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La valeur écologique et économique de la forêt méditerranéenne typique

Les ressources génétiques forestières, futurs sauveurs de l’humanité ?

Au cours de la troisième semaine forestière a été abordé le sujet crucial de l’identification des gènes des espèces forestières, à des fins de préservation. « L’Orient-Le Jour » a interrogé plusieurs responsables à ce propos, et appris que le Liban se prépare à fonder une banque de gènes.

Le changement climatique pourrait mener à l’extinction d’espèces de plantes et d’arbres, d’où l’intérêt de prélever les gènes forestiers pour préserver la richesse de la forêt méditerranéenne. Ici, une plante de la cédraie du Chouf. Photo tirée du site www.ibcousinie.info

«Les ressources génétiques forestières, ce sont toutes les matières vivantes, animales ou végétales, toute forme de vie qui existe dans le milieu forestier», nous explique Nabil Assaf, représentant de la FAO en Algérie, responsable des forêts au bureau sous-régional de l’agence onusienne en Afrique du Nord. «Ces ressources naturelles de grande importance existent à l’état primitif, ajoute-t-il. Ces espèces se sont adaptées au contexte du milieu où elles ont évolué, suite à des conditions climatiques, écologiques qui les ont forgées...»
M. Assaf souligne qu’il faut un travail scientifique très détaillé pour établir des cartes génétiques des espèces afin d’en connaître le potentiel. «Ces ressources peuvent être utilisées ultérieurement pour le bien de l’homme, dit-il. Le défi est donc de les conserver, faire les recherches nécessaires pour les connaître, et enfin les valoriser.»
Selon lui, elles peuvent être utilisées dans de nombreux domaines, comme, par exemple, pour assurer la sécurité alimentaire. « Des politiques nationales de conservation sont adoptées actuellement par les pays, car si ces ressources disparaissent, leur perte sera inestimable, poursuit-il. En effet, un jour ou l’autre, ces ressources pourraient sauver l’humanité. Prenons par exemple le cas d’une espèce adaptée à la sécheresse, comme dans les oasis, habituée à survivre malgré la compétition d’une autre espèce pour les ressources hydriques... Dans le cadre des changements climatiques actuels, avec la hausse des températures, quand nous serons face au défi de la sécurité alimentaire et aux menaces de pénurie, on pourra avoir recours à ces espèces qui ont développé, au cours de centaines d’années, une capacité à survivre en milieu désertique, et les transplanter dans les milieux rendus plus arides par les changements climatiques.»

Pas d’OGM
«Travailler sur les ressources génétiques est très important, surtout dans un contexte de changement climatique, car la base de l’adaptation des écosystèmes se trouve dans les gènes des plantes, renchérit Christophe Besacier, expert forestier auprès de la FAO et du secrétariat du comité Silva Mediterranea. Pour pouvoir gérer les changements qui auront lieu avec les variations climatiques, il faut connaître cette diversité génétique afin de sélectionner les espèces lorsqu’il s’agira de faire des plantations nouvelles, en pensant à l’avenir. Peut-être qu’il serait intéressant, par exemple, de chercher des semences dans une population adaptée à la sécheresse pour les planter plus au nord, étant donné que ces arbres seront, dans cinquante ans, dans une situation similaire à celle des arbres du Sud.»
Utiliser ces ressources génétiques pour le reboisement implique-t-il une manipulation génétique quelconque? Autant M. Assaf que M. Besacier répondent par la négative. «Un travail de biotechnologie doit être effectué, il faut procéder à un croisement avec d’autres espèces, pour obtenir au final des espèces résistantes, explique M. Assaf. Il ne s’agit pas d’OGM. Nous ne cherchons donc pas à modifier le gène ou le faire muter, mais à l’utiliser dans sa forme naturelle pour renforcer la résistance d’une espèce rendue vulnérable. Il n’y a aucun danger sur la santé humaine.»
M. Besacier parle simplement de « sélection naturelle, mais réfléchie, raisonnée ».
«Cela n’est pas sans difficulté, ajoute-t-il. Si, par exemple, on cherche une graine de pin d’Alep se trouvant en Algérie, à la limite du désert, pour la planter en France, il faut tenir compte du fait que l’arbre pourrait ne pas supporter le froid. Il faut donc sélectionner des espèces, tout en s’assurant qu’elles peuvent survivre dans de nouveaux milieux.»

