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À La Une - Syrie

Syrie : Et maintenant, les armes chimiques

Le régime dans la « guerre des autoroutes » face aux rebelles ; au moins 49 morts hier.

Dans un cimetière de Homs, le 20 avril 2013. AFP /HO/SHAAM NEWS NETWORK

Les États-Unis ont reconnu pour la première fois hier que le régime syrien avait probablement utilisé des armes chimiques, tout en soulignant que leurs renseignements n’étaient pas suffisants pour avoir la certitude que Damas avait franchi la « ligne rouge » tracée par Washington.


« La communauté américaine du renseignement conclut, avec différents degrés de certitude, que le régime syrien a utilisé des armes chimiques à petite échelle en Syrie, en particulier du sarin », a ainsi affirmé le secrétaire à la Défense Chuck Hagel face aux journalistes à Abou Dhabi. « Différents degrés de certitude » signifie dans le jargon du renseignement américain que ses agences ne sont pas toutes du même avis, a expliqué un haut responsable du Pentagone.


La Maison-Blanche a ensuite confirmé avoir communiqué cette évaluation à des élus du Congrès, mais souligné que les indices ne constituaient pas encore une preuve formelle à ses yeux. « Étant donné les enjeux et ce que nous avons appris de notre propre expérience, les évaluations du renseignement ne sont pas suffisantes à elles seules. Seuls des faits dignes de foi et recoupés qui nous apporteront un certain degré de confiance guideront notre processus de prise de décision », a ainsi déclaré la porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC), Caitlin Hayden. L’évaluation de la communauté du renseignement américain est « fondée en partie sur des prélèvements » sur des personnes, a-t-elle révélé. Mais « la chaîne de transmission des échantillons n’est pas claire, donc nous ne pouvons pas confirmer comment l’exposition au sarin a eu lieu. Précisément parce que le président prend cette question très au sérieux, nous avons l’obligation d’enquêter scrupuleusement sur tous les indices de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. C’est la raison pour laquelle nous insistons pour une enquête des Nations unies qui pourrait évaluer les preuves et établir ce qui s’est produit », a affirmé Mme Hayden.

 

(Pour mémoire : L’enquête sur les armes chimiques dans l’impasse)

Lignes rouges franchies
De son côté, un haut responsable de l’administration américaine a souligné que si les faits finissaient par être établis, « il est évident que toutes les options (seraient) sur la table en termes de réaction ». Mais il a lui aussi appelé à la prudence, faisant allusion aux « armes de destruction massive » censées avoir été détenues par le régime de Saddam Hussein en Irak selon la communauté du renseignement.


Londres a de son côté « des informations limitées mais convaincantes » sur l’usage d’armes chimiques, notamment de gaz sarin, a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « L’utilisation d’armes chimiques est un crime de guerre. Nous avons rendu compte de cette information à nos alliés, nos partenaires et aux Nations unies, et nous travaillons activement pour obtenir davantage et de meilleures informations », a-t-il ajouté dans un communiqué.
Ces derniers développements ont provoqué une vive réaction au Congrès américain, où certains élus républicains pressent de longue date M. Obama d’adopter une ligne plus dure face au régime Assad. « Le président des États-Unis a dit que si Bachar el-Assad utilisait des armes chimiques, cela changerait tout, que cela franchirait une ligne rouge, a déclaré le sénateur républicain John McCain. Je pense qu’il est évident qu’une ligne rouge a été franchie. » « Je suis très inquiète qu’avec cette admission publique, le président Assad ne calcule qu’il n’a plus rien à perdre » et que le conflit s’intensifie, a déclaré pour sa part la présidente démocrate de la commission du Renseignement du Sénat, Dianne Feinstein. Pour elle aussi, « des lignes rouges ont été franchies ».

 

(Repère : La panoplie d’agents chimiques de Damas "est assez robuste")

Entraînements irano-russes
Sur le terrain, plutôt que de s’épuiser en pourchassant partout ses adversaires, le régime syrien s’est lancé dans la « guerre des autoroutes » pour contrôler les axes routiers stratégiques et cherche à s’emparer de localités stratégiques autour de Damas pour bloquer les insurgés. Pour réussir cette nouvelle tactique, il compte sur des milices qui connaissent le terrain et ont subi durant plusieurs mois en Iran et en Russie un entraînement à la guérilla urbaine, estiment des experts et des sources au sein des services de sécurité syriens. « Il y a un changement de stratégie. Finie la guerre sur tout le territoire qui épuise l’armée sans donner de résultats probants. Maintenant, le principal théâtre des opérations, ce sont les autoroutes afin de permettre à l’armée de se déplacer facilement entre les villes sous son contrôle », a affirmé une source au sein des services de sécurité. « Dans la province centrale de Homs, prendre Qoussair permet de relier Homs au littoral, s’emparer de Rastane sécurise la voie entre Homs et Hama, reprendre Maarrat al-Noomane raccorde Hama à Alep. Voilà les principaux objectifs, et reconquérir Raqqa, dans le désert oriental, n’est pas une priorité », a ajouté cette source.


« Avant, l’armée était désorientée face à la mobilité des rebelles. Elle n’avait pas de stratégie et frappait à l’aveuglette. Elle ne faisait que réagir ; aujourd’hui, elle agit selon des plans », constate le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Yezid Sayigh, chercheur au Carnegie Middle East Center à Beyrouth, insiste sur ce point. « L’armée connaît clairement des problèmes de personnel en raison des pertes au combat, et du refus d’une partie des conscrits et des réservistes de rejoindre ses rangs », explique ce spécialiste de la Syrie. « C’est pour cela qu’il est plus avantageux politiquement de laisser les gens servir dans leurs villes natales ou leurs villages, où ils jouissent d’un appui local et seront ainsi plus efficaces », ajoute-t-il.

Raids
Par ailleurs, l’aviation a mené hier des raids contre des enclaves rebelles, et au moins dix personnes ont été tuées dans la ville de Qousseir. L’armée de l’air a également frappé des villages dans les provinces d’Idleb, de Hassaké et de Deraa, ainsi que la ville rebelle de Raqqa, a rapporté l’OSDH.


Dans la matinée, des hélicoptères ont visé plusieurs objectifs dans la Ghouta orientale, vaste région agricole bordant Damas à l’est devenue une place forte de la rébellion. La veille, l’armée s’était emparée de la localité stratégique de Otaybé, qui représente selon l’OSDH une « porte d’entrée pour l’armée dans la Ghouta ». L’aviation a également frappé Mouadamiyat el-Cham et la ville voisine de Daraya que l’armée tente de reprendre depuis des mois.
Dans la ville de Hama, au centre du pays, les combats faisaient toujours rage après que les insurgés eurent pris une position de l’armée. L’OSDH a également fait état de combats à Barzé, un quartier du nord de Damas, que les rebelles ont infiltré par l’est.

 

(Lire aussi : L’implication du Hezbollah en Syrie, entre accusations et démentis)


Par ailleurs, l’aviation a frappé Maarret al-Noomane, dans la province d’Idleb, située sur l’autoroute Hama-Alep, ainsi que plusieurs villages dans les gouvernorats de Hassaké et de Deraa. Dans la province de Raqqa, l’aviation a visé un secteur proche de la raffinerie de sucre « où de violents combats opposent l’armée et les rebelles près de la caserne 17 », à proximité de la capitale provinciale tombée aux mains des rebelles.
Selon un bilan provisoire hier, 49 personnes sont mortes dans les violences, selon l’OSDH.

Reportage

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