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Culture - Marseille-Provence 2013

Le Mucem de Marseille, cœur battant de la Méditerranée

Désignée capitale européenne de la culture pour l’année en cours, la citée phocéenne, fidèle à sa tradition d’hospitalité et au cosmopolitisme de son territoire, accueille le monde ! À commencer par le magnifique Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée qui s’est implanté sur son rivage.

Vue générale du Mucem.

De la dentelle de béton se profilant sur fond de ciel et mer bleus. C’est l’image que l’on retiendra désormais de
Marseille !
En pleine expansion artistique et culturelle, la cité phocéenne s’est dotée ces derniers mois de plusieurs espaces au design novateur et audacieux. Dont le J4 (bâtiment cubique en verre surmonté d’une résille de béton brut signé Rudy Ricciotti) qui, relié par une fine passerelle au fort Saint-Jean (bâtisse médiévale restaurée), constitue le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem).
Ce joyau de l’architecture marseillaise, alliant passé et contemporanéité, situé à l’entrée du vieux port, vient d’ouvrir ses portes en grandes pompes en présence du président français François Hollande. Lequel s’est arrêté au cours de sa visite muséale – entamée juste avant l’inauguration du «Jules Verne», le porte-conteneurs géant du groupe CGM CMA – devant une immense vue panoramique de Beyrouth signée Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, accrochée dans la galerie d’exposition permanente. Une œuvre photographique «participative» du duo de cinéastes et plasticiens (sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin), dont le président français a emporté un fragment. Comme une «parcelle» symbolique de la capitale libanaise!
Baptême présidentiel donc pour ce premier musée national français délocalisé en région qui, au terme d’un projet pharaonique (on parle de 167 millions d’euros et 4 ans de chantier sur une gestation totale de 10 ans), présente aux visiteurs «un lieu pluridisciplinaire et ouvert à tous, où anthropologie, histoire, archéologie, histoire de l’art et art contemporain se croisent», indique son directeur, Bruno Suzzarelli.
Un «musée pour le XXIe siècle» offrant un regard artistique, politique et scientifique nouveau sur la pluralité des civilisations qui ont constitué le monde méditerranéen de la préhistoire jusqu’à nos jours. Et dont l’objectif ultime est d’être, plutôt qu’un mausolée dédié au passé, «un espace vivant de culture, de création, de rencontre, de rapprochement des deux rives de la Méditerranée où seront traitées aussi des questions de société», précise Suzzarelli. 

 

François Hollande emportera de sa visite du Mucem un fragment photographique de « Beyrouth »...



De la dentelle de béton
Pour donner corps à ce projet ambitieux, il fallait un constructeur à la (dé)mesure d’un Rudy Ricciotti. L’architecte – qui a signé, entre autres, le département des arts de l’islam du Musée du Louvre et le Musée Cocteau à Menton – a réalisé pour le Mucem une prouesse technico-architecturale: envelopper un cube aux parois vitrées d’un maillage en béton ajouré, quasi dentelé. Un «béton fibré à ultra-haute performance», issu de ses recherches et expérimentations, que Ricciotti a réussi à sublimer pour en tirer ainsi une sorte de résille recouvrant l’ensemble du bâtiment de 44000 m2 de superficie totale répartie sur 3 niveaux (dont une terrasse-restaurant où officie le chef étoilé Gérard Passédat).
Une architecture «maniériste, antiminimaliste et antiglobalisation», insiste l’architecte, qui y a entremêlé plus d’une référence méditerranéenne. Et dont l’étonnant maillage de béton évoque ainsi autant les ajours de la dentelle que les résilles des filets de pêcheurs, ou encore les moucharabieh de l’autre rive... avant de se métamorphoser, une fois la nuit tombée, en kaléidoscope de lumière grâce au subtil jeu d’éclairage du plasticien Yann Kersalé.
Une expressive œuvre architecturale qui s’inscrit avec harmonie, poésie et sensualité dans le paysage côtier de Marseille et forme un superbe écrin aux collections et expositions du Mucem dont le parcours s’ouvre au rez-de-chaussée par une installation du plasticien espagnol Antoni Muntadas (voir cadre ci-joint), sorte de préambule aux idées développées dans les différentes expositions du lieu. À commencer par celle permanente de la galerie de la Méditerranée, qui retrace l’évolution du monde méditerranéen en quatre grandes étapes. Depuis «L’invention de l’agriculture et la naissance des dieux» aux voyages «Au-delà du monde connu», en passant par «Jérusalem, une ville trois fois sainte » et la «Citoyenneté et les droits de l’homme».
Un parcours rassemblant plus de 1000 pièces hétéroclites, entre objets de fouille, ustensiles traditionnels, machines et dispositifs témoins, sculptures antiques, œuvres d’art classiques et contemporaines, dont pas mal de vidéos et d’installations... qui s’ouvre par un pingouin, «rappelant que tout commence à la fin des ères de glaciation il y a 10000 ans, avec des pingouins peints sur les parois de la grotte Cosquer», signale le commissaire Zeev Gourarier, et s’achève sur l’immense vue aérienne de Beyrouth du duo d’artistes libanais Hadjithomas-Joreige. Une photographie composée de 3000 fragments collés sur un miroir que les visiteurs sont invités à détacher pour emporter chacun un morceau de ce Beyrouth (qui) n’existe pas, titre de l’œuvre faisant référence au changement perpétuel du visage de la capitale libanaise. Au fait qu’elle ne peut être figée dans l’instant T de la prise de vues et que sa réalité, son espace, sa représentation se modifient en fonction des attentes, des projections et des fantasmes de chacun. 

