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Moyen Orient et Monde - Tribune

La Syrie au bord du gouffre humanitaire

La guerre civile en Syrie est en train d’engendrer une crise humanitaire qui dépasse de loin les pires estimations des vieux routiers de l’humanitaire. Les dirigeants des principales agences d’aide des Nations unies viennent de lancer un appel urgent à la communauté internationale pour agir contre la violence. J’espère que leur appel sera entendu mais je crains que faute d’action nous nous rapprochions d’un désastre imminent – pas seulement pour le peuple syrien, mais aussi pour le Moyen-Orient et le monde entier.
La gravité de la situation humanitaire est telle qu’elle risque d’échapper à tout contrôle, faute de réaction et de moyens suffisants pour y répondre. La communauté internationale, prisonnière de l’impasse politique de ce conflit, semble paralysée. Alors que cette catastrophe qui se dresse devant nous devrait pousser à une action politique, il semblerait que c’est aux acteurs humanitaires qu’a été passée l’impossible tâche de « gérer le conflit ».
Les violents combats qui déchirent le pays ont causé la mort de 70 000 hommes, femmes et enfants. Le mois de mars fut le plus sanglant, avec plus de 6 000 morts.
À cause de ce conflit, au moins six millions de Syriens ont urgemment besoin d’aide. Le nombre de Syriens cherchant refuge au Liban et en Jordanie ainsi qu’en Turquie et en Irak, augmente dans des proportions vertigineuses de 200 000 chaque mois, soit de 7 000 par jour.
En décembre dernier, quand j’ai visité les réfugiés syriens au Liban et en Jordanie avec le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés Antonio Guterres, les estimations les plus sombres projetaient que la barre d’un million de réfugiés serait passée au cours des six premiers mois de 2013. De fait, cette barre a été passée en février. Le flux quotidien de réfugiés quittant la Syrie a triplé au cours des derniers mois. Au rythme actuel, il est à craindre que la vague de réfugiés atteindra deux millions dans quelques mois. Une telle évolution met en péril la stabilité de la région.
En termes d’assistance humanitaire, l’Europe avec ses États membres a déjà contribué une aide humanitaire s’élevant à 460 millions d’euros. Et je suis certaine que l’ensemble des États membres respecteront la promesse collective de l’UE faite en janvier dernier pendant la Conférence des donateurs au Koweït de mobiliser 600 millions d’euros. La Commission européenne a déjà honoré tous ses engagements. Mais il est regrettable que seulement la moitié des 1,5 milliard de dollars promis par l’ensemble des donateurs ont été versés aux organisations humanitaires.
Le problème auquel nous devons faire face n’est pas seulement un problème de financement. La mission des travailleurs humanitaires, qui consiste à assurer la fourniture de l’aide aux populations dans le besoin, devient chaque jour de plus en plus dangereuse. Les principes humanitaires de base d’accès et de protection des victimes sont bafoués et violés sur une base quotidienne. Les hôpitaux, les boulangeries, les convois d’aide humanitaire et le personnel médical deviennent la cible des combats, et le viol est de plus en plus utilisé comme arme de guerre.
À l’heure où nous fêtons le 150e anniversaire de la Croix-Rouge, les valeurs de l’organisation sont plus que jamais menacées. L’aide humanitaire que nous fournissons est ternie par des considérations d’ordre politique. L’objectif de l’aide humanitaire n’est pas de conférer un avantage à un groupe face à un autre ni de défendre un au détriment de l’autre. Il s’agit plutôt d’accorder une aide à toutes les victimes sans aucune discrimination. L’aide humanitaire est une question de survie pour les civils syriens : elle ne devrait en aucun cas être définie par des enjeux politiques.
Nous avons urgemment besoin d’une mobilisation financière massive de la part de la communauté internationale. Nous avons besoin d’un ensemble de mesures d’aide afin de subvenir aux besoins des civils affectés par la crise qui se retrouvent au pays ainsi que dans les pays voisins qui continuent de les accueillir. À l’échelle de l’Union européenne, nous comptons augmenter notre aide de manière considérable. Nous exhortons les donateurs à financer les agences des Nations unies, le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que les organisations internationales non gouvernementales.
Nous avons également besoin de préserver l’aide humanitaire de toute interférence politique et d’assurer le respect du droit international humanitaire.
Nous avons besoin de l’engagement de la part de toutes les parties impliquées dans le conflit de laisser les travailleurs humanitaires subvenir aux besoins de la population syrienne où qu’elles se trouvent en Syrie ou dans les pays hôtes, d’éviter d’entraver ou de bloquer les convois d’aide, d’assurer la protection des civils, surtout des femmes et des enfants, ainsi que du personnel et des établissements médicaux. Ne pas agir en ce sens serait une faute morale. Ce serait également une grave erreur politique. Plus profondes seront les blessures infligées aux populations syriennes, plus difficile sera la reconstruction d’une Syrie en paix. Il est plus que temps d’agir.

Kristalina GEORGIEVA
Commissaire européenne chargée de la Coopération internationale,

de l’Aide humanitaire et de la Réaction aux crises

La guerre civile en Syrie est en train d’engendrer une crise humanitaire qui dépasse de loin les pires estimations des vieux routiers de l’humanitaire. Les dirigeants des principales agences d’aide des Nations unies viennent de lancer un appel urgent à la communauté internationale pour agir contre la violence. J’espère que leur appel sera entendu mais je crains que faute d’action...

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