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À La Une - Conflit

Entraîné par le Hezbollah, le Liban s’enfonce dans le brasier syrien

Le Hezbollah ne cache plus son implication dans les combats en Syrie, qu’il présente comme « un devoir national ». L’opposition syrienne y voit une « déclaration de guerre ».

Un calme tendu a prévalu hier au Hermel où les bombardements des derniers jours ont provoqué d’importants dégâts.

Place à l’escalade verbale après l’escalade militaire. Après avoir été pendant quelques jours la cible de bombardements provenant du côté syrien de la frontière, le Hermel a connu hier sa première journée de calme. Mais la peur d’une reprise des pilonnages à partir de Qoussair, où les combats font rage entre l’armée de Bachar el-Assad et les rebelles syriens, persiste parmi les habitants, dont certains auraient reçu par SMS des menaces attribuées à l’Armée syrienne libre (ASL) et au Front al-Nosra, qui auraient fixé de nouvelles cibles au Hermel : le Sérail, trois hôpitaux : l’hôpital gouvernemental, celui de l’Oronte et celui du Hermel, l’immeuble Fayad Allawi, la place Dora au centre de la localité, la mosquée de l’imam Ali, le centre pédagogique et l’école al-Mabarrat.


Un rassemblement de combattants de l’ASL dans le secteur syrien frontalier de Tall Hanach a accentué les craintes de la population qui s’est terrée chez elle. Les enfants n’ont pas été envoyés à l’école et les administrations publiques ont fermé leurs portes.


Le président du conseil municipal du Hermel, Sobhi Sacre, en a appelé au président Michel Sleiman et à l’armée, les exhortant de défendre la population pendant que les partis de la région, qui ont tenu une réunion extraordinaire au siège du Baas, ont averti que les habitants du Hermel « assureront leur propre défense si l’État les abandonne ». C’est précisément cette idée de « légitime défense » que le Hezbollah avance pour tenter de justifier son implication dans les combats en Syrie, qu’il s’était efforcé de cacher avant de se trouver contraint de la reconnaître, au fur et à mesure que le nombre de ses « moujahidine » tués en Syrie augmentait. Pas plus tard qu’hier, les obsèques de l’un d’eux étaient organisées dans la banlieue sud près de l’aéroport de Beyrouth.


« Ce que fait le Hezbollah est un devoir national et moral pour la défense des Libanais des villages frontaliers », a ainsi déclaré cheikh Nabil Qaouq, vice-président du conseil exécutif du Hezbollah. Il s’exprimait dans la localité de Mayfadoune, dans le sud du Liban, lors d’une cérémonie marquant le septième jour de la mort de Abbas Rihane, un combattant du parti tué en Syrie.
« À ceux qui nous demandent de laisser nos frères dans les villages frontaliers victimes de meurtres, d’enlèvements, de massacres et d’expulsions, je réponds : peut-on laisser ces Libanais otages de cette situation ? Peut-on les laisser abandonnés à leur sort ? » a lancé cheikh Qaouq, estimant que « les martyrs du Hezbollah sont les martyrs de toute la patrie car ils défendent leurs compatriotes libanais ». Il a appelé les adversaires du parti de Dieu au Liban « à cesser de salir l’image de ces martyrs et à cesser de parier sur des changements en Syrie en vue de modifier l’équation interne » en leur faveur.

 

(Lire aussi : Les Galériens, de Elie Fayad)

La bataille stratégique de Homs
Dans le même temps, le député hezbollahi Walid Succariyeh accusait les combattants de l’ASL d’avoir attaqué en premier les villages syriens habités par des chiites libanais « qui se sont vu contraints de se défendre ». M. Succaryieh, qui s’exprimait dans le cadre d’un entretien à l’agence al-Markaziya, a indiqué également qu’ « un groupe du Hezbollah se trouve dans le périmètre du lieu de pèlerinage dédié à Sitt Zeinab près de Damas pour le protéger ». Il se peut que le Mossad israélien fasse sauter ce lieu saint pour faire assumer à l’opposition syrienne la responsabilité de l’attaque, provoquant ainsi une discorde communautaire », a-t-il dit. Quid de la politique de distanciation adoptée par le Liban vis-à-vis de la guerre en Syrie ? « Est-ce que le Liban s’y est conformé pour commencer et a empêché la présence d’opposants syriens et de combattants de l’ASL sur son territoire, ou encore barré la voie au trafic d’armes en direction de la Syrie ? » a-t-il répondu.


Pour ce qui est du nombre sans cesse grandissant des combattants de son parti, tués en Syrie, M. Succariyeh a expliqué : » Ils sont victimes de francs-tireurs ou sont tués sur la route conduisant au lieu de pèlerinage. »
Le champ d’action du Hezbollah en Syrie est cependant beaucoup plus large, à en croire l’opposition syrienne, qui met l’accent sur le rôle-clé joué par ses combattants aux côtés de l’armée régulière syrienne pour permettre à celle-ci de reprendre des positions stratégiques qu’elle avait perdues au profit des rebelles.
Les combattants d’élite de ce parti mènent la bataille contre l’ASL dans la région syrienne de Qousseir, a affirmé pour sa part le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. » Ce ne sont pas nécessairement des combattants venus du Liban. Il s’agit de combattants du Hezbollah des villages chiites du côté syrien et qui sont habités par des Libanais », a-t-il précisé.