 

Une carte postale agrandie et projetée sur l’un des murs de l’expo de L’Ophtalmo-othorino-laryngologiste beyrouthin. (1888-1928)




Beyrouth dans « Le Noir et le Bleu »
Beyrouth occupe d’ailleurs une place non négligeable au sein du «Noir et (du) Bleu», l’une des deux grandes expositions temporaires* qui, en tissant des liens entre les collections du passé et une réflexion sur la Méditerranée contemporaine, complètent cet itinéraire muséal novateur.
En effet dans «Le Noir et le Bleu», composée d’un éventail d’œuvres picturales, sculpturales, photographiques, cartographiques, audiovisuelles, musicales, de documents d’archives et de manuscrits littéraires axés «sur la polarité entre civilisation et barbarie, les périodes sombres de l’histoire et les intervalles de rêve unificateur», explique le commissaire Thierry Fabre, Beyrouth est surtout présente sous l’angle documentaire et photographique.
Évoquée dans plus d’une section de cette exposition, on la retrouve ainsi dans un montage cinématographique d’images anciennes des principales villes-ports du siècle dernier, mais aussi parmi les trois villes cosmopolites de la Grande Bleue de la fin du XIXe et début du XXe siècle (entre Alexandrie et Istanbul) à travers notamment les fonds prêtés par la Fondation Fouad Debbas, dont le Journal de voyages en Orient de la comtesse de Perthuis (1853-1855 et 1860-1862). Ainsi que dans les vers de Nadia Tuéni, «Beyrouth est en Orient le dernier sanctuaire, où l’homme peut toujours s’habiller de lumière», apposés sur un pan de mur, et dans les Cahiers de René Habachi autour des conférences du Cénacle, dans une vitrine consacrée aux ouvrages des penseurs de la Méditerranée: Fernand Braudel, Germaine Tillion, Jacques Berque... Mais aussi dans la partie intitulée «La Méditerranée des années noires » consacrée à 4 villes: Beyrouth, Alger, Sarajevo et Jérusalem, à travers la série de vues du centre-ville détruit signées Gabriele Basilico.
Mais les points forts de ce parcours à travers l’imaginaire artistique, «conçu comme un récit et un voyage autour du bassin méditerranéen du XVIIIe siècle – au moment où l’idée de civilisation prend forme – jusqu’à nos jours», restent: l’éclatant Bleu II de Miro faisant face à une série de ténébreuses gravures de Goya sur les «Désastres de la guerre» (présentées au Liban, il y a deux ans, dans le cadre d’une exposition organisée par l’ambassade d’Espagne à la villa Audi!); l’expédition d’Égypte narrée des deux côtés, français et égyptien, à travers notamment des extraits audiovisuels des films d’Abel Gance et de Youssef Chahine. Ces mêmes regards croisés qui se posent également sur la conquête de l’Algérie et questionnent le rêve méditerranéen vu des deux rives.
Dans cette exposition qui traverse les genres artistiques pour offrir un autre prisme, échapper aux clichés et renouveler le dialogue, les sections bleues et noires alternent au fil d’une Méditerranée tantôt heureuse, à la douceur de vivre symbolisée par une belle sculpture féminine de Maillol, tantôt fracassée par les guerres, dominée par les totalitarismes et la mafia et dont les minotaures de Miro, Masson et Picasso témoignent de la fragilité.
Un parcours qui s’achève néanmoins sur le symbole d’une Méditerranée réunifiée, aux contours dessinés par la table-miroir de Michel Angel Pistoletto. Et par la persistance du rêve d’un vivre en commun porté par une salve d’œuvres de la jeune génération d’artistes, vidéastes et plasticiens issus des printemps arabes...

