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À La Une - Tribune

L’essai nucléaire nord-coréen, un test pour le monde entier

Le dernier essai nucléaire nord-coréen est le plus inquiétant des trois qui ont eu lieu à ce jour. La manière dont la communauté internationale va répondre, à la fois en paroles et en actes, en dira long sur le monde dans lequel nous vivons. Et, que cela plaise ou non aux Chinois, la façon dont ils réagiront eux-mêmes nous en apprendra beaucoup sur le rôle que la Chine entend jouer dans la gouvernance mondiale.


Bien que tous les détails ne soient pas encore connus, cet essai semble révéler des progrès significatifs du côté des scientifiques nord-coréens dans l’amélioration du rendement de leur armement. L’essai d’octobre 2006 avait laissé envisager la possibilité d’un défaut de conception, tandis que celui de 2009 avait laissé planer un certain nombre d’interrogations quant à son caractère nucléaire.
Or, l’essai nucléaire effectué par la Corée du Nord ce mois-ci semble être le vrai de vrai. Par ailleurs, bien qu’il ne soit pas toujours facile de jauger la vantardise nord-coréenne lors de ce type d’essais, il semble cette fois-ci y avoir des raisons de s’inquiéter dans la mesure où les scientifiques nord-coréens ont également fait des progrès dans la miniaturisation de leur ingénierie, étape nécessaire pour installer un dispositif nucléaire sur un missile.
Plus inquiétant encore, nous ne pouvons écarter la possibilité que la Corée du Nord soit parvenue à enrichir son uranium jusqu’à des niveaux permettant la fabrication d’armes. Nous disposons de très peu de renseignements à ce sujet, mis à part quelques informations limitées relatives à des acquisitions internationales et à la détection d’un certain nombre de traces d’uranium hautement enrichi (UHE) dans des matériaux importés en Corée du Nord. Si la Corée du Nord utilise effectivement de l’UHE dans la préparation d’une bombe, nous ne savons quasiment rien du lieu de provenance de cet uranium et des quantités détenues par le pays ni de la possibilité pour la Corée du Nord de s’en procurer dans le futur.


Certains en appellent à rester calme (un conseil judicieux dans la plupart des cas), et se rassurent dans une certaine mesure par le fait que la Corée du Nord soit aujourd’hui encore confrontée à de nombreuses difficultés techniques faisant obstacle à la possibilité pour le pays d’ajouter l’arme nucléaire à son arsenal conventionnel déjà considérable. Après tout, 12 années ont été nécessaires aux États-Unis pour installer ce type d’armes sur un missile.
Pour autant, tout porte à croire que les Nord-Coréens auraient accéléré leur calendrier d’essais et auraient fait de l’obtention de l’arme nucléaire la première de leur priorité. La propagande nord-coréenne ne constitue pas toujours un indicateur fiable, mais la reprise récente des comportements agressifs envers les États-Unis, parmi lesquels la publication d’une vidéo étrange sur fond de la chanson We are the World ne devrait pas être prise à la légère. Fini l’espoir de voir le fils-dictateur Kim Jong-un et ses régents s’intéresser davantage au développement économique qu’à la poursuite de l’esprit d’une dynastie des Kim axée sur des politiques traditionnelles avant tout militaires.
Ainsi, le dernier essai nucléaire nord-coréen constitue un test à de nombreux égards. Tout d’abord, il devrait permettre de répondre à la question de savoir si le traité de non-prolifération, vieux de 43 ans, est toujours viable. L’objectif du TNP n’est-il pas en effet d’« empêcher la propagation des armes nucléaires et des technologies d’armement, de promouvoir la coopération dans le sens d’un usage pacifique de l’énergie nucléaire et d’approfondir l’objectif du désarmement nucléaire d’une manière générale et totale » ? Pour certains, le fait de n’avoir affaire qu’à deux prétendants à l’arme ultime, la Corée du Nord et l’Iran, n’est pas si terrible. Or, dans le domaine des armes atomiques, l’existence d’un seul de ces prétendants est bien suffisante.


