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À La Une - Repère

Armes chimiques en Syrie : un état des lieux

Quelle est l'ampleur des stocks, comment les éradiquer, les armes ont-elles été utilisées?

Une affiche américaine, datant de la seconde guerre mondiale. Crédit : National Museum of Health and Medicine

Historique

Comme le rappelle l’organisation non gouvernementale Nuclear Threat Initiative(NTI), le programme d’armement syrien trouve sa source au milieu des années 70. Craignant pour la sécurité du pays après les guerres arabo-israéliennes de 1967 et 1973, le gouvernement d'Hafez el-Assad décide la mise en place d’un vaste programme d’armement chimique. Il est à l’époque aidé en sous main par l’Egypte, mais aussi l’URSS.

 

Après l'invasion de Irak de 2003, le programme se fait plus discret. Le dernier test officiel d’armes chimiques par la Syrie a lieu en 2001.


Le 23 juillet 2012, le gouvernement syrien avoue détenir des armes chimiques, provoquant de virulentes réactions de la part des dirigeants occidentaux. "Aucune arme chimique ou non conventionnelle ne sera utilisée contre nos propres citoyens (...), ces armes ne seront utilisées qu'en cas d'agression étrangère", assure alors le porte-parole du ministère des affaires étrangères syrien, Jihad Makdessi.

 

La Syrie est l’un des six derniers pays –avec l’Egypte, la Corée du Nord, la Somalie, le Soudan du Sud et l'Angola- à ne pas avoir signé  la Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques de 1993 (CIAC).

Deux États, Israël et la Birmanie, l'ont signée mais pas ratifiée.



Wikipedia/cma.army

Stock de gaz moutarde, au Colorado, Etats-unis (CC/Wikipedia)

 

 

Quelles armes?

Selon un rapport du directeur du renseignement américain daté du 12 mars 2013, la Syrie possèderait un "programme d'armement chimique extrêmement actif". Aucun document officiel ne détaille cependant l'arsenal chimique de Damas. "Nous ne pouvons faire que des spéculations", explique à Lorientlejour.com Sico van der Meer, spécialiste des armes chimiques à l’Institut Clingendael de La Haye.


L'armée syrienne détiendrait néanmoins un arsenal consistant et diversifié d'armes chimiques.

Parmi elles, le gaz moutarde, célèbre pour son utilisation durant la Première guerre mondiale, et qui endommage gravement les voies respiratoires.

Selon un rapport du Monterey Institute for International Studies, l'arsenal syrien comprendrait également des "centaines de tonnes" de gaz neurotoxiques, plus dangereux encore, comme le VX ou le gaz sarin, qui aurait été utilisé ces derniers jours en Syrie. Comme le rappelle le Center for disease control and prevention, une seule goutte sur la peau de l'un de ces deux produits peut provoquer la mort en une dizaine de minutes


Selon les sources officielles américaines, citées par Le Figaro, il existerait une dizaine de centres de recherche, sites de stockage ou de production d’armes chimiques en Syrie, essentiellement situés dans le sud et ouest, à proximité de Damas et de Homs. Mais les armes semblent avoir été déplacées depuis le début du conflit. "Elles pourraient aujourd’hui être n’importe où dans le pays", estime Sico van der Meer.


Une certitude cependant : la Syrie a les moyens militaires de lancer ces armes chimiques. Le pays possède quantité de missiles Scud permettant de projeter les gaz toxiques jusqu'à 600 kilomètres de distance. L'armée pourrait également faire usage de lance-roquettes ou larguer des bombes chimiques par avion.



Les armes chimiques utilisées ?

Depuis fin mars 2013, les soupçons d'utilisation d'armes chimiques par les troupes de Bachar el-Assad se multiplient. Ces soupçons sont accompagnés d'une foule de déclarations politiques et avertissements.


Le 25 avril, les Etats-Unis déclarent pour la première fois, dans une lettre adressée à des membres du Congrès, estimer "avec un certain degré de certitude, que le régime syrien [a] utilisé des armes chimiques à petite échelle". Il est toutefois précisé dans cette lettre que les renseignements ne sont pas suffisants pour avoir la certitude que Damas a franchi la "ligne rouge" tracée par Washington. Au même moment, Londres fait état de "preuves croissantes" sur un tel recours.


Cinq jours plus tard, le président Obama explique que les Etats-unis ont "maintenant des preuves que des armes chimiques ont été utilisées en Syrie". "Mais nous ne savons pas par qui, ni quand, ni comment, ajoute-t-il. Je dois être certain d'avoir tous les éléments".

