus de nulle part et ont commencé à casser les voitures des manifestants et à rouer de coups les protestataires, hommes et femmes. Un des hommes aux chemises noires a alors sorti un revolver, tiré deux coups de feu en l’air et puis trois autres dans le ventre de Hachem Salman, avant de le rouer de coups de pied et d’écraser son corps blessé. »


C’est comme si les portes de l’enfer s’étaient ouvertes sur nous, à peine arrivés sur les lieux, ajoute Ahmad el-Assaad. Près de 300 hommes du Hezbollah nous attendaient, et il est clair que l’ambassade d’Iran était au courant du complot préparé. Hachem a été tué avant que je n’aie le temps de descendre de ma voiture, le conducteur de la voiture ne me l’ayant pas permis, et avant que le reste des manifestants arrive devant l’ambassade. L’un de mes partisans, Ziad Abdelnabi, raconte comment Hachem Salman, prenant peur, s’est rué vers une Jeep de l’armée, dont la porte était ouverte, pour s’y cacher, mais les soldats de l’armée l’en ont empêché et l’ont jeté dans la foule des manifestants à nouveau, en criant : « Cela ne nous concerne pas... »
« Les membres du Hezbollah ont battu Hachem à mort, ajoute Ahmad el-Assaad. Ils voulaient dissimuler leur crime et les tirs, et ils ont empêché la Croix-Rouge de s’approcher de lui. Ce n’est qu’après une demi-heure qu’il a pu être transporté à l’hôpital, où il est arrivé encore vivant, avant de mourir », déplore M. el-Assaad. Et d’ajouter, très ému : « Ils ont su qui assassiner. Hachem Salman était un pilier de l’Option libanaise, que je considérais comme mon fils. Un homme apprécié par ses pairs, solide, robuste, mature, poli et actif. » 

 

(Lire aussi: Sleiman communique à Raad son opposition aux agissements du parti chiite)


En réponse à une question, M. el-Assaad affirme n’avoir pas regretté la tenue de la manifestation de dimanche. « Je préfère plutôt dire que je ferai tout pour que Hachem Salman ne soit pas mort en vain », a-t-il précisé, rappelant avoir choisi Bir Hassan au lieu de la place des Martyrs pour manifester « car nous avions un message à transmettre à l’Iran qui ordonne au Hezbollah de combattre en Syrie ». Et de s’interroger : « Les chiites du Liban ne sont pas des moutons de Panurge. Pourquoi l’Iran n’envoie-t-il pas son armée en Syrie ? »
Commentant le communiqué de l’armée au sujet de l’incident, et qui a estimé qu’il s’agissait « d’échauffourées entre les partisans de l’Option et un groupe de citoyens », Ahmad el-Assaad a estimé que « ce communiqué est une insulte à notre intelligence. Nous découvrons jour après jour à quel point l’armée libanaise est tributaire du Hezbollah ». Sur ce plan, M. el-Assaad a souligné qu’il ne s’attend pas à ce que l’État suive sérieusement l’affaire Salman. « Demander à l’ambassade d’Iran de coopérer ne sert à rien. C’est du n’importe quoi. Pas d’État, en l’absence d’hommes d’État. Ils misent sur l’oubli, mais nous n’oublierons pas notre martyr. Chaque chose en son temps », a-t-il affirmé.

« Le premier martyr du printemps chiite... »
Notons que dans un communiqué publié hier, l’organisation estudiantine des Forces libanaises a désigné Hachem Salman comme « le premier martyr du printemps chiite ». « Je préfère penser que Hachem est mort pour le Liban, et que son assassinat sera la flamme qui changera les choses, affirme à cet égard Ahmad el-Assaad. Ce n’est pas uniquement la communauté chiite qui a besoin d’une prise de conscience, c’est tout le peuple aujourd’hui qui est passif, désespéré et soumis au Hezbollah. » 


En réponse à la question de savoir si l’assassinat de Hachem Salman va profiter à l’Option libanaise dans le milieu chiite, Ahmad el-Assaad relève que « les masques du Hezbollah sont certainement tombés, car il est clair aujourd’hui qu’ils ont tué Hachem Salman ». « Mais les gens trompés par le Hezb et endoctrinés ne changeront pas, affirme-t-il. Et nombreux sont ceux qui ne sont pas vraiment convaincus par le parti de Dieu, mais ils cèdent face à la politique d’intimidation pratiquée par le parti. » Et de poursuivre : « Les familles qui envoient leurs fils participer aux combats de Qousseir ne sont pas satisfaites, mais elles sont menacées ou payées, et beaucoup de nos jeunes s’en vont sans que leurs parents ne sachent et reviennent dans des cercueils. »
Pour Ahmad el-Assaad, « le Hezbollah n’attend que les ordres de Téhéran pour mettre un terme à son implication dans les combats en Syrie », estimant que « le parti ne se soucie pas des répercussions de cette ingérence sur sa position sur la scène locale, car il sait que les leaders du 14 Mars n’osent pas le contrarier ». « Mais moi, j’ai pris ma décision, dit-il. Nous vivons au Liban, pas en Iran ni en Syrie. Aujourd’hui, nous n’avons que deux options qui ne peuvent cohabiter ensemble : le projet de l’État et le projet irano-syrien. Et l’un doit vaincre l’autre. » Sur ce plan, M. el-Assaad estime que la situation du pays était plus facile à gérer avant 2005, « car l’armée syrienne a été remplacée par pire qu’elle ». « Il ne s’agit plus de forces étrangères auxquelles on peut demander de quitter le pays ; il s’agit de Libanais avec lesquels il faut traiter », affirme-t-il. 


Enfin, concernant ses rapports avec les forces du 14 Mars, M. el-Assaad déclare « ne pas avoir besoin d’eux ». « Nous avons essayé ces leaders, mais en vain, souligne le chef de l’Option libanaise. Une opportunité inouïe leur a été offerte entre 2005 et 2008, mais ils ont eu peur du Hezbollah et ont abdiqué à Doha. Ils n’ont pas de plan pour réussir, et ils assument la responsabilité de ce qui nous arrive aujourd’hui. Le vrai 14 Mars, c’est le peuple qui rêve d’un Liban contemporain. Et si des Libanais soutiennent encore ces leaders du 14 Mars, c’est juste par défaut, par peur du projet iranien. »

 

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