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Liban - Société

L’hypnose, une thérapie qui se démocratise

Alors qu’elle fait de plus en plus d’adeptes au Liban comme ailleurs, l’hypnose reste néanmoins controversée par certains experts psychothérapeutes.

C’est dans la compréhension de l’hypnose que Freud a fini par abandonner cette pratique.Photo tirée du site guide.supereva.it

S’ils sont toujours nombreux à avoir en tête l’image de l’hypnotiseur qui endort son patient en agitant son pendule, les hypnologues, eux, prouvent par leur clientèle de plus en plus affluente que l’hypnose n’a rien d’un spectacle.
« Pour nous, le plus important est de créer la liberté de la personne, non de la rendre dépendante de nous. » Pierre-Alain Menez, hypnologue parisien, s’est installé à Beyrouth depuis deux mois. Une idée motivée par sa clientèle parisienne, dont une partie est originaire du Liban. « En voyant le nombre de Libanais qui viennent me voir, je me suis dit qu’il fallait tenter le coup ici », ironise-t-il.


Pratiquant l’hypnose ericksonienne, il a ouvert un nouvel espace à Saïfi avec son collègue hypnothérapeute Nicolas Possonof. D’après ces professionnels, l’hypnose ericksonienne agit comme un motivateur de changements positifs sur les habitudes de vie. Relancée par la pratique de Milton Erickson (1901-1980), elle remonte au début du XVIIIe siècle avec la notion de magnétisme. C’est l’un des plus grands cliniciens français, le neurologue et précurseur de la psychopathologie Jean-Martin Charcot (1825-1893), qui s’est fait connaître comme chef de file de l’École de la Salpêtrière à Paris pour ses travaux sur l’hypnose et l’hystérie.


Pour Pierre-Alain Menez, « l’hypnose est la mère de la psychothérapie ». « Notre but est de donner à nos patients le plus de sensations et de leur permettre de reprendre les choses en main », souligne-t-il. Entre cinq et dix séances sont nécessaires pour arriver à des résultats concluants. « Notre travail tend à être très rapide, ce qui donne son caractère assez magique, car quand cela ne va pas bien, ce n’est pas la peine d’attendre 30 ans », poursuit-il.
L’’hypnose ericksonnienne se veut plus douce et indirecte : « On n’impose pas mais l’on propose, précise l’hypnologue. L’objectif est d’amener l’inconscient et le conscient à travailler ensemble pour déclencher les changements utiles à la résolution du problème. » Une méthode qui convainc de plus en plus Linda, une nouvelle cliente beyrouthine qui en est à sa troisième séance. « J’ai beaucoup entendu parler de l’hypnose en France, c’est pourquoi j’hésitais, confie-t-elle. J’étais curieuse et à la fois sceptique car je voyais en l’hypnose cette image que l’on a tous de l’hypnotiseur et de son pendule qui vous endort. »

« L’hypnose, la dépendance la plus visible »
Car ce simple mot « hypnose » peut en effrayer plus d’un. L’idée répandue selon laquelle l’hypnose serait une forme d’inconscience comparable au sommeil est fausse : « L’hypnose, c’est tout sauf un sommeil, affirme Pierre-Alain Menez. Le seul moment où un patient dort, c’est lorsqu’il a un problème d’insomnie. Les gens sont toujours conscients car ils sont préparés. » Linda, qui a tenté l’expérience à cause d’un problème personnel, confirme : « Ces séances sont intéressantes et très relaxantes. Je focalise mon attention sur ce que je veux exactement, et cela m’a donné un regain d’énergie dont j’avais besoin. » Le spécialiste conclut : « Nous travaillons de plus en plus avec les neurosciences, les médecins et les hôpitaux. Grâce à l’hypnose, la douleur ressentie d’une maladie peut baisser de 30 à 40 %. »


Alors que l’hypnose peut être en étroite relation avec le corps médical, les hypnologues ont généralement une clientèle aux problèmes plus fréquents, tels que l’insomnie, le manque de confiance en soi, les compulsions alimentaires, les addictions ou encore le stress. Et parfois plus traumatiques comme le viol, l’inceste ou le stress post-traumatique lié à la guerre.


Il reste que l’hypnose, en tant que thérapie, est très controversée.


Si Chaouki Azouri, psychiatre et psychanalyste, reconnaît que Freud a réalisé l’existence d’une mémoire inconsciente en apprenant aux côtés de Charcot, il précise néanmoins que « c’est dans la compréhension de l’hypnose qu’il a fini par l’abandonner ». « Il l’a comparée avec l’amour : on idéalise, sans faille, comme le travail d’un hypnotiseur », ajoute-t-il. Il s’agirait finalement d’une relation privilégiée, non amoureuse mais transférentielle : « C’est un amour de transfert, un amour pur, certes, mais à distinguer de l’amour en soi, décrypte le psychanalyste libanais. L’hypnose, c’est la dépendance la plus visible de toutes les thérapies. » Car l’hypnotiseur rentre dans l’inconscient, selon lui. « Le sommeil, non physique mais psychique, que crée un hypnotiseur est en réalité une paralysie de la volonté », poursuit Chaouki Azouri.


Farid et Nabila ont, eux aussi, voulu essayer l’hypnose chacun de son côté. « Je suis allé voir un hypnologue par curiosité, mais j’ai eu beaucoup de mal à croire en ses bienfaits, souligne Farid. Je suis trop pragmatique pour cela, explique-t-il. J’ai trouvé cela un peu ridicule car tout ce que l’hypnologue m’a dit me semblait tellement évident à anticiper. Par exemple “Vous allez bientôt fermer les yeux”, alors qu’il m’avait dit de fixer un point et de ne pas le perdre de vue. »
« Il est juste observateur et adapte son discours en fonction de nos moindres gestes, c’est tout, ajoute Nabila. Il utilisait aussi des métaphores pour parler de sensations alors que dans la vie, j’ai besoin de concret : je suis très cartésienne. »


Quand on reproche énormément à la psychanalyse d’être longue, le psychothérapeute souligne : « C’est la seule thérapie qui analyse la technique de transfert de névrose entre le patient et le thérapeute. C’est ce qui le rend indépendant de son analyste. » Et de conclure : « La psychanalyse est devenue la psychothérapie reine lorsque Freud a abandonné l’hypnose. »

 

 

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