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Nos Lecteurs ont la Parole

Les Mille et Une Nuits, ou le printemps de la femme arabe

Faten MOURAD
Une exposition autour des « 1 001 Nuits » a lieu actuellement à l’Institut du monde arabe. Tout le monde a été influencé, de près ou de loin, par les contes et les histoires de ce grand ouvrage : Kalila wa dimna, Aladdin, Sindibad, le marin... C’est le livre arabe le plus solidement ancré dans l’imaginaire collectif occidental.
Avant de visiter l’exposition, j’étais dubitative et me demandais comment on pouvait traiter du thème des contes sans tomber dans le déjà-vu. Et j’ai été bluffée. L’exposition est une merveille dans le genre et a été très intelligemment construite. Quelque trois cents œuvres permettront au visiteur d’approcher le personnage de la sublime Shéhérazade sans laquelle n’existeraient pas les Nuits qui font l’objet de cette exposition. La première partie traite des anciens manuscrits dans ses différentes versions, puis nous accédons à une pièce où sont montrés les bijoux, les vases, les poignards... datant de cette époque. Une autre antichambre sera consacrée à l’écoute, avec des casques et dans une ambiance tamisée, des contes égrenés par une conteuse à la voix suave. L’idée est magnifique, surtout pour les enfants qui aimeront, j’en suis sûre, s’asseoir sur des coussins pour écouter les contes. Ensuite, nous arrivons à une pièce décorée à la manière d’une grotte, avec des illustrations de contes, suivie de tableaux et photographies des actrices ayant tourné dans des films traitant du thème des contes, dont Marlene Dietrich. Pour finir dans un espace où l’on peut voir des extraits des films tournés autour de ce thème, dont celui de Samia Gamal, et nous sortons accompagnés par la voix de la grande chanteuse Oum Kalsoum susurrant « Alfi leila we leila »...
Pour ceux qui veulent vivre un pur moment de poésie, il faut vraiment aller voir cette exposition qui dure jusqu’à fin avril 2013.
Mais au-delà des contes qui constituent cet ouvrage, il était intéressant de se pencher sur le rôle de la femme à l’époque et actuellement. A-t-il évolué ?
L’héroïne de l’ouvrage, Shéhérazad, est astreinte à conter, de nuit en nuit, sous peine de perdre sa vie. On l’oublie souvent, porté que l’on est par le récit, que ces histoires relèvent du destin qui assigne à la jeune femme, avec l’aube, sa mort ou sa survie. C’est cruel, même si la femme est montrée comme un modèle de beauté, d’intelligence et de savoir.
Qu’en est-il dans nos sociétés arabes actuelles ? Même si la femme joue un rôle prépondérant dans la famille avec l’éducation des enfants, force est de constater qu’elle n’a malheureusement pas les mêmes droits en société que l’homme. Au Liban, par exemple, elle ne peut toujours pas donner la nationalité libanaise à ses enfants. Elle n’a également pas le même salaire que l’homme, malgré des diplômes équivalents. Dans certains pays arabes, elle n’accède même pas au même niveau d’étude que l’homme. Enfin, au point de vue héritage, elle n’en a certainement pas les mêmes droits.
Tant que les sociétés arabes ne comprennent pas que la femme est la moitié de la société et qu’elle y a un rôle important à jouer, autre que celui d’épouse ou de mère de famille, elles n’évolueront pas. Le temps n’est plus aux sociétés patriarcales, où l’homme est le maître de famille. La femme se doit de jouer un rôle social pour faire avancer la société. Il ne s’agit pas de transposer la société occidentale et sa manière de vivre et de penser à la société arabe, mais de trouver son propre mode de vie en accordant toute sa confiance à la femme arabe et au rôle qu’elle peut y jouer. Ses contributions au printemps arabe sont là pour le prouver. Elles ont été nombreuses à descendre dans les rues pour appeler à plus de droits et plus de liberté.
À cet égard, le livre de Nadine Abou Zaki, présenté dans le cadre d’un récent Café littéraire à l’Institut du monde arabe, est important. Elle a, en effet, écrit un ouvrage intitulé De femme à homme, dans lequel elle traite de l’actuel féminin sous forme de récit et de correspondances avec son professeur de philosophie. Rédactrice en chef d’un magazine féminin libanais, al-Hasnaa, dédié à la cause de la femme, elle y fait référence à la nouvelle femme arabe qui assume sa féminité, plutôt que moderne. Il s’agit pour elle d’une femme qui s’intéresse à ses droits et qui peut devenir plus que jamais l’objet d’un droit. Elle estime que c’est à l’intérieur du monde arabe que le dialogue doit commencer et que les femmes doivent manifester pour réclamer leurs droits.
En conclusion, il nous appartient à nous, femmes arabes, que ce soit dans les pays arabes ou dans le monde, de poursuivre le débat pour trouver une solution qui allie tradition et modernité, car la mondialisation nous impose la nécessité de s’ouvrir un peu plus au monde. Nous nous devons de le faire sans toutefois renier nos racines ni nos spécificités. Gageons que nous réussirons à faire changer les donnes. L’avenir nous le dira.

Faten MOURAD
Une exposition autour des « 1 001 Nuits » a lieu actuellement à l’Institut du monde arabe. Tout le monde a été influencé, de près ou de loin, par les contes et les histoires de ce grand ouvrage : Kalila wa dimna, Aladdin, Sindibad, le marin... C’est le livre arabe le plus solidement ancré dans l’imaginaire collectif occidental. Avant de visiter l’exposition, j’étais...

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