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Culture - Rétrospective

Huguette Caland, l’art pour mieux savourer la vie...

Cela fera bientôt un demi-siècle qu’Huguette Caland distille dans ses peintures son espiègle liberté et son audacieuse fantaisie. Et mille ans – l’âge qu’elle s’est malicieusement attribué – qu’elle se sert de l’art pour mieux savourer chaque instant de vie. Retour sur un parcours artistique d’une singulière vitalité.

«My Parents», 1978, acrylique sur toile de la collection de l’artiste.

À 81 ans passés, clouée sur son fauteuil roulant suite à une chute récente, Huguette Caland, présente au vernissage de la rétrospective que lui consacre Solidere au Beirut Exhibition Center*, garde le même regard, à la fois pétillant et profond, qu’elle a toujours posé sur les êtres et les choses de la vie.


Un regard dont elle dévoile la liberté, l’audace et la fantaisie dans chacune des œuvres qu’elle a peintes depuis ses débuts en 1964 jusqu’aujourd’hui. Un florilège d’huiles et d’acryliques sur toile, d’encres sur papier ou encore de techniques mixtes sur peau de mouton qui racontent, mieux que tous les mots, le parcours de vie de cette femme affranchie. Laquelle, dès les années soixante, n’a pas hésité à exprimer pleinement, sans tabous, à travers l’art, son intérêt pour l’érotisme des corps.


Et pourtant rien ne prédestinait cette fille de président de la République (le premier du Liban indépendant, Béchara el-Khoury) à braver les codes et les conventions de son milieu, sinon son goût d’une vie pleinement vécue. Ce qui correspondrait pour cette hédoniste lucide à «combler son temps avec ce que l’on aime faire (...)», comme elle l’écrivait en 2006 dans un petit texte, repris au dos du carton d’invitation de cette rétrospective. Poursuivant: «C’est un grand luxe de le remplir ainsi (le temps) afin de mieux le savourer. Si la mort nous surprend alors qu’on fait ce que l’on a choisi de faire, on meurt sans envie de mourir, mais pas trop malheureux de quitter cette vie qu’on arrive à tant aimer en dépit de tout ce que l’on sait de malheurs, d’injustice et de souffrances.»


Une vie retracée au fil des 200 œuvres picturales – ponctuées de quelques effigies en argile ou en papier mâché –, tirées de collections privées, que déroule cette rétrospective. Laquelle, élaborée par Nadine Begdache et la fille de l’artiste, Brigitte Caland, est divisée en trois principales périodes.


La première, dite de Kaslik, court de 1964 à 1970.
On y retrouve, mis à part un seul nu féminin figuratif, des portraits ultracolorés de visages, corps, ou encore de territoires intimes, celui du Baiser par exemple qui, traité par lignes courbes et grands aplats chromatiques, préfigure l’érotisme abstrait de la décennie suivante. Et en parallèle, des paysages géographiques et côtiers (Kaslik, son port, son territoire...) dessinés en motifs répétés ou en broderie de petits traits, barres, points et croix de différentes couleurs qui, déjà, annoncent l’amorce de la troisième période, celle du milieu des années 90 à nos jours.
Entre agrandissement de la représentation et miniaturisation du tracé, ces toiles, élaborées au cours des années d’apprentissage – elle suit, alors, des études artistiques à l’AUB, notamment sous la férule de John Carswell –, dans son atelier installé dans la maison familiale de Kaslik, signent déjà la dualité stylistique d’Huguette Caland.

