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À La Une - Analyse

Moscou se prépare à l'ère post-Assad

"La Russie n'a pas le choix et essaye maintenant de prendre le train en marche".

Le président syrien Bachar el-Assad accueillant le ministre des Affaires étrangères russe Sergeï Lavrov, le 7 février 2012, à Damas. Photo: Reuters

Plus de 21 mois après le début de la révolte contre le régime syrien, la Russie finit par reconnaître que l'ère du président Bachar el-Assad semble toucher à sa fin, envisageant ainsi l'idée d'une Syrie sans le régime dynastique qui a été son allié pendant des décennies, estiment des analystes.


"La Russie n'est pas aveugle, et les diplomates russes ne sont pas idiots. Ils voient que la tendance va dans une seule direction", déclare à l'AFP Fiodor Loukianov, chef du Conseil de politique extérieure et de défense, une institution basée à Moscou. "Tout le monde sait déjà comment cela va finir, il reste juste à savoir quand", ajoute-t-il.


La Russie, seule grande puissance aux relations étroites avec le régime syrien, a ainsi pressé vendredi 28 décembre le président Assad à faire le "maximum" pour concrétiser ses intentions de dialoguer avec l'opposition en vue de résoudre le conflit.
Cette déclaration est intervenue au lendemain d'entretiens à huis clos à Moscou entre un vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mokdad, et le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et à la veille de la visite de l'émissaire international pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, tout juste après ses négociations à Damas avec les principales parties dans le conflit.

 

(Pour mémoire:  La Russie presse Assad de dialoguer avec l’opposition)


La diplomatie russe, qui s'est montrée jusqu'ici hostile à la Coalition de l'opposition syrienne, a en outre annoncé vendredi avoir invité le chef de cette institution, Moaz el-Khatib, afin de participer à des négociations en vue d'un règlement du conflit.


Le changement d'attitude de Moscou intervient sur fonds de violents combats en Syrie où les rebelles semblent avoir évincé les forces syriennes de plusieurs zones stratégiques, alors que l'aviation du régime de Bachar el-Assad mène des raids au-dessus de la province de Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

 

 

"Sauver la face"

A la mi-décembre, un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, avait déjà reconnu que Damas perdait de "plus en plus" le contrôle du pays et qu'une victoire de l'opposition n'était pas à exclure. Même si la diplomatie russe a aussitôt démenti ces propos, en assurant que la Russie n'avait pas changé de position, les autorités russes ne cessent depuis de faire des déclarations qui vont dans le même sens.


"Nous ne sommes pas préoccupés par le sort du régime Assad. Nous savons ce qui se passe là-bas et que cette famille (Assad, ndlr) est au pouvoir depuis 40 ans. Des changements sont sans aucun doute nécessaires", a ainsi déclaré le président russe Vladimir Poutine, lors de sa conférence de presse annuelle la semaine dernière. Il a indiqué peu après que la Russie était "intéressée" par l'instauration d'un régime démocratique en Syrie, soulignant que Moscou "n'était pas l'avocat des autorités syriennes".


Pour sa part, M. Lavrov, a appelé l'Occident à "ne pas utiliser la Russie comme un facteur" pour transmettre à Damas un message demandant le départ du président Assad. "Si M. Assad est intéressé, cela doit être discuté directement avec lui", a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne de télévision russe en langue anglaise Russia Today.


L'"objectif principal" de la Russie est actuellement de "ne pas permettre un changement de régime en Syrie à l'aide d'une intervention militaire", afin d'éviter une répétition du scénario libyen, estime M. Loukianov. Ainsi, "tout processus politique qui aboutira à un changement de régime en Syrie conviendra à la Russie", souligne-t-il.


La Russie a perdu des contrats de livraison d'armes pour des milliards de dollars à la suite de la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi en Libye, devenue possible après l'intervention militaire aérienne des Occidentaux, et n'a plus de relations privilégiées avec ce pays, pourtant son ancien allié dans la région.


Avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, la Russie a mis les bouchées doubles pour conserver son statut de grande puissance et n'a pas envie de perdre son influence dans les pays stratégiques du Proche-Orient comme la Syrie, où elle dispose d'une base navale, sa seule implantation en Méditerranée, selon des experts.


"La Russie a compris depuis longtemps qu'Assad n'avait pas d'avenir, mais elle a eu du mal à le reconnaître publiquement", estime l'analyste Alexeï Malachenko, du centre Carnegie de Moscou. "La Russie n'a pas le choix et essaye maintenant de prendre le train en marche", dit-il. "L'objectif principal de la Russie actuellement est de sauver la face", souligne M. Malachenko.

 

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