Samedi et dimanche, l’armée syrienne, épaulée par les membres du Hezbollah, a pu reprendre le contrôle de plusieurs villages stratégiques aux alentours de Qousseir, dans la province centrale de Homs, faisant craindre aux militants la prise de cette place forte tenue par la rébellion depuis plus d’un an.
Les combats se poursuivaient entre rebelles d’un côté, et combattants du Hezbollah et troupes syriennes de l’autre dans la même région, faisant deux morts parmi les insurgés, selon l’OSDH. « La situation est très mauvaise. Ils tentent de prendre le contrôle des villages entourant Qousseir, en vue de nous attaquer dans la ville », a dit à l’AFP via Internet Hadi al-Abdallah, un opposant basé à Qousseir. Selon le président syrien, Bachar el-Assad, cité par des politiciens libanais qu’il avait reçus dimanche, la « bataille de Qousseir » est « la principale » actuellement en Syrie.

« L’occupation du territoire syrien »
La participation du Hezbollah aux combats, qui a permis au régime d’Assad de s’emparer de plusieurs villages de la province de Homs et d’encercler le fief rebelle de Qousseir, a provoqué la colère de l’opposition qui l’a assimilée à une « déclaration de guerre ». Nommé hier, le chef par intérim de l’opposition syrienne, Georges Sabra, a aussitôt estimé que « ce qui se passe à Homs est une déclaration de guerre contre le peuple syrien, et la Ligue arabe se doit de considérer l’affaire comme telle ». « Le président et le gouvernement libanais doivent prendre conscience du danger que cela représente pour la vie des Syriens, et les relations futures entres les deux peuples et les deux pays », a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse à Istanbul. « Le gouvernement libanais doit se pencher avec le sérieux nécessaire sur la question de l’occupation du territoire syrien et du meurtre de Syriens (...) Nous espérons que le peuple frère libanais élèvera la voix contre le meurtre de Syriens libres », a ajouté M. Sabra.
« Nous appelons en particulier nos frères chiites libanais à empêcher leurs fils d’aller tuer des Syriens », a-t-il souligné.
Face à l’évolution inquiétante du discours du Hezbollah, qui sonne le glas de la politique officielle de distanciation, et des menaces de l’opposition qui font craindre une détérioration de la situation à la frontière, les autorités se sont enfermées dans un mutisme absolu hier, pendant qu’au niveau sunnite, des appels encore plus inquiétants au jihad (guerre sainte) « pour aider les sunnites libanais agressés dans la province de Homs » commençaient à être lancés.

 

(Lire aussi : Mansour : La Turquie « pas responsable » du sort des otages libanais en Syrie)


À Baabda et à Aïn el-Tiné, la situation à la frontière a été passée en revue par le chef de l’État, Michel Sleiman, et le président de la Chambre, Nabih Berry, avec leurs visiteurs respectifs. Cité par la délégation de la Jamaa islamiya, M. Berry a mis l’accent sur l’importance pour toutes les parties de se conformer à la politique de distanciation.
Alors que la Jamaa islamiya relevait qu’il est toujours possible de « faire machine arrière si l’on multiplie les efforts afin d’appliquer cette politique », le député Ziad Kadri estimait qu’il « est trop tard pour ce faire ». Selon lui, l’implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie, « aux côtés des forces du régime contre son propre peuple, a plongé le Liban dans le brasier syrien ». Son collègue, Jamal Jarrah, s’attend « au pire dans la Békaa-Nord ». Parallèlement, l’ONG Human Rights Watch a appelé lundi régime et rebelles à cesser leurs « attaques sans discernement à travers la frontière avec le Liban ».


Ce danger a poussé le 14 Mars à prendre l’initiative de lancer une offensive diplomatique pour « éviter que la guerre ne se transpose au Liban ». C’est ce qu’a déclaré le député Élie Marouni, dans une déclaration à la radio al-Fajr, en affirmant que les forces du 14 Mars ont « décidé de se rendre auprès des chancelleries pour leur exposer les violations à la frontière et remplacer ainsi le chef (démissionnaire) de la diplomatie, devenu le ministre des Affaires étrangères de la Syrie ». Il a jugé nécessaire pour l’État de réagir « avant qu’il ne soit trop tard et que la guerre syrienne ne s’importe au Liban », en se disant surpris de ce que la délégation du 8 Mars, reçue par Assad, « ait pu tolérer son ironie à l’égard du gouvernement et de la politique officielle de distanciation ».

 

(Lire aussi : Gemayel critique l’implication « dangereuse » du Hezbollah en Syrie)


Su un autre plan, il convient d’indiquer qu’Israël a admis hier implicitement avoir empêché un transfert d’armes au Hezbollah. Cité par l’AFP, le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, a indiqué que son pays ne permettrait pas que « des armes sophistiquées » en Syrie tombent aux mains du Hezbollah « ou d’autres éléments hostiles », confirmant ainsi le raid israélien près de Damas, en janvier dernier. « Lorsqu’ils ont franchi cette ligne rouge, nous avons agi », a-t-il dit, dans une conférence de presse conjointe à Tel-Aviv avec le secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel.

 

 

 

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