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À La Une - Événement

Akram Zaatari et le pilote « qui a désobéi » à la Biennale de Venise

C’est à l’initiative de l’association Apeal présidée par Rita Nammour que la Biennale de Venise a accueilli cette année pour la première fois un pavillon libanais au sein de l’Arsenale.

L’installation de l’artiste à la Biennale.

Cette exposition qui en est à sa 55e édition regroupe tous les deux ans l’essentiel de la production artistique internationale entre les anciennes salles d’armes (Arsenale) et les jardins (Giardini) de la cité des Doges, tandis qu’autour de ce noyau foisonnent les événements collatéraux.


Apeal, dont la vocation est de promouvoir et exposer l’art libanais, notamment pour contribuer à véhiculer une image positive de ce pays, a accrédité le duo de curateurs Sam Bardaouil et Till Fellrath pour le choix de l’artiste dont la présence serait la plus judicieuse dans le cadre et selon les critères de la Biennale. Presque sans hésitation, le choix s’est porté sur l’architecte et artiste visuel Akram Zaatari, l’un des plus prolifiques et influents de sa génération.
Originaire de Saïda, Zaatari est l’un des initiateurs de la Fondation arabe pour l’image. Son travail gravite autour de la mémoire et des archives dont il s’attache à extraire des vérités passées inapercues et auxquelles il offre une nouvelle vie au présent. Son travail dans le cadre de la Biennale consiste en une installation vidéo développée sur un sujet étrange qui a soulevé les rumeurs les plus folles au moment où il est advenu. Sous le titre «Lettre au pilote qui a désobéi», Zaatari documente un épisode de la guerre menée par Israël contre le Liban en 1982. Le 6 juin de cette même année, alors que les avions de chasse israéliens zèbrent le ciel libanais, les habitants de Saïda voient l’un d’eux piquer sur le quartier Taamir, une banlieue dans les collines qui abritait une école publique secondaire pour les garcons. Au moment où les observateurs sont persuadés que le pilote va lâcher une bombe, celui-ci effectue brusquement un virage sur l’aile et on le voit se diriger vers la mer où il se débarrasse de sa dangereuse cargaison. Un autre pilote effectuera la mission de «celui qui a désobéi» et l’école sera quand même quasi rasée.


S’inspirant de la «Lettre à un ami Allemand» d’Albert Camus, plaçant son installation vidéo sous l’égide du Petit Prince d’A. de Saint-Exupery, Zaatari remercie à sa manière ce militaire qui a su et pu, à un moment crucial de sa carrière, refuser l’ordre de détruire. Une vidéo d’une trentaine de minutes à laquelle fait écho, simultanément et en boucle, un film de 16 mm où l’on ne voit que des fumées d’explosions. La première est projetée sur un écran géant et le 16 mm passe sur un tout petit écran qui lui fait face. Dans la salle, des tabourets cylindriques et un fauteuil unique, un vieux fauteuil de cinéma qui tourne le dos à l’écran géant et semble s’offrir l’exclusivité du 16 mm. On comprendra que cet épisode étrange appartient à la vie collective de toute une ville, qui a fait l’objet des rumeurs les plus folles, certains racontant que le pilote israélien était né dans la communauté juive de la ville et qu’il avait quitté le pays avec sa famille après la création d’Israël ; d’autres ajoutant qu’il aurait suivi ses classes dans l’établissement qu’il a refusé d’attaquer; d’autres affirmant même l’avoir connu et reconnu. Mais Zaatari multiplie les angles de lecture, du personnel au collectif, jusqu’à l’universel.


«On ne choisit pas le pays ou l’on naît. Il s’est fait que je suis né au Liban, cette histoire a eu lieu au Liban, elle aurait pu se passer n’importe où ailleurs», a-t-il d’ailleurs souligné lors de la brillante réception donnée la veille par Apeal au Palazzo Cavalli Franchetti en l’honneur des mécènes de l’association et de leurs amis. Message humaniste reçu ce soir-là par des curateurs de musées tel que le British Uuseum, le MoMA, le Guggenheim ou le Mori, présents à ce dîner où les couleurs du drapeau libanais claquaient dans le ciel de Venise.
L’inauguration du pavillon libanais en présence des membres d’Apeal, des curateurs et de l’artiste a eu lieu mercredi 29 mai sous un soleil radieux, alors qu’on annonçait la pluie. Dès l’ouveture, l’espace a connu une affluence exceptionnelle et l’on comptait en permanence une cinquantaine de personnes au minimum dans la salle, malgré la longueur relative de l’œuvre au regard du nombre de pavillons à visiter. On a même aperçu Leonardo DiCaprio, caché par une capuche et discrètement entouré d’une garde rapprochée, se faufiler parmi les visiteurs. Il a fallu à Apeal lever la somme de 650 000 dollars rien que pour la location et l’aménagement du pavillon. Les amis et mécènes de l’association ont répondu présent.
La cause, véhiculer une image différente du Liban, mettre ce petit pays en harmonie avec le concert des nations et faire entendre ce qu’il a à dire, en valait la peine. Et le résultat fut magistral.

 

 

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