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Les réfugiés syriens opprimés dans la banlieue-sud : l'Etat atermoie

Charbel à « L’Orient-Le Jour » : Résoudre l’affaire des parents d’otages « avec patience et sagesse »

A Hay el-Sellom, une femme passe devant des boutiques gérées par des Syriens, fermées de force par les parents d'otages. (Photo AFP/ Anwar Amro)

Pour la troisième journée consécutive, les familles des pèlerins chiites libanais, enlevés depuis bientôt un an en Syrie, ont empêché des ressortissants syriens de se rendre sur leur lieu de travail, dans les régions de Hay el-Sellom, Tiro et Choueifate dans la banlieue sud de Beyrouth. Les familles ont menacé de poursuivre leur mouvement d’entrave jusqu’à la libération des otages.
Onze chiites libanais avaient été enlevés après un pèlerinage en Iran, le 22 mai dernier, par un groupe rebelle syrien dans le nord de la Syrie et ont été détenus à Aazaz, à la frontière turque. Deux d’entre eux seulement, Awad Ibrahim et Hussein Ali Omar, ont été libérés depuis.


Interrogé par L’Orient-Le Jour sur ces incidents qui durent depuis trois jours, Marwan Charbel, ministre de l’Intérieur, se montre assez désemparé face au phénomène, évitant de répondre avec précision à la question sur les mesures prises pour protéger les Syriens. « Nous sommes en train de résoudre l’affaire peu à peu, avec sagesse et patience, dit-il. Finalement, les ouvriers syriens sont en train de revenir à leur travail. Il faut comprendre les parents des pèlerins enlevés qui patientent depuis près d’un an, c’est leur manière d’envoyer un message aux autorités comme aux ravisseurs. »
Cela signifie-t-il qu’il comprend et excuse le comportement des parents d’otages ? « Nous sommes obligés de comprendre tout le monde, répond-il. La situation est tellement tendue qu’elle ne supporte aucune provocation. » Le ministre a par ailleurs totalement refusé de commenter le point où en sont les pourparlers pour la libération des otages.


À ce sujet, Life, l’association libanaise pour la démocratie et les droits de l’homme, a dénoncé ce qu’elle a qualifié d’« impuissance des autorités libanaises à protéger les réfugiés syriens contre des abus sur le territoire libanais, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth ». Dans un communiqué publié hier, Life dévoile le résultat de ses observations, affirmant que les parents des otages ne sont pas seuls à perpétrer ces actes contre les Syriens : « Life a noté la présence de Syriens proches du régime sur des barrages à Tiro, Choueifate, ainsi que des habitants de la banlieue sud qui ne sont pas des parents d’otages. Ceux-ci ont entravé la route de ressortissants syriens, les obligeant à descendre des bus, les insultant ainsi que l’opposition syrienne, et s’informant sur leur région d’origine en Syrie. Nous craignons que les comités populaires libano-syriens ne soient à l’origine de toutes ces violences. Le Hezbollah convoque depuis longtemps des réfugiés syriens dans les régions où sa présence est dominante afin de les interroger. »


L’association affirme également avoir remarqué que les Syriens déportés appartiennent tous à une certaine catégorie, qualifiant ces abus de « violence confessionnelle et politique ». Elle a dénoncé la passivité des autorités judiciaires et sécuritaires à l’encontre de ces agresseurs. « L’association craint que cette passivité du gouvernement ne vise à donner aux parents d’otages libre cours pour exprimer leur colère contre des innocents, afin de couvrir ses propres négligences dans ce dossier. Nous demandons aux autorités de prendre des mesures pour protéger les réfugiés et de dialoguer franchement avec les parents des otages sur les efforts visant à élucider le sort de leurs proches. »

 

(Lire aussi : Augmentation des cas de gale et de poux au Liban)

La « chasse aux réfugiés »
Entre-temps, la situation sur le terrain dans la banlieue sud est excessivement tendue, comme le montre ce reportage de l’AFP sur place :


Un grand X noir a été peint sur des dizaines de magasins gérés par des Syriens dans la banlieue sud de Beyrouth. « Ils resteront fermés jusqu’à la libération des nôtres », assurent les familles des neuf pèlerins qui restent détenus en Syrie.
Non loin du souk populaire de Hay al-Sellom où ces commerces sont verrouillés, dans la zone industrielle de Tiro, des parents d’otages ont improvisé des barrages hier matin, arrêtant tout véhicule soupçonné de transporter des Syriens ou d’être conduit par un Syrien. Un moyen, selon eux, d’attirer l’attention sur leur cause et de faire pression, en privant les Syriens installés au Liban de leur gagne-pain.


