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À La Une - Liban

Réfugiés syriens, le point de non-retour?

L’Europe dénonce « la plus grave crise humanitaire jamais observée »

La commissaire européenne,Kristalina Georgieva, avec les enfants syriens réfugiés à l'école publique de Baalbeck. Photo Anne-Marie el-Hage

Avec l’afflux quotidien de plus de 4 000 réfugiés syriens, le Liban tente désespérément de faire face à une situation « qui a dramatiquement empiré en cinq mois ». Une situation qui est désormais « bien au-delà des capacités de la communauté humanitaire internationale », car « nous assistons à la plus grave crise humanitaire jamais observée » : le constat de Kristalina Georgieva est consternant. En visite au pays du Cèdre, la commissaire européenne chargée de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises annonce hier l’octroi, par l’Union européenne, de 20 millions d’euros supplémentaires pour répondre aux conséquences de la crise syrienne au Liban, en plus des 95 millions qu’elle a déjà accordés au pays du Cèdre. Une somme bien dérisoire face à l’ampleur des besoins et du drame que vivent certains réfugiés.


C’est émue jusqu’aux larmes, que Mme Georgieva écoute les réfugiés syriens, à Baalbeck, avec un mot rassurant pour chacun. Qu’elle observe leur dur quotidien. Un quotidien fait de privations, de sacrifice, de maladies, de promiscuité, d’exploitation même. « Nous manquons de tout. » Ces termes résument à eux seuls ce qu’est devenue l’existence de ces réfugiés entassés à 400 personnes dans l’École secondaire publique désaffectée de Baalbeck, qui devrait idéalement en héberger 200. Des réfugiés qui dorment, pour certains, à huit personnes dans des caves humides et sans aération, sous les escaliers. Louée à leur intention par le cheikh sunnite Machhour el-Solh avec l’aide de donateurs, l’école a été aménagée par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), grâce au financement de l’Union européenne.

 

(Reportage : « Quand j’aurai dépensé toutes mes économies, je quitterai Deir ez-Zor et deviendrai réfugié »)
 
Se laver tous les dix jours...
Ici, une mère montre son enfant, pâle et amaigri, qui souffre d’une maladie sanguine. Là, un père lance : « Mon fils a besoin d’être opéré. » Cachée derrière un paravent, une femme supplie : « Nous n’en pouvons plus de vivre à plusieurs familles dans une même pièce. » Plus loin, un autre père raconte sa grande difficulté à trouver du travail et déplore l’insuffisance des aides humanitaires : « Les rations alimentaires sont dérisoires et largement insuffisantes. J’essaie de trouver du travail, mais dans le meilleur des cas, je suis embauché en tant qu’ouvrier un jour sur dix, avec un salaire de misère. Le reste du temps, je vends les couvertures que nous recevons pour acheter du lait à nos enfants. » Les réfugiés souffrent aussi du manque d’eau. « Se laver est un luxe que nous ne nous permettons qu’une fois chaque quinzaine, ou au mieux, tous les dix jours », assure une autre femme, qui avoue son incapacité « de payer les citernes d’eau ». Pas étonnant que les enfants soient sales et déguenillés.


Dans cet état des lieux, l’éducation est illusoire. Dans leur grande majorité, les enfants sont déscolarisés depuis un an, voire deux pour certains. Quelques-uns deviennent alors soutiens de famille, comme Mohammad, âgé de 13 ans, qui gagne 6 000 LL par jour en tant que peintre en bâtiment. « Je les remets à ma mère », dit-il fièrement. Cela permet à la famille de survivre. « Je te félicite d’aider ta famille, mais tu dois aller à l’école », lui répond avec insistance la commissaire européenne, accompagnée de la représentante de l’Union européenne au Liban, l’ambassadrice Angelina Eichhorst, tout en lui glissant un billet « pour qu’il s’achète un livre ».

 

 

(Pour mémoire : Donner naissance... un parcours de combattante pour les réfugiées syriennes)



Des tensions intercommunautaires
Les difficultés de la petite communauté ne s’arrêtent pas là. Appartenant à la communauté sunnite, le groupe de réfugiés n’est pas le bienvenu à Baalbeck, ville principalement chiite. La nuit, il se calfeutre dans l’enceinte de l’école, par crainte de tensions avec des habitants. Des tensions ont eu lieu, selon cheikh el-Solh, qui fait part, à demi-mot, de menaces adressées à l’encontre des réfugiés syriens. « Des pierres ont même été lancées au-dessus du mur d’enceinte de l’école », raconte un homme.


Sans aucun doute, la situation est de plus en plus ingérable. « Elle le sera davantage au fur et à mesure qu’afflueront de nouveaux réfugiés syriens », annonce le directeur pour le Liban du Conseil norvégien pour les réfugiés, Mads Almaas, qui tente de trouver des solutions pour loger les nouveaux arrivants, notamment dans les chantiers inachevés, ou dans des camps, éventuellement. Car les fonds manquent, vu les besoins en augmentation constante, et malgré les efforts de la communauté internationale. Les réfugiés estiment déjà que les rations alimentaires sont insuffisantes. « Mais il est possible que ces rations soient encore réduites, faute de financement », affirme M. Almaas. « Chaque famille recevra une assistance moins importante, car il faudra aider davantage de familles », explique-t-il, à ce propos.
La solution ? « L’Europe doit absolument faire plus », préconise Kristalina Georgieva. « Mais cela restera malheureusement insuffisant », regrette-t-elle, invitant les partenaires européens à rassembler leurs efforts et à mettre en place des mesures extraordinaires de collecte de fonds. « Car il faut envisager l’impensable et se préparer en cas de nouvel afflux de réfugiés. » Quant à l’assistance aux réfugiés, elle doit être non seulement « humanitaire », mais être aussi axée sur le « développement ». La commissaire insiste enfin sur la nécessité d’une solution politique au conflit en Syrie.


Des solutions radicales ?
Loin de là, en l’absence d’une stratégie internationale pour régler cette crise humanitaire. Dans l’espoir que le Liban ne soit pas lui aussi emporté par le courant.

 

 

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