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À La Une - Crise

Rififi au sein de la commission d'enquête autour des armes chimiques et des rebelles syriens

Les États-Unis "hautement sceptiques" quant à l'usage d'armes chimiques par les rebelles, l'opposition convaincue que seul le régime en possède.

Le procureur suisse Carla del Ponte a parlé dimanche d'usage de gaz sarin par les rebelles syriens. AFP PHOTO / FABRICE COFFRINI

La Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie, mandatée par l'ONU, a affirmé lundi qu'elle "n'avait pas obtenu de résultats permettant de conclure que des armes chimiques ont été utilisées par les parties au conflit".
"En conséquence et à ce jour la Commission n'est pas en mesure de commenter davantage ces allégations", ajoute un communiqué qui apparaît comme un désaveu de déclarations dimanche à la presse d'un de ses membres, le procureur suisse Carla del Ponte, qui a parlé d'usage de gaz sarin par les rebelles.


Mme del Ponte, qui dans ses précédents mandats, notamment en tant que procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), s'était fait remarquer pour des déclarations radicales aux médias, avait affirmé dimanche soir en italien à la chaîne de télévision publique suisse du Tessin, avoir vu un rapport sur "des témoignages recueillis concernant l'utilisation d'armes chimiques, en particulier de gaz neurotoxique, par les opposants et non par le gouvernement". Elle avait parlé de "forts soupçons, de soupçons concrets" et estimé que ce n'était pas "surprenant" que les rebelles aient utilisé du gaz sarin "car des combattants étrangers se sont infiltrés parmi les opposants".

 

La Coalition de l'opposition a réagi en affirmant qu'elle prendra des mesures s'il est prouvé que des rebelles ont utilisé des armes chimiques, se disant cependant convaincue que seul le régime en possède.
"La Coalition dénonce toute usage d'armes chimiques, quelle que soit la partie qui les utilise, et elle poursuivra son enquête et collectera des preuves sur ce sujet pour les présenter à la commission d'enquête internationale", indique-elle dans un communiqué

 

 

Les États-Unis sceptiques
"Nous sommes hautement sceptiques quant aux affirmations selon lesquelles l'opposition (syrienne) aurait pu utiliser des armes chimiques", a pour sa part affirmé le porte-parole de l'Exécutif américain, Jay Carney. "Nous jugeons hautement probable que quelque utilisation d'armes chimiques que ce soit en Syrie est le fait du régime" de Bachar el-Assad, a-t-il ajouté lors de son point de presse quotidien.
"Tout usage d'armes chimiques en Syrie proviendrait selon toute vraisemblance du régime Assad. Nous pensons que ces armes sont contrôlées mais nous savons aussi que le régime Assad a démontré être prêt à une horrible escalade de la violence contre les Syriens", a de son côté commenté un porte-parole du département d’État, Patrick Ventrell.
Plus tôt lundi, un haut responsable de la diplomatie américaine avait affirmé que les États-Unis n'avaient "pas d'informations laissant penser que les rebelles ont la capacité ou l'intention de déployer ou d'utiliser de telles armes".

Les États-Unis, où Barack Obama a fait de l'utilisation d'armes chimiques une "ligne rouge" dans le conflit syrien, avaient précédemment déclaré être parvenus à la conclusion "avec différents degrés de certitude" que les forces gouvernementales syriennes avaient utilisé du gaz sarin contre leur propre peuple. Mardi dernier, Barack Obama a toutefois déclaré que si les États-Unis avaient des preuves que des armes chimiques ont bien été utilisées en Syrie, ils ne savaient "pas comment elles ont été utilisées, quand elles ont été utilisées, ni qui les a utilisées".

 

(Pour mémoire : Washington reste prudent sur les armes chimiques syriennes)

 

Lundi, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a pour sa part indiqué qu’il y "avait un faisceau d’indices" de l’utilisation par les forces d’Assad d’armes chimiques. Ila également souligné que Paris a demandé avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada une enquête sur le sujet. "On enquête pour savoir si ces faisceaux d'indices sont des preuves", a-t-il déclaré.

 

La Commission d'enquête, dont le mandat s'achèvera en mars 2014, publiera son prochain rapport sur les violations en Syrie du droit international relatif aux droits de l'homme fin mai en vue de le présenter le 3 juin au cours de la prochaine session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève.
Le président de la Commission d'enquête, le juriste brésilien Paulo Sergio Pinheiro "rappelle à toutes les parties au conflit que l'utilisation d'armes chimiques est prohibée en toutes circonstances en vertu du droit international humanitaire coutumier".

 

Abou Tarek, 74 ans, un officier de l'armée syrienne à la retraite, désormais

membre d'une brigade rebelle, prépare son propre masque à gaz,

assemblage d'une morceau de bouteille d'eau, de charbon, de coton, de gaz, de carton...

AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA

 

 

Le régime de Bachar el-Assad et les rebelles se sont mutuellement accusé d'avoir employé des armes chimiques à trois reprises, en décembre près de Homs puis en mars près d'Alep et de Damas.

 

 

Déclarations irresponsables
Lundi, les déclarations de Mme Del Ponte ont surpris des spécialistes de ces questions. "Les affirmations de Mme Del Ponte sont surprenantes car nous ne pensons pas que la Commission d'enquête dispose de preuves pour les soutenir. Dans le débat très controversé sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, c'est simplement irresponsable de la part d'un haut responsable de l'ONU d'avancer de telles affirmations sans une base factuelle solide", a ainsi déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat un expert des droits de l'homme.


Les équipes de la Commission d'enquête, mandatée depuis 2011 par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, n'ont jamais reçu le feu vert de Damas pour entrer en Syrie. La Commission mène donc ses enquêtes en se rendant notamment dans les pays voisins de la Syrie, où ses enquêteurs interrogent des réfugiés, des victimes et des médecins notamment.


Une autre Commission d'experts a été mandatée fin mars par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon pour faire la lumière sur l'usage éventuel d'armes chimiques en Syrie, mais elle s'est vu refuser en avril l'accès au pays par le gouvernement syrien. "Une enquête exhaustive et crédible nécessite d'avoir un accès complet au site où ces armes auraient été utilisées", avait réagi M. Ban Ki-moon appelant le 29 avril les autorités syriennes à autoriser "sans délai et sans conditions" cette visite.

 

(Pour mémoire : Armes chimiques : les défis de l’enquête de l’ONU)

 

Lundi, le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a jugé "regrettable" le refus persistant de la Syrie de permettre à des inspecteurs de l'ONU d'enquêter sur le terrain sur l'utilisation présumée d'armes chimiques.

Le chef de l'Otan a lui aussi indiqué ne pas avoir "d'informations étayées sur qui a réellement eu recours à des armes chimiques", après les propos de Carla del Ponte. "L'usage d'armes chimiques est une violation des lois internationales, quelle que soit la partie qui les utilise", a-t-il réitéré.


Le sarin est un puissant gaz neurotoxique découvert à la veille de la Seconde Guerre mondiale en Allemagne et utilisé par une secte dans le métro de Tokyo en mars 1995, et qui avait causé la mort de 12 personnes.
Outre son inhalation, le simple contact avec la peau de ce gaz bloque la transmission de l'influx nerveux et entraîne la mort par arrêt cardio-respiratoire. La dose létale est d'un demi-milligramme pour un adulte. Il est inodore et invisible. 

 

Une source informée a indiqué à l'AFP que les autorités turques ont fait procéder à des tests sanguins sur des réfugiés syriens blessés dans les combats en Syrie afin de déterminer s'ils ont été victimes d'armes chimiques. Les résultats des tests ne sont pas encore connus.

 


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