Accueillie et prise en charge par des instances religieuses chrétiennes, la femme qui est venue au Liban en catastrophe, avec son mari et sa fille, raconte, sous le couvert de l’anonymat, que tout a commencé vendredi. Un imam de Homs avait été invité à prononcer un prêche pendant la prière. Les haut-parleurs avaient été branchés au maximum et toute la région a pu entendre les propos de l’imam qui appelait les fidèles à refuser de participer aux célébrations de Noël. L’imam haranguait les jeunes en leur demandant de se réveiller « car les chrétiens sont des renégats parce qu’ils ont donné un fils à Dieu ». Il les a même appelés à respecter la fatwa de La Mecque qui « interdit aux musulmans de participer aux cérémonies de Noël » et se rappeler que l’islam est « implanté sur cette terre pour toujours ».
Dans l’après-midi suivant le prêche, des jeunes décident d’attaquer le monastère tout proche. Le gardien voit ainsi arriver des voitures de type 4x4, avec à leur bord des jeunes barbus brandissant des kalachnikovs dont le bout sortait des fenêtres aux vitres baissées. Ils crient « Allah-o-Akbar », tirent en l’air et encerclent le monastère qui abrite une quarantaine de personnes, dont six moines, dix nonnes, trois enfants en bas âge, la famille chrétienne et quatre autres familles sunnites de Koussayr ayant perdu leurs maisons à la suite des combats dans cette localité. Le gardien s’empresse de contacter par téléphone la supérieure réfugiée au Liban. Celle-ci appelle à son tour le nonce apostolique à Damas qui lui demande de cacher ses pensionnaires, parce qu’il est difficile de les évacuer dans de telles circonstances.
Tout ce monde se dirige alors vers un refuge emménagé depuis quelque temps et un prêtre belge de la communauté célèbre aussitôt la messe pour calmer et occuper les esprits. L’idée est donc de ne pas paraître pour ne pas irriter encore plus les jeunes miliciens. Entre-temps, à cause du nonce apostolique, un premier comité de négociation est envoyé sur place pour tenter d’obtenir le départ des miliciens. Mais ceux-ci lui tirent dessus et deux personnes sont blessées. Le nonce n’abandonne pas pour autant la partie et, quelque temps plus tard, un autre comité est envoyé. Cette fois, les jeunes ne tirent plus et acceptent l’idée de la négociation. Celle-ci dure trois heures à l’issue desquelles les miliciens se retirent.
Pour cette fois, le monastère et ceux qui y résident en sont sortis indemnes, mais désormais la peur est omniprésente. C’est pourquoi cette famille a préféré s’enfuir et se réfugier au Liban. La femme est convaincue que l’attaque du monastère n’est que partie remise. « Désormais personne ne peut plus rien pour nous, dit-elle. Et le meilleur conseil qu’on nous ait donné est de fuir les lieux. Pourtant, la convivialité islamo-chrétienne est notre particularité en Syrie depuis des siècles. Mais aujourd’hui, on veut déformer notre histoire, notre passé et compromettre notre avenir. La situation est en train de devenir intenable et les chrétiens sont les plus fragilisés... »
Pour cette famille, pas question pour l’instant de rentrer en Syrie. Selon certaines informations, les prêtres et les religieuses non syriens du monastère vont aussi être évacués dans les plus brefs délais, alors que la communauté dont ils relèvent a toujours prôné la coexistence entre les religions et les communautés, et qu’elle est implantée en Syrie depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, ils sont piégés dans leur couvent, à la merci des groupes extrémistes, car la guerre est en train de passer par là et de tout balayer sur son passage pour ne laisser que ruines matérielles et spirituelles... dans l’indifférence générale.
S. H.
commentaires (6)
Et ils le disent apres la Syrie , le Liban
Talaat Dominique
08 h 17, le 01 janvier 2013