Du « Bazar des genres » au « Temps des loisirs »
Si «Le Bleu et le Noir» explore les différentes facettes du rêve méditerranéen du XVIIIe jusqu’à nos jours, «Au Bazar du genre», la seconde grande exposition temporaire du Mucem, propose un état des lieux sur la question du genre et les expressions de la différence. Une thématique sociale et engagée qui, par le biais de l’art, se fait l’écho du grand débat actuel sur le mariage pour tous.
Mais la visite du Mucem ne s’arrête pas là. Il suffit de traverser la passerelle qui relie le nouveau bâtiment (J4) à l’historique fort Saint-Jean pour se retrouver transposé dans un autre univers, où le passé, le ludique et le fantasmagorique se mélangent.
Là, dans les petites salles du fort, sont présentées, suivant de belles scénographies, les collections héritées du Musée parisien des arts et traditions populaires et qui, des héros de théâtre de marionnettes aux arts forains, en passant par le cirque, déclinent la thématique du «Temps des loisirs» depuis l’époque où le divertissement était réservé à la noblesse jusqu’à sa démocratisation actuelle.
Le Mucem, une visite à mettre impérativement au programme de votre temps de loisirs si vous projetez de passer par Marseille !

*Jusqu’au 6 janvier 2014.



Informations et programmes complets sur le Web à l'adresse : www.mp2013.fr


 

Voir aussi

Les gagnants du concours "Révélez votre Méditerranée"

 

Pour mémoire

Deux capitales culturelles européennes et un concours photo libanais 

 

« Ces Marseillais venus d’Orient », de Liliane Nasser (réservé aux abonnés)


De la dentelle de béton se profilant sur fond de ciel et mer bleus. C’est l’image que l’on retiendra désormais de Marseille ! En pleine expansion artistique et culturelle, la cité phocéenne s’est dotée ces derniers mois de plusieurs espaces au design novateur et audacieux. Dont le J4 (bâtiment cubique en verre surmonté d’une résille de béton brut signé Rudy Ricciotti) qui,...

commentaires (2)

Beau de voir Beyrouth dans « Le Noir et le Bleu »et les grands artistes à Marseille alors que sur le terrain chez nous tout plonge dans le noir . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

13 h 50, le 12 juin 2013

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Commentaires (2)

  • Beau de voir Beyrouth dans « Le Noir et le Bleu »et les grands artistes à Marseille alors que sur le terrain chez nous tout plonge dans le noir . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    13 h 50, le 12 juin 2013

  • F.Hollande adore paraître sur la photo et faire de la com. à 2 balles pour flouer les français ....,une fois il invite la presse pour un non-évènement... prendre le TGV pour partir en vacances ....à Marseille il n'a fait qu'inaugurer la superbe réalisation du gouvernement précédent ...et pour la CGM CMA ,il a inauguré ' le Jules Verne' très belle réalisation unique au monde ,mais construit part des chantiers naval asiatiques...!

    M.V.

    07 h 28, le 12 juin 2013

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