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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

L’amalgame syrien

Une fois de plus, c’est en incarnation vivante du bon droit que s’est posé Bachar el-Assad dans sa dernière interview télévisée. Mieux encore, en seul garant de la survie pure et simple de la Syrie sur la carte du Proche-Orient. Et de mieux en mieux, en vaillant pourfendeur de terroristes, un pourfendeur pourtant mal aimé de l’Occident alors même qu’il s’en prétend, avec un beau culot, le gardien et protecteur.

De toutes les cordes que pince sur sa lyre le Néron baassiste en regardant brûler son pays, c’est bien cette dernière qui sonne le plus fort aux oreilles étrangères, occidentales ou autres. L’allégeance à el-Qaëda à laquelle s’est publiquement livré le groupe islamiste al-Nosra, l’amalgame dont se trouve injustement victime l’opposition syrienne dans son ensemble, auront admirablement servi la cause du pouvoir de Damas. L’un des signes annonciateurs de cet état d’esprit aura été le revirement éclair de la France qui, peu après avoir réclamé la levée de l’embargo sur les fournitures d’armements aux rebelles, s’inquiète désormais de voir ce matériel tomber dans de mauvaises mains. Des mauvais qui combattent des mauvais, disait précisément jeudi, à Londres, Benjamin Netnyahu. Mais en affectant de mettre dans le même sac les protagonistes de Syrie, le chef du gouvernement israélien n’a-t-il pas, au fond, porté une main secourable à un régime qui, selon lui, n’est sans doute pas meilleur mais certes pas pire que ses ennemis de l’intérieur ?

Des mauvais contre des mauvais : comme par hasard, la formule avait déjà fait son apparition, ces derniers jours, dans la grande presse américaine. L’essayiste et écrivain de droite Daniel Pipes en usait pour souligner, dans les colonnes de l’influent New York Times, que c’est quand elles sont occupées à se livrer bataille que les forces répondant à cette infamante catégorie causent le moins de mal au reste du monde. Comble de cynisme, l’auteur recommande que des aides ponctuelles et savamment dosées soient apportées au camp se trouvant être le plus faible du moment, de manière à perpétuer la sanglante impasse. Pipes en vient à réclamer – la mort dans l’âme, assure-t-il vertueusement – un soutien immédiat à la dictature, au motif que c’est elle qui essuie, en ce moment, revers sur revers.

Bien qu’en termes moins abrupts, d’autres publications américaines de renom, citant des sources de l’administration Obama, ont énoncé les diverses raisons pour lesquelles la Maison-Blanche se gardera bien de toute implication active dans le conflit syrien. Au spectre d’une mainmise des islamistes s’ajouterait notamment le souci de Washington de ne compromettre en rien l’actuelle et délicate négociation sur le nucléaire iranien.

Qu’on y œuvre machiavéliquement ou que l’on s’y résigne avec fatalisme, la perspective d’une guerre longue en Syrie ne devrait pas atterrer les seuls Syriens. Plus que maints autres, et pour une multitude de raisons géographiques, historiques et culturelles, notre pays est littéralement suspendu aux événements de Syrie, bien sûr. Mais il n’est pas que suspendu, et les divergences sur la question ne s’y limitent guère aux discussions de salon. Le Liban n’est ni la colossale Amérique ni la Sparte israélienne. Et pourtant, plus d’une fraction libanaise s’est trouvée impliquée sur le terrain de Syrie, par l’envoi de combattants ou d’armements à l’un ou l’autre des belligérants : tout cela à l’ombre du gros mensonge que fut la politique de distanciation prônée par le gouvernement démissionnaire.

Combien de temps encore ceux-là pourront-ils réussir à circonscrire leur affrontement à la seule arène syrienne ? Pour conjurer le désastre, c’est désormais une épreuve d’endurance que doit surmonter le Liban, lui-même rescapé d’une guerre de quinze ans. Et la formation rapide d’un nouveau gouvernement, sur le modèle souhaité par le Premier ministre désigné Tammam Salam, ferait un excellent départ pour le marathon.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Une fois de plus, c’est en incarnation vivante du bon droit que s’est posé Bachar el-Assad dans sa dernière interview télévisée. Mieux encore, en seul garant de la survie pure et simple de la Syrie sur la carte du Proche-Orient. Et de mieux en mieux, en vaillant pourfendeur de terroristes, un pourfendeur pourtant mal aimé de l’Occident alors même qu’il s’en prétend, avec un beau...

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