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Culture - Exposition

Des collectionneurs sur les cimaises

Les manifestations artistiques donnent généralement la primeur aux œuvres ou, tout au plus, à un concept établi par l’artiste. L’AUB vient d’inverser la donne en accrochant sur les cimaises de sa galerie des... collectionneurs.

Reconstitution du salon d’un amoureux d’art pictural.

Que possèdent en commun Saleh Barakat, Anachar Basbous, Georges Corm, Raymond Audi, Abraham Karabajakian, Ramzi et Afaf Osseiran Saïdi et Tony Salamé? L’amour de l’art, certes. Mais aussi et surtout ce besoin de l’acquérir, de le posséder, de l’accrocher, de le conserver jalousement ou de le partager avec fierté. Certains collectionnent par passion (qui peut s’avérer dévorante) ou par intérêt spéculatif. Il y a ceux qui décident sur un coup de cœur et ceux qui le font suite à un calcul cartésien. Ceux que grise le plaisir de la découverte et ceux qui ont le goût du risque. Mais aussi les prédateurs qui ne visent que le retour sur investissement. En même temps, il n’y aurait pas d’art s’il n’existait ce besoin d’appropriation qui fait entrer l’œuvre dans le domaine du privé ou du public. Où passion et intérêt dictent leur loi.
À travers l’exposition «Profiles: Collecting Art in Lebanon», l’Université américaine de Beyrouth a voulu mettre en avant le collectionneur d’art. En dresser le portrait, présenter ses motivations, son modus operandi. Tracer son profil, en quelque sorte, à travers des interviews enregistrées et diffusées chacune sur une télévision munie d’un écouteur. Elles sont au nombre de dix car aux collectionneurs précités, s’ajoutent: l’éditeur et critique d’art César Nammour, Zeina Arida, de la Fondation arabe pour l’image, et Dima Raad, du ministère de la Culture.
À l’étage inférieur de la galerie, une reconstitution de l’intérieur d’une maison de collectionneur, inspirée de celui du Dr Samir Saleeby.
«Dans la pratique artistique, certains rôles sont définis d’avance, indique Octavian Esanu, curateur des galeries de l’AUB. L’artiste produit et le collectionneur achète ou accumule, par plaisir, par compulsion, pour préserver un certain héritage culturel ou avec la noble intention de montrer la collection au grand public.»
«Avant l’émergence des pratiques curatoriales, c’était souvent le collectionneur qui exposait les œuvres des artistes en sa possession. À travers cette exposition, nous avons voulu inverser les rôles et mettre en avant la figure du collectionneur et ses pratiques.»
C’est le Dr Samir Saleeby, grand collectionneur et généreux donateur à l’AUB, qui a inspiré cette manifestation. En effet, il y a presque un an, l’ophtalmologue de renom a légué à l’AUB sa collection de 60 pièces, la «Rose and Shaheen Saleeby Collection», dont une partie (les chefs-d’œuvre de Khalil Saleeby) est exposée aujourd’hui à l’AUB Art Gallery, rue Sidani, Hamra. Ainsi que des toiles de Omar Ounsi, Saliba Douaihy et César Gemayel...
«Contrairement à celles d’autres pays, la scène artistique libanaise est dominée par le secteur privé qui se trouve à l’origine de nombreuses initiatives de préservation du patrimoine», ajoute Esanu.
«Les interviews présentées ici lèvent ainsi le voile sur certains types de collectionneurs libanais: le collectionneur privé, le mécénat d’entreprise, les collectionneurs à but non lucratif, ceux qui ont commencé à zéro et ceux qui ont hérité leur collection», conclut le curateur.
Alors que le ministère de la Culture, via Dima Raad, dénonce l’insuffisance de son budget, Zeina Arida, directrice de la Fondation arabe pour l’image, relate la naissance et la constitution des collections de la fondation à but non lucratif, visant à préserver le patrimoine pictural de la région. César Nammour trace l’historique des collections artistiques et ses pratiques au Liban. Raymond Audi raconte les découvertes qui l’ont éveillé à l’art contemporain. Ramzi Saïdi partage sa passion pour l’art et raconte les rencontres avec les artistes suite auxquelles, peu à peu, le charme opère.
Anachar Basbous raconte, pour sa part, l’attachement inextricable et émotionnel à la collection de son père, trop tôt disparu. Saleh Barakat relate sa propre expérience de galeriste et dresse différents portraits de collectionneurs types. Tony Salamé développe les raisons de son attachement à l’art contemporain et la création de la Fondation Aishti. Quant à Abraham Karabajakian, qui a constitué une belle collection avec son associé Roger Akoury, parle de ses motivations, enjeux et démarches.
Qu’est-ce qui anime, alors, le collectionneur? La passion, la volonté de spéculation? Un peu des deux, de l’avis général. Mais il existe de vrais passionnés pour qui découvrir un nouvel artiste représente un bonheur inégalable.
Dans le paysage artistique libanais, en l’absence d’une structure étatique sérieuse et pérenne, les donateurs sont plus que jamais les bienvenus, pour constituer des musées privés ici et là.
Samir Saleeby avait bien commencé à acheter des œuvres d’art pour décorer son salon. Il ne savait peut-être pas qu’un jour il contribuerait à sa façon au patrimoine des générations futures.
Jusqu’au 24 août.

 

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