De l’érotisme abstrait à la nostalgie de l’enfance
Deuxième période: Paris, où elle part vivre au tout début des années 70, dans un désir «d’élargir son horizon, de renforcer son travail, de s’y consacrer entièrement», écrit dans l’un des textes du catalogue de l’exposition Gérard Khoury. Elle fréquente le milieu artistique parisien, devient une proche du sculpteur roumain George Apostu, collabore avec Cardin pour qui elle réalise des abayas peintes aux motifs de ses fantasmes et s’adonne en toute fantaisie à la retranscription, à l’encre sur papier ou à l’huile et à l’acrylique sur canevas, d’histoires de chairs, de peaux, de sensualité, de désir à travers des chaînes humaines de corps et visages mélangés ou encore à travers l’agrandissement extrême de certaines régions du corps produisant des toiles d’un érotisme abstrait.
Certaines de ces peintures ironiquement baptisées Moi cachent, sous l’autodérision, la plaie que constitue son surpoids, qu’elle désigne d’ailleurs joliment par «mon excédent de bagage», rapporte Dominique Eddé dans un autre texte du même catalogue.
Durant cette période, elle jouera à se représenter dans de nombreux autoportraits, parfois avec les hommes de sa vie, dans une absolue liberté de ton et d’ego. Mais derrière l’irrévérence, la provocation et l’humour, c’est au cours de ces années-là que «la recherche de Caland gagne en épaisseur, qu’elle s’éloigne de l’anecdote. Des sculptures en glaise animent des visages qui cessent de n’être que des masques (...) En 1983, la trompe et la patte d’un éléphant blanc à l’œil noir allongé nous offrent le plus beau de ses autoportraits. Désormais l’extérieur et l’intérieur cohabitent», signale aussi Dominique Eddé.


Troisième période: au début des années 90, lassée de Paris, «où la reconnaissance tardait à venir», soutient Gérard Khoury, Huguette Caland prend, courageusement, un nouveau départ. Direction les États-Unis, où elle s’installe à Venice, en Californie. Là, naviguant entre abstraction et figuratif, elle reprend les dessins en points de croix auxquels elle avait eu recours dans sa première période. Avec une nostalgie lumineuse, elle «brode», elle «tisse», picturalement, sur d’énormes toiles libres, des représentations symboliques du Liban de son enfance: des maisons à tuiles rouges cernées de vergers, des bleus maritimes parsemés de petites embarcations, des ciels étoilés, des effluves de fleurs d’orangers, des tapis, des champs de coquelicots...Une exubérante et harmonieuse figuration pseudonaïve qui cache, parfois dans ses strates, des figures plus subrepticement intimes... Et qui, en révélant notamment ses talents de coloriste, contribue à lui apporter enfin la consécration aussi bien à Los Angeles qu’à New York, Paris ou Beyrouth.

Robes-œuvres d’art pour Cardin
Au centre de l’espace d’exposition, présentées sur des mannequins de carton, quelques-unes des robes-œuvres d’art réalisées pour Cardin lors de leur collaboration dans les années 70, ainsi que des vitrines exposant des croquis et textes griffonnés sur petits cahiers contribuent à rendre l’univers pluriel de cette artiste qui a toujours dessiné et écrit avec une joyeuse et vitale délectation. Un portrait complété, d’ailleurs, un peu plus loin, par la série de ses tabliers de peintre également émaillés de petits mots et motifs...
Enfin, l’exposition, qui se tient jusqu’au 24 février, s’accompagne d’un épais catalogue recensant l’intégralité de ses œuvres ainsi que des textes en français, anglais et arabe signés de plumes de renom, à l’instar de Dominique Eddé, Gérard Khoury, Helen Khal (sa complice des débuts), ou encore Laure Ghorayeb et Raoul-Jean Moulin...Ils offrent un bel éclairage sur le parcours de cette artiste, qui aura, peut-être, contribué à réveiller l’art au Liban.

 


*Beirut Exhibition Center, entrée du BIEL. Tél.: 01/980650, ext. 2 883

À 81 ans passés, clouée sur son fauteuil roulant suite à une chute récente, Huguette Caland, présente au vernissage de la rétrospective que lui consacre Solidere au Beirut Exhibition Center*, garde le même regard, à la fois pétillant et profond, qu’elle a toujours posé sur les êtres et les choses de la vie.
Un regard dont elle dévoile la liberté, l’audace et la fantaisie dans...

commentaires (1)

Sont-ce des peintures ces graffitis ? Est-ce de l'art ?

SAKR LEBNAN

02 h 05, le 23 janvier 2013

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Commentaires (1)

  • Sont-ce des peintures ces graffitis ? Est-ce de l'art ?

    SAKR LEBNAN

    02 h 05, le 23 janvier 2013

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