Un rapport mondial
Actuellement, la FAO travaille à un rapport mondial sur les ressources génétiques dans les différentes forêts du monde. «À la FAO, qui a été mandatée par la Commission internationale sur les ressources génétiques, nous préparons un rapport mondial, un état des lieux des ressources forestières, qui sera bientôt publié, affirme M. Assaf. Nous avons aidé certains pays à préparer leur rapport national suivant un canevas déterminé à l’avance pour assurer une certaine standardisation de ces textes, et faciliter leur dépouillement en vue du rapport international final. Un travail bibliographique qui a examiné les superficies forestières, les principales espèces, celles qui sont menacées d’extinction... Nous avons privilégié une approche participative avec tous les groupes concernés, comme les instituts de recherche, les administrations en charge de la gestion forestière, les ONG... Nous avons défini les priorités dans les mesures à mettre en place pour sauvegarder ces espèces, avant de passer à la phase de valorisation.»
L’inventaire mène-t-il invariablement à la création d’une banque de gènes dans ces pays? «Pas nécessairement, répond-il. Certains pays ont fait cette recommandation, d’autres s’appliquent déjà à en créer, d’autres encore emploient ces nouvelles connaissances dans leurs programmes de reboisement. Les connaissances en matière de ressources génétiques permettent aussi d’identifier la provenance de la plante dans des zones bien particulières. Ces sites, dont l’importance aura été mise en valeur, seront ainsi mieux protégés à l’avenir. Prenons le cas du peuplier dont il existe deux espèces en Algérie, le blanc et le noir. L’une de ces espèces évolue dans les oasis, ce qui a poussé les autorités à vouloir l’étudier de plus près pour en connaître tout le potentiel. Cela va se faire avec l’appui de la FAO.»
Comme toute cette problématique est très nouvelle, peut-on envisager qu’un pays qui veut utiliser des ressources génétiques forestières caractéristiques d’un autre pays entre en conflit avec ce dernier? «Il existe déjà, dans certains pays, des législations interdisant l’exportation de certaines ressources génétiques, ou encore l’importation d’une plante avec son terreau, souligne M. Assaf. Mais c’est surtout pour éviter les maladies.»
Sur la même problématique, M. Besacier précise que «l’idée est de favoriser les échanges, parce que ces espèces ne pourront pas s’adapter naturellement». «Certaines espèces migrent vers le haut en raison du réchauffement climatique, poursuit-il. Mais viendra un moment où elles ne pourront plus aller nulle part. Si on ne veut pas que ces espèces s’éteignent, il va falloir les déplacer, les installer dans d’autres pays. Il faudra cependant être prudent pour que cette espèce ne devienne pas envahissante dans son nouveau milieu, et il faudra assurer les droits des populations, donc faire en sorte que ces échanges aient lieu dans un cadre structuré.»

Une banque de gènes libanaise ?
Le Liban est l’un des pays qui travaille sur cette question, comme nous l’a confirmé Chadi Mehanna, directeur du développement rural et des ressources naturelles au ministère de l’Agriculture. «Nous avons commencé à identifier ces ressources chez nous, dit-il. Une des activités du projet libanais de reboisement “40 millions d’arbres” sera d’établir une banque de gènes forestiers. Pour le reboisement, les résultats de cet inventaire seront précieux, car nous pourrons certifier que les graines plantées sont celles d’espèces spécifiques que nous recherchons. Ce sera une banque de gènes exhaustive, mise en place avec l’aide de l’IRAL et des universités. Pour cela, nous localiserons les zones forestières (appartenant à l’État) où il y a des arbres exceptionnels. Ceux-ci seront protégés afin de servir de reproducteurs pour les plants.»
Cette démarche permettra, selon lui, de rectifier une situation chaotique. «Actuellement, nous achetons et produisons des plants sans vraiment savoir d’où ils viennent», conclut-il.
«Les ressources génétiques forestières, ce sont toutes les matières vivantes, animales ou végétales, toute forme de vie qui existe dans le milieu forestier», nous explique Nabil Assaf, représentant de la FAO en Algérie, responsable des forêts au bureau sous-régional de l’agence onusienne en Afrique du Nord. «Ces ressources naturelles de grande importance existent à l’état...