Rechercher
Rechercher

À La Une - Campus

L’arabe face aux défis du numérique

Parler arabe au Liban ? Mais ça va sans dire ! Oui, sous réserve de la marginalisation de cette langue infiltrée par d’abracadabrantesques dialectes largement utilisés sur les réseaux sociaux. C’est là une des observations faites lors du colloque tenu le jeudi 21 février à l’USEK, sous la houlette de l’Unesco, pour célébrer la Journée mondiale de la langue maternelle.

Le colloque s’est tenu le 21 février à l’USEK.

«Notre langue maternelle serait-elle une langue unifiée ou éclatée? Un facteur de distorsion ou de rencontre?» s’écrie le Dr Tanios Noujaim, chef de département de langue et littérature arabes à l’USEK. La Journée mondiale de la langue maternelle, proclamée par l’Unesco en l’an 2000, s’avère une occasion annuelle pour une remise en question inévitable du statut de la langue maternelle au Liban. Entre multilinguisme et mondialisation, la langue arabe fait face à plusieurs défis, dont l’hétérogénéité des dialectes. En effet, selon le Dr Noujaim, il n’existe pas une seule langue maternelle pour le peuple libanais. Cependant, c’est la langue courante et pratiquée au quotidien, en d’autres termes le dialecte libanais, qui unit notre peuple. «Pour sauver notre langue maternelle, il faut se mobiliser. Et pour ce faire, il faut mettre en branle une série d’initiatives ayant pour point de départ les points communs entre les Libanais et les peuples arabes et pour visée, la création d’une nation arabe linguistiquement unie», ajoute-il sur un ton d’espoir.
Comment? Le Dr Noujaim fait l’inventaire d’une stratégie pouvant épargner à la langue arabe maints dangers: «Il nous faut simplifier cette langue qui n’a pas beaucoup évolué à travers les siècles. La rendre accessible et l’imposer dans l’univers virtuel de Twitter et de Facebook. C’est bien la plus noble des révolutions qu’on peut faire.»
Mme André Affeich, docteure en traduction, approuve en évoquant le contenu numérique arabe «toujours à des stades primaires, mais en attente d’un essor fracassant». Elle met l’accent sur l’importance de la présence de livres numériques (e-books) des plus importants penseurs et écrivains arabes. «L’augmentation considérable des utilisateurs de l’Internet entre les années 2000 et 2012 doit aller dans le sens de la vivification de notre langue dont la pratique sur les réseaux sociaux ne dépasse pas les 3%!» ajoute-elle.

La traduction, facteur de sauvegarde et d’innovation
Pour pérenniser la langue arabe, il faudrait passer par la traduction. C’est ainsi que Mme Salam Diab-Duranton, chercheuse au département d’études arabes à l’Université Paris 8, perçoit la solution. «Si la traduction vers l’arabe cesse d’être un acte individuel, artisanal et sans concertation collective ni réflexion scientifique, elle constituerait un moyen permettant le renouveau conceptuel de la langue dans le contexte de la compétition avec les autres langues dominantes, en l’occurrence l’anglais», déclare-t-elle. Joseph Khalil, docteur en philosophie à l’USEK, adopte son point de vue en pointant du doigt la question de la diversité linguistique. «Œuvrer pour la sauvegarde de la langue arabe ne doit pas éliminer l’ouverture à d’autres langues. Le multilinguisme est incontournable et les hommes sont condamnés à cohabiter avec le chaos et l’interférence des langues», confie-t-il.

Qu’en pensent les jeunes ?
Pour certains, parler et écrire en arabe suppose viser haut. «Ce n’est pas évident pour moi de m’exprimer en arabe, que ça soit à l’oral ou à l’écrit. J’ai reçu une éducation francophone et je me spécialise en littérature anglaise. L’arabe se positionne loin par rapport à la langue de Shakespeare qui m’a toujours enchantée. Il est bon alors de nous secouer avec ce colloque surtout que la langue arabe est un élément principal de notre identité», indique Lama Asmar, étudiante en 2e année de littérature anglaise. Pour Joëlle Boutros, 3e année de traduction, il faudrait mettre un terme à l’hégémonie des langues étrangères sur les réseaux sociaux. Et ce par le biais de l’adoption de la langue arabe comme langue première d’expression.»
Que l’on appartient au camp des francophones ou à celui des anglophones, on a toujours comme langue maternelle l’arabe. Un arabe qui, en dépit de tout, reste un acquis quasi inné. Mais, à l’aube des révolutions, ne serait-il pas sage de porter haut l’étendard de notre langue sans toutefois se noyer dans les obscurantismes et en s’ouvrant aux autres langues, garantes du dialogue interculturel?

 

Pour mémoire

Ces enfants qui grandissent dans un monde numérique sans pitié...

 

La langue libanaise à portée de clics
«Notre langue maternelle serait-elle une langue unifiée ou éclatée? Un facteur de distorsion ou de rencontre?» s’écrie le Dr Tanios Noujaim, chef de département de langue et littérature arabes à l’USEK. La Journée mondiale de la langue maternelle, proclamée par l’Unesco en l’an 2000, s’avère une occasion annuelle pour une remise en question inévitable du statut de la langue...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut