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Liban - Éclairage

Entre Tripoli et Qousseir, un lien occulte

Depuis plus de cinq jours, Tripoli est plongée dans une véritable guerre qui ne veut pas encore dire son nom. Au début, les médias ont voulu croire qu’il s’agissait des rixes habituelles entre deux quartiers en conflit depuis plusieurs décennies, sur fond de réaction impulsive à la bataille de Qousseir et aux succès enregistrés par l’armée syrienne, aidée par le Hezbollah. Mais cinq jours plus tard, il faut revoir cette approche. Ce qui se passe à Tripoli n’est ni une rixe banale ni une réaction impulsive, mais bien un des épisodes de la guerre sans merci qui se déroule en Syrie. Selon un notable de la ville, les seuls qui ne veulent pas la guerre sont les Tripolitains. Sinon, toutes les parties locales et régionales poussent vers les affrontements. Et la voix de la population est toujours celle qu’on entend le moins, quand les canons commencent à vomir leurs engins de mort et de destruction...


Les affrontements à Tripoli ont donc commencé avec le début de l’avancée de l’armée syrienne à Qousseir, mais il ne s’agit pas d’une réaction impulsive. C’est plutôt une riposte bien étudiée qui a plusieurs niveaux de lectures. Selon un cheikh « neutre » de Tripoli, une des premières raisons des derniers affrontements résiderait dans le fait que les groupes islamistes de la ville ont envoyé des combattants à Qousseir dont bon nombre d’entre eux sont morts. Il faudrait donc enflammer les esprits pour justifier ces morts et aiguiser les haines pour empêcher leurs familles de se poser des questions. Cela, c’est le premier niveau.


Au deuxième niveau, les affrontements de Tripoli auraient une dimension politique interne. Ils seraient ainsi destinés à faire pression sur les tractations politiques pour tenter d’obtenir la formation d’un nouveau gouvernement en contrepartie de la prorogation du mandat du Parlement, car dans l’esprit de certaines forces influentes à Tripoli, la prorogation du mandat parlementaire serait une concession au tandem chiite Amal et le Hezbollah, et à Nabih Berry en particulier, que le 14 Mars ne veut plus réélire à la tête du Parlement s’il remporte les élections législatives. Il faut donc une contrepartie qui serait la formation d’un gouvernement sans le 8 Mars et ses alliés, que ces derniers bloquent actuellement en réclamant un gouvernement regroupant toutes les parties avec une participation proportionnelle au poids parlementaire de chacune d’elles.


Le troisième niveau de lecture est plus régional et expliquerait les combats persistants à Tripoli par une volonté arabe de punir l’armée syrienne et son allié le Hezbollah en faisant du Nord une région hors du contrôle de l’État et en particulier de l’armée libanaise. Ce serait pour cette raison que dans ce « round », les combattants ont sciemment tiré sur l’armée libanaise qui tentait de s’interposer entre les belligérants et de répondre aux sources des tirs, faisant plusieurs morts parmi les soldats. Les combattants de Bab el-Tebbaneh ont ainsi commencé par tirer en direction de Jabal Mohsen, l’enclave alaouite de la ville, pour canaliser la colère de la rue sunnite après la percée de l’armée syrienne. Bien entendu, les combattants de Jabal Mohsen ont riposté, car ils ont beau être encerclés, ils n’en sont pas moins armés et bien préparés à toutes les éventualités. L’armée a tenté d’intervenir et elle est devenue la cible des combattants. Il ne s’agit pourtant pas d’une bavure, mais d’une attaque systématique qui n’a qu’une explication : la volonté de neutraliser l’autorité de l’armée à Tripoli et peut-être dans tout le Nord. Les combattants de Jabal Mohsen ont poursuivi leur riposte en lançant des obus sur le cœur de la ville avec un message clair : vous pouvez peut-être tenter d’envahir Jabal Mohsen, mais cela vous coûtera très cher. En même temps, ils ont poussé l’armée à assumer ses responsabilités en imposant le retour au calme. Mais les tirs contre la troupe se sont poursuivis, accompagnés d’une campagne politique contre elle, menée par des figures islamistes qui ont contesté à la fois son rôle et sa mission. Au point d’ailleurs que, pour éviter d’être la cible des combattants, l’armée a donné l’ordre de retirer les soldats des rues. En dépit des déclarations officielles, la couverture politique qui lui est donnée semble insuffisante et il est clair que les responsables politiques de la ville l’assurent de leur appui, tout en laissant en douce la voie libre aux combattants, croient savoir les milieux proches du 8 Mars.


