La stagnation au Liban serait appelée à se prolonger. C’est la conclusion à laquelle ont abouti de nombreux observateurs qui suivent de près les développements au Liban et dans la région. Selon ces observateurs, c’est surtout la situation en Syrie qui détermine la suite des événements. Ainsi, la récente percée de l’armée syrienne sur le terrain, notamment autour de Damas, et dans la région de Qousseir et de Homs, ainsi que la reprise en main par les forces du régime de la ligne frontalière au niveau de Ersal et de son jurd ont constitué une grande déception pour les forces de l’opposition et leurs alliés régionaux et internationaux. Alors que les médias favorables à l’opposition parlaient de l’imminence de la « grande bataille de Damas », celle-ci est désormais reléguée aux calendes grecques, alors que c’est l’armée régulière qui avance sur le terrain. C’est d’ailleurs fort de ces percées sur le terrain que le président syrien Bachar el-Assad s’est adressé à la chaîne officielle syrienne, posant ses conditions et donnant sa vision de la solution. Pour les États-Unis – qui étaient restés en retrait du dossier syrien ces derniers temps -, les pays arabes qui soutiennent l’opposition syrienne se sont donc montrés incapables d’enregistrer des victoires décisives sur le terrain. En dépit des armes et des combattants envoyés en quantité en Syrie, c’est l’armée qui est en train de marquer des points.
Les observateurs estiment donc qu’en voyant que l’opposition est en train de perdre du terrain, les États-Unis ont décidé de réagir en relançant la question de l’utilisation par le régime d’armes chimiques. Alors qu’il avait été évoqué il y a quelque temps avant d’être rapidement refermé car il y avait des possibilités que les gaz chimiques aient été utilisés par des forces de l’opposition, à Khan el-Assal notamment, ce dossier est donc de nouveau sur le tapis. Selon ces mêmes observateurs, l’idée serait d’utiliser ce dossier comme prétexte à une intervention directe en Syrie suivant deux axes, l’un via la Jordanie limitrophe de la province de Deraa, où 200 marines américains entraînent des membres de l’opposition, et l’autre via le Golan et une partie du Sud-Liban, où Israël commence à préparer une action qui, par la même occasion, couperait la voie au Hezbollah. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, dans l’interview précitée, le président syrien a adressé une sorte d’avertissement à la Jordanie qui est en train de s’engager ouvertement aux côtés de l’opposition, allant même jusqu’à permettre aux drones israéliens d’utiliser ses propres couloirs aériens.
Toutefois, le camp qui appuie le régime syrien a aussitôt réagi, multipliant l’envoi de messages dans toutes les directions. Il y a eu d’abord la publication de la photo de l’entretien entre l’ayatollah Khamenei et le secrétaire général du Hezbollah, debout côte à côte, évoluant d’égal à égal. Il y a eu ensuite la déclaration de l’ayatollah Khamenei selon laquelle toute attaque contre la Syrie embrasera la région et englobera Tel-Aviv. Enfin, il y a eu aussi la tournée prolongée de l’émissaire du président russe Mikhaël Bogdanov dans la région, et en particulier au Liban.
Si Bogdanov connaît bien certaines personnalités libanaises, du temps où il était diplomate à l’ambassade de l’URSS à Beyrouth dans les années 60-70, il a tenu au cours de sa visite au Liban à avoir l’éventail le plus large de rencontres, quitte à devoir entrer dans les dédales et les détails des sensibilités politiques et confessionnelles libanaises. Mais le message principal de Bogdanov est que la Russie a pignon sur rue au Liban et que ce pays ne sera pas livré à l’influence américaine. En même temps, Bogdanov a eu un long entretien qui s’est prolongé jusqu’à l’aube avec sayyed Hassan Nasrallah. Cela donne d’ailleurs une idée de l’importance de cet entretien et de son contenu stratégique puisque les deux hommes ont parlé pendant des heures. Si l’émissaire du président Poutine a donc eu des entretiens avec toutes les parties, il a quand même marqué une attention particulière au Hezbollah. Ce qui est déjà en soi un message politique. Selon un diplomate qui a suivi de près les entretiens de l’émissaire de Vladimir Poutine au Liban, celui-ci aurait adressé des messages précis à ses interlocuteurs, tout en étant nettement plus bavard avec les représentants du 8 Mars et du CPL. Le diplomate précise ainsi que Bogdanov a affirmé à ses interlocuteurs que la crise syrienne est encore longue et qu’il ne faut pas attacher trop d’espoir sur les résultats du prochain sommet entre les présidents américain et russe, Barack Obama et Vladimir Poutine, prévu en juin. Contrairement à ce qu’ont rapporté les médias du 14 Mars, il n’a certainement pas demandé au Hezbollah de cesser d’aider le régime syrien. Au contraire, la Russie et le Hezbollah se retrouvent ici dans la même tranchée. Et l’émissaire russe a insisté sur le fait que la seule solution possible en Syrie est politique. Il faut donc tout faire pour favoriser le dialogue sur la base de l’accord de Genève que les États-Unis interprètent, selon lui, à leur manière, puisque cet accord ne prévoit pas le départ préalable du président syrien, mais simplement une période transitoire dont les mécanismes ne sont pas définis. Il a aussi affirmé que la Russie fera tout pour favoriser un dialogue entre les parties syriennes et posera son veto à toute intervention militaire étrangère. En même temps, Bogdanov a dit publiquement, dans ses nombreuses déclarations, que son pays n’acceptera pas un scénario à l’irakienne en Syrie au sujet de l’utilisation présumée par le régime d’armes chimiques. Il a ainsi exigé des preuves irréfutables et a déclaré que son pays coopère avec l’Iran au sujet de la Syrie et d’autres questions régionales.
Toutes ces données montrent ainsi que le bras de fer international et régional se poursuit... en Syrie. Chaque nouveau scénario élaboré par l’opposition et ses alliés ou parrains est aussitôt contré par le camp adverse. Et le Liban dans tout cela? La sagesse voudrait qu’il reste à l’abri...
commentaires (6)
De Poutinof, Lavrof et Bogdanof... le régime syrien et ses acolytes, s'ils ne font pas la paix négociée immédiatement, TOMBERONT EN CRIANT : OF ! OF ! OF !
SAKR LOUBNAN
11 h 54, le 02 mai 2013