"Nous n'avons pas de certitude, il y a des indices qui ont été donnés par les Anglais, par les Américains, nous sommes en train d'essayer de vérifier cela", déclare, le même jour, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.

 

Côté syrien, le régime dément toutes les accusations : "Je tiens à insister une fois de plus sur le fait que la Syrie n'utiliserait jamais (d'armes chimiques), pas seulement parce qu'elle respecte la législation internationale et les règles d'une guerre, mais en raison de problèmes humanitaires et moraux", déclare le ministre syrien de l'Information Omrane al-Zohbi, le 27 avril, qualifiant les déclarations américaines et britanniques de "mensonge éhontés".

 

L'affaire est relancée le 5 mai, quand Carla Del Ponte, membre de la commission d'enquête de l'ONU sur les violations des Droits de l'Homme, affirme que les rebelles eux-mêmes auraient fait usage de gaz sarin. L'ancienne procureur général du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est toutefois rapidement désavouée par sa propre institution, quand la commission déclare ne pas avoir "atteint des résultats permettant de conclure que des armes chimiques ont été utilisées par les parties au conflit".


Le 9 mai, Damas, par la voix de son vice-ministre des affaires étrangères Fayçal Moqdad, se déclare prêt à accueillir en Syrie la commission d'enquête de l'ONU sur les armes chimiques. Celle-ci avait pourtant affirmé s'être vue refuser l'accès au pays courant avril. "Les rumeurs selon lesquelles la Syrie a empêché la mission de venir sont absolument incorrectes, folles et inacceptables. C'est un grand mensonge", déclare Fayçal Moqdad.

 

Cette commission a été mise en place après que le régime syrien a accusé l'opposition d'avoir eu recours à des armes chimiques le 23 mars à Khan al-Assal près d'Alep (nord).

 

Pour Sico van der Meer, interrogé début mai, "il n'existe pas aujourd'hui de preuves convaincantes de l’utilisation de gaz en Syrie".


 


AFP/FABRICE COFFRINI

Carla del Ponte, en février 2013 (AFP/FABRICE COFFRINI)


 

Le 4 juin, le ministère français des Affaires étrangères déclare que les analyses effectuées par un laboratoire français sur des échantillons en possession de Paris "démontrent la présence de sarin dans les échantillons (...). Au regard de ces éléments, la France a désormais la certitude que le gaz sarin a été utilisé en Syrie à plusieurs reprises et de façon localisée".

Selon le ministre Laurent Fabius, les échantillons proviennent de deux sources. D'une part des échantillons (sang, urine, cheveux) rapportés fin avril de la région de Damas par deux envoyés spéciaux du Monde, et de l'autre des échantillons rapportés aux autorités françaises, qui proviendraient de Saraqeb, au sud de Homs, où une attaque a été signalée fin avril. Pour ces derniers échantillons, "il ne fait aucun doute que c'est le régime et ses complices" qui sont responsables "parce que nous avons pu remonter toute la chaîne" de l'attaque, assure le responsable français.

 

Le 13 juin 2013, la Maison Blanche indique, à son tour, qu'une "ligne rouge" a été franchie en Syrie et accuse le président Assad d'avoir utilisé des armes chimiques, dont du gaz sarin, annonçant un soutien militaire, sans autres précisions, aux rebelles syriens.

 

 

 

 

Expérimentation militaire, accident.. Les raisons d'une possible utilisation

Le recours aux armes chimiques par le régime syrien a longtemps été considéré très improbable. "Je crois que si la communauté internationale trace clairement des lignes rouges, le régime syrien n'utilisera pas ses armes chimiques", estimait en décembre dernier, Dina Esfandiary, chercheur au programme de non-prolifération et de désarmement de l'IISS.

"La véritable utilité de ces armes dans une guerre est très limitée", affirmait pour sa part Yezid Sayigh, analyste au Carnegie Middle East Center. Celles-ci ne "peuvent pas être employées dans des zones où la présence de troupes hostiles est combinée à une population soutenant le régime, ou contre une population hostile dans une zone où sont déployées des troupes régulières".

 

Pour Sico van der Meer, les usages supposés, rapportés par les uns et les autres, de gaz toxiques en Syrie ne correspondent pas à la manière "habituelle" d'utiliser des armes chimiques. Celles-ci, rappelle l'expert, sont en effet créées pour être utilisées de façon massive, et non de manière ponctuelle et localisée.

 

Pour M. Van der Meer, si des armes chimiques ont été utilisées de manière localisée en Syrie, il pourrait dès lors s'agir "d'une expérience menée par les militaires pour voir quelles seraient les réactions de la communauté internationale en cas d'utilisation (plus massive) d'armes chimiques". Il pourrait également s'agir d'"un accident" survenu lors d'affrontements ayant touché un stock de gaz. Dernière hypothèse, des armes chimiques auraient pu être "volées par les rebelles" qui s'en serviraient alors tout "en accusant le gouvernement d'en faire usage".


 

Et si la "ligne rouge" est franchie?

Le 20 août 2012, Barack Obama se fait menaçant : l'utilisation d'armes chimiques est la "ligne rouge" à ne pas franchir, sous peine "d'énormes conséquences".

Depuis, les débats se multiplient pour savoir si oui ou non cette "ligne rouge" a été franchie.

 

Le président démocrate de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain a déposé le 6 mai dernier un texte pour autoriser l'armement des rebelles syriens par les Etats-Unis. "Le régime Assad a franchi une ligne rouge qui nous force à envisager toutes les options", a déclaré Robert Menendez dans un communiqué.

Pour le sénateur américain John Mc Cain, cette ligne rouge, tracée à "l'encre effaçable" a bel et bien été franchie.

 

Même son de cloche du côté du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui déclare, dans un entretien à la chaîne de télévision américaine NBC News diffusé le 9 mai, que Damas a "franchi depuis longtemps" la ligne rouge fixée par les Etats-Unis. "Nous voulons que les Etats-Unis assument plus de responsabilités et s'engagent davantage", poursuit-il.

 

Le président Obama, lui, défend la stratégie de prudence adoptée par son gouvernement, tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de "réponses faciles" face à cette crise.

 

"Nous savons que des traces ont été retrouvées, et il s'agit probablement d'armes chimiques. Ce que nous ne savons pas encore (...) c'est si elles ont été répandues de façon accidentelle", par le régime ou les rebelles, argumente le vice-président américain, Joe Biden, dans un entretien au bimestriel Rolling Stone publié le 9 mai. "Nous ne voulons pas tout gâcher comme la précédente administration (de George W. Bush) l'a fait en Irak, en disant +armes de destruction massive+", ajoute-t-il pour expliquer la prudence américaine sur la question.

 

Dans tous les cas, une opération armée sur le terrain s’avèrerait compliquée pour les Etats-Unis. Selon David Kay, expert au Potomac Institute, interrogé par l'AFP, "même dans les meilleures conditions", une sécurisation des centres de stockage d'armes chimiques requerrait "des effectifs très nombreux". Il s'agirait en effet de retrouver des sites nombreux et éparpillés dans le pays.


Pour Michael Eisenstadt,  expert au Washington Institute for Near East Policy, une opération de neutralisation des armes chimiques pourrait prendre "des semaines, voire des mois". De plus, selon lui, certains sites seraient "inatteignables et devront être bombardés". Un scenario catastrophe qui pourrait mettre en danger la vie des populations vivant à proximité des centres de stockage. 


"Je ne peux pas imaginer que la Syrie ait pu franchir la ligne rouge", avoue cependant Sico van der Meer. En utilisant de manière massive des armes chimiques, Bachar el-Assad perdrait immédiatement le soutien de Moscou et Pékin, ses deux seuls alliés au sein du conseil de sécurité de l'ONU.



(Article actualisé le 14 juin 2013)



Pour mémoire

En Syrie, des rebelles fabriquent eux-mêmes leurs masques à gaz

 

La panoplie des armes chimiques de Damas est « assez robuste », selon Olivier Lepick


Syrie : Et maintenant, les armes chimiques

 

 

 

Historique
Comme le rappelle l’organisation non gouvernementale Nuclear Threat Initiative(NTI), le programme d’armement syrien trouve sa source au milieu des années 70. Craignant pour la sécurité du pays après les guerres arabo-israéliennes de 1967 et 1973, le gouvernement d'Hafez el-Assad décide la mise en place d’un vaste programme d’armement chimique. Il est à l’époque aidé...

commentaires (2)

Toujours donc dans le monde des spéculations . Personne n'est sûr de l’utilisation des armes chimiques en Syrie . Dossier à suivre. Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

13 h 33, le 13 mai 2013

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Commentaires (2)

  • Toujours donc dans le monde des spéculations . Personne n'est sûr de l’utilisation des armes chimiques en Syrie . Dossier à suivre. Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    13 h 33, le 13 mai 2013

  • Vous savez la difference qu'il y a de mourir par arme "normale" et armes chimiques ?? c'est en rapport avec "la qualite" des victimes. What do I mean ??? I will let you know later...

    Jaber Kamel

    11 h 36, le 13 mai 2013

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