Ce récent tir met également à l’épreuve la capacité du monde à faire des dangereuses aspirations nord-coréennes une priorité en s’unissant autour d’une politique commune qui soit plus que rhétorique dans la condamnation de celles-ci. Si nous savons une chose sur les Nord-Coréens, c’est qu’à moins d’être en mesure d’exploiter une telle rhétorique au profit de leur propre propagande (ils n’ont jamais autant tiré parti que de la célèbre formule « axe du mal » utilisée par l’ancien président américain George W. Bush), ils n’accordent strictement aucune importance à ce que l’on dit d’eux.
De même, le fait de menacer isolément la Corée du Nord, véritable leitmotiv dans l’exercice de la pression diplomatique, ne fonctionne pas, dans la mesure où l’isolement est exactement ce que souhaitent les Nord-Coréens. Il s’agirait plutôt pour la communauté internationale de se rassembler autour d’un programme d’action destiné à produire un résultat.


L’imposition de seules sanctions économiques a peu d’impact sur le pays le plus sanctionné de la planète. Et la possibilité de nouvelles sanctions à l’avenir ne ferait que soulever la question de savoir pourquoi ces sanctions n’ont pas déjà été appliquées.
Ces derniers jours, l’administration du président américain Barack Obama s’est efforcée d’encourager les États, petits et grands, à se prononcer sur le sujet. Il est en effet clair qu’aucun pays ne saurait à lui seul résoudre le problème. Pour autant, le fait d’encourager les États à prononcer des déclarations et à adhérer au régime des sanctions ne suffira pas à nous conduire à l’objectif que nous entendons atteindre.


Il est nécessaire que tous les pays soient conscients de la menace nord-coréenne et se sentent ainsi concernés par la nécessité d’y faire face, quels que soient leur ressenti ou leurs relations vis-à-vis des États-Unis. L’inimitié à l’égard des États-Unis ne devrait pas se traduire en une indulgence à l’endroit de la Corée du Nord.
D’autres acteurs – qui constituent une minorité fort heureusement de moins en moins nombreuse – continuent de suggérer davantage d’efforts sur le chemin de la négociation. Cette voie doit en effet rester ouverte, mais nul ne saurait céder à l’illusion selon laquelle la négociation constituerait en quelque sorte la pièce manquant du puzzle. La Corée du Nord n’a-t-elle pas en effet examiné toutes les offres mises sur la table au cours des pourparlers à six qui ont débuté en 2003 – traité de paix, aide économique et énergétique, ou encore proposition d’adhésion à une association régionale – et a passé son chemin ?


De même, un certain nombre de requêtes bilatérales formulées par la Corée du Nord depuis des années, notamment sur l’abrogation du qualificatif d’« ennemi » utilisé par les États-Unis dans le contexte du « Trading with the Enemy Act », ont été, une fois satisfaites, considérées comme sans importance. De nombreuses propositions restent sur la table et n’accumulent que poussière. Mais la décision de ne pas y accéder est entièrement de la responsabilité de la Corée du Nord.


Enfin, le véritable test ici en jeu n’est pas tant de savoir ce que va faire le monde, mais plutôt de savoir ce que fera la Chine, le seul et unique allié qui reste à la Corée du Nord. Nul ne saurait s’attendre à voir la Chine résoudre le problème à elle seule. Pour autant, les yeux du monde sont bel et bien rivés sur la Chine et ses nouveaux dirigeants, en quête d’indices sur les réelles aspirations de la Chine en tant que membre de la communauté internationale.

Traduit de l’anglais par Martin Morel.
©Project Syndicate, 2013.

Le dernier essai nucléaire nord-coréen est le plus inquiétant des trois qui ont eu lieu à ce jour. La manière dont la communauté internationale va répondre, à la fois en paroles et en actes, en dira long sur le monde dans lequel nous vivons. Et, que cela plaise ou non aux Chinois, la façon dont ils réagiront eux-mêmes nous en apprendra beaucoup sur le rôle que la Chine entend jouer...

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