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Moyen Orient et Monde - Religion

Les religieux turcs esquissent l’islam du XXIe siècle

Les théologiens de « l’école d’Ankara » ont étudié à l’étranger pour s’inspirer notamment des exégètes chrétiens ayant posé un regard critique sur la Bible.

 

Après six ans de travaux, les théologiens turcs s’apprêtent à publier un recueil modernisé des préceptes du prophète Mohammad, avec pour ambition de dessiner l’islam du XXIe siècle.
L’entreprise, qui a suscité autant la curiosité que l’inquiétude des religieux du monde entier, consiste en une sélection parmi les 17 000 hadiths, les paroles et actes attribués au prophète Mohammad considérés comme des principes de gouvernance personnelle et collective pour les musulmans.


La centaine d’experts ayant collaboré à ce projet, sous l’autorité de la Diyanet, l’institution chargée en Turquie des affaires religieuses, ont choisi quelques centaines de préceptes traitant de Dieu, de la foi et la vie dans des termes accessibles à tous les citoyens turcs.
« Nous ne sommes plus au XXe siècle. Nous avions besoin d’un nouvel ouvrage sur la croyance islamique dans le contexte de la culture d’aujourd’hui », souligne Mehmet Ozafsar, responsable du projet et vice-président du Diyanet, une instance directement rattachée au Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan.
Un recueil de hadiths ne constitue pas une nouveauté dans l’islam. Au cours des siècles, les ulémas en ont produit de nombreux pour permettre aux croyants de se familiariser avec les préceptes du Prophète sans avoir à se plonger dans les textes classiques, une démarche longue et parfois source de confusion.
Ce qui rend singulière l’expérience turque, c’est qu’elle sélectionne et explique les hadiths dans l’optique de la Turquie de 2013, un pays qui tente la synthèse entre la laïcité, la société musulmane et les caractéristiques d’une économie moderne et dynamique.

Un produit de « l’école d’Ankara »
Dans cette encyclopédie en sept volumes, sont rassemblés les préceptes jugés les plus importants par les théologiens turcs. Regroupés par thème, ils sont assortis de brefs commentaires replaçant les hadiths dans leur contexte historique et expliquant ce qu’ils signifient aujourd’hui.


C’est le premier ouvrage d’envergure de « l’école d’Ankara » qui, depuis quelques décennies, procède à une relecture des Écritures nées de la culture arabe du VIIe siècle, pour en extraire les messages intemporels.
Contrairement aux religieux traditionnels, ces théologiens travaillent dans des universités modernes et ont étudié à l’étranger pour s’inspirer notamment des exégètes chrétiens ayant posé un regard critique sur la Bible.
Ils prônent ce qu’ils nomment « une modernité conservatrice », un islam sunnite fidèle à la doctrine fondamentale mais dépouillé de la vision strictement littérale revendiquée par les intégristes.
« Il existe dans le monde musulman plusieurs approches, dont certaines très étroites intellectuellement. Les Turcs ont une idée différente de la culture islamique », souligne Mehmet Ozafsar.
Cette culture, fondée sur une forte tradition laïque, autorise la consommation d’alcool et les habits occidentaux pour les femmes, même si la Turquie connait ces dernières années un regain de traditionalisme religieux sous l’influence d’un gouvernement dominé par le parti AKP dont Erdogan est issu.
L’islam turc a ses prédicatrices dans les mosquées et on compte plusieurs femmes parmi les adjointes des muftis des grandes villes du pays.

Ignorance
Pour Mehmet Pacaci, chargé des relations internationales à la Diyanet, les musulmans ne doivent pas se contenter « d’ouvrir le Coran ou une compilation de hadiths, de trouver un verset ou un précepte du Prophète, et de se dire “Ah ! Voilà le jugement pour cet acte” ». « Si l’on fait cela, c’est de la littéralité, c’est de l’ignorance. Malheureusement, une telle ignorance existe dans le monde musulman », ajoute-t-il.


Accueilli dans un premier temps avec circonspection par le reste du monde musulman, le projet turc suscite désormais une forte attente, notamment dans les pays arabes.
C’est le cas en Égypte, où les tensions sont grandes entre libéraux, Frères musulmans au pouvoir et salafistes.
« Pour les intellectuels, cette nouvelle interprétation est bienvenue, ils pensent qu’il est important que le monde arabe y soit confronté », dit Ibrahim Negm, conseiller du grand mufti d’Égypte.
Ibrahim Negm souligne que des religieux turcs se rendent désormais régulièrement à l’Université al-Azhar du Caire, creuset du sunnisme. Des versions en arabe du gran théologien turc Said Nursi, décédé en 1960, commencent à apparaître dans les librairies de la capitale égyptienne.
La première édition de L’Islam selon les hadiths du Prophète, titre de la compilation, doit sortir des presses en Turquie pendant le ramadan, début juillet.
La Diyanet prépare une version en bosniaque et en envisage une bilingue allemand-turc pour l’importante communauté turque d’Allemagne. Des éditeurs égyptiens et britanniques ont également manifesté leur intérêt.

 

 

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