« Fais descendre tes passagers et demi-tour », ordonnent-ils à un chauffeur syrien d’un minibus transportant trois écolières libanaises. Celles-ci descendent dans le calme, un rien interloquées.
La scène se déroule sous le regard impassible de quelques soldats dépêchés dans cette zone qui grouille habituellement d’ouvriers syriens.
« Nous n’avons rien contre les Syriens, mais nous voulons faire passer le message à travers vous », s’écrie Mona Termos, épouse de l’otage Ali Termos, à l’adresse du conducteur. « Vous devez organiser des sit-in et appeler à la libération de nos proches. Sinon, vous n’aurez plus le droit de travailler dans ce pays! » lance-t-elle. « Je soutiens votre cause, je vous le jure », affirme ce dernier, esquissant un geste d’impuissance, avant de rebrousser chemin.
Mohammad, un ouvrier syrien travaillant pour une grande compagnie, est également « refoulé ». « Ils nous empêchent d’aller travailler depuis dix jours. Ils nous traitent sans violence... Mais que peut-on faire pour eux? » demande cet homme originaire de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie.


Les proches des otages, sans nouvelles des ravisseurs depuis quatre mois, affirment que le désespoir les mène à de tels comportements. « Nous savons que ce que nous faisons n’est pas bien. Mais nous sommes tellement désespérés », lance Inaya Zgheib, fille d’un otage.
« Les Syriens vivent parmi nous depuis trente ans », affirme Mona Termos, en référence aux milliers de Syriens, notamment des ouvriers, qui travaillent au Liban où le salaire est plus alléchant. « Mon mari gérait un supermarché, et maintenant mes deux filles ont quitté l’université pour faire vivre la famille. Pourquoi nous font-ils ça ? » s’écrie-t-elle.


À Hay el-Sellom, un groupe de jeunes Syriens désœuvrés sont rassemblés devant les magasins fermés. « Je perds 250 dollars par jour », se lamente Hussein, 26 ans, qui loue trois magasins de jouets et de vêtements. Il a surtout peur que la situation ne dégénère comme durant l’été 2012. Des dizaines de Syriens avaient alors été enlevés et leurs biens vandalisés, après l’annonce erronée de la mort des pèlerins par des médias libanais. « Nous aussi, sommes devenus otages du conflit », résume-t-il.

Sleiman demande à la Turquie « de faire pression »
L’affaire des pèlerins libanais détenus à Aazaz a également été abordée hier à l’occasion de la visite du ministre turc des Transports, Benali Yildirim. Le président de la République Michel Sleiman, à l’issue de son entretien avec le ministre, a demandé à la Turquie de « faire davantage pression afin d’obtenir la libération des otages libanais à Aazaz ». Rappelons que cette localité est frontalière de la Turquie, dont le rôle dans le règlement de cette affaire a toujours été mis en avant par les autorités libanaises. « Une telle pression (pour la libération des otages) contribuera à développer les relations entre les deux pays », a ajouté M. Sleiman. Le ministre Yildirim a, pour sa part, promis de transmettre la position libanaise aux responsables turcs.


Le ministre turc a par ailleurs été reçu par le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati au Grand Sérail, en présence de l’ambassadeur de Turquie Suleyman Inan Özyildiz. Ce dernier, en réponse à une question, a affirmé qu’« il n’y a rien de nouveau dans l’affaire des otages de Aazaz ». M. Yildirim s’est également rendu auprès des ministres démissionnaires de l’Économie, Nicolas Nahas, et des Transports, Ghazi Aridi, avec lesquels il a discuté des relations économiques bilatérales.

 

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