Tripoli contre Qousseir, ce serait, donc, aux yeux de certaines sources de la ville, l’équation actuellement en voie de réalisation. Il s’agirait donc de livrer la capitale du Nord et sans doute le Akkar aux groupes islamistes appuyant l’opposition syrienne, et la fameuse zone tampon que l’opposition a tenté d’obtenir depuis le déclenchement des troubles en Syrie, il y a deux ans, serait ainsi en train d’être réalisée au Liban. Pour cela, il est important de neutraliser le rôle de l’armée libanaise qui contrôle encore les frontières et possède une présence importante dans l’ensemble du Nord. Toutefois, cette fameuse zone tampon ne serait plus vraiment utile aujourd’hui, puisque, de l’autre côté de la frontière, c’est l’armée syrienne qui a repris le contrôle des régions du littoral jusqu’au rif de Qousseir, laquelle est le pendant de Ersal dans la Békaa. Sauf si l’on veut commencer à créer des troubles dans le pays alaouite qui s’étend au-delà de la frontière nord du côté du littoral. Ce qui serait un développement nouveau dans la crise syrienne et pourrait entraîner une riposte directe de l’armée syrienne au Liban.


Nous n’en sommes pas là et il est certain que les groupes islamistes de Tripoli et du Nord ne veulent pas d’un tel scénario. Dans ce cas, à quoi servent les combats de Tripoli? À exercer des pressions sur le Hezbollah pour qu’il retire ses hommes de Qousseir, affirment certaines figures islamistes, qui annoncent même que les combats à Tripoli se poursuivront aussi longtemps que dureront ceux de Qousseir. Pourtant, selon ses propres dires, le Hezbollah est engagé dans un combat stratégique.


Une drôle d’équation qui plonge chaque jour un peu plus le Liban dans le feu syrien...

 

 

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commentaires (10)

Y a des coups de pied occulte qui se perdent...

GEDEON Christian

13 h 57, le 25 mai 2013

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Commentaires (10)

  • Y a des coups de pied occulte qui se perdent...

    GEDEON Christian

    13 h 57, le 25 mai 2013

  • TRÈS REGRETTABLE, ET QOUSSEIR, ET TRIPOLI ET SAÏDA ET TOUT LES DÉVELOPPEMENTS POSSIBLES...

    SAKR LOUBNAN

    16 h 37, le 24 mai 2013

  • Sales bääSSyriens, alliés évidemment de ces indépassables Anthracites fakîhàRiens ; yâ hassértéhhh !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    14 h 50, le 24 mai 2013

  • Mais qu'est-ce qu'ils ont de libanais ?

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    13 h 47, le 24 mai 2013

  • Je reviens sur cet article pour parler du témoignage de ce combattant de la résistance de 18 ans, quelle maturité ! la bravoure n'a pas d'âge, son obstination à vouloir retourner finir le job , je m'incline devant autant de conscience de survie , je reste béat d'admiration!! avec une telle force je le dis rien ne pourra plus jamais être comme avant pour les sionistes malfaisants alliés des WQQSNCT.

    Jaber Kamel

    13 h 35, le 24 mai 2013

  • La seule stratégie du régime baassiste et alaouites depuis toujours est de nuire au Liban...tous ceux qui ne leur sont pas soumis...

    CBG

    11 h 59, le 24 mai 2013

  • Le 1er acte de traitrise est de tirer sur l'armée libanaise. Ensuite si on est pas content du succés du hezb résistant à Qousseir ou généralement en Syrie malgré ses 104 morts pour la cause, on va en Syrie pour en découdre, bon, les salafowahabo ont essayé d'y aller, moi je respecte cette décision bien que je ne l'approuve pas, ils se sont fait gaulés, c'est la faute à une mauvaise préparation, on ne s'improvise pas combattant du jour au lendemain. Les jeunes du hezb quand ils morflaient au sud, ils n'ont attaqué que les envahisseurs et leurs complices, pas les résidents des quartiers d'à côté ! l'apprentissage est long et périlleux , mais la tactique des salafowahabo les mène droit dans le mur, parce que Tripoli une fois hors contrôle de l'armée vaillante du pays, s'ils croient pouvoir la contrôler entièrement , ils se plantent royalement, on les attend quelque part, pas moi, je suppose, parce les types d'en face, c'est pas des neuneus.Allez bonnes gens un peu de jugeotte, baissez les armes contre l'armée, on a tous à perdre, et même vous plus que d'autres, Tripoli c'est votre toît. Et Scarlett notre ombrella.

    Jaber Kamel

    11 h 46, le 24 mai 2013

  • Occulte????

    Ali Farhat

    10 h 04, le 24 mai 2013

  • Sales bääSSyriens !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    09 h 00, le 24 mai 2013

  • Entre Tripoli et Qousseir, un lien flagrant !

    Halim Abou Chacra

    05 h 43, le 24 mai 2013

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