Rechercher
Rechercher

C’est da ou c’est niet ?

De dire tout à la fois la chose et son contraire n’est pas du plus heureux effet, surtout pour une puissance naguère colossale, tout juste rescapée de l’effondrement total mais qui continue de compter au nombre des Grands. De fait, c’est à une indigeste salade russe que doit s’attaquer en ce moment quiconque s’efforce de décrypter les vues et intentions du Kremlin relatives au sort du président syrien Bachar el-Assad.

Que des diplomates russes de haut rang essuient régulièrement des démentis, sinon des désaveux, émanant de leur propre département, n’étonne plus guère désormais. C’est ce qui arrivait hier encore au numéro deux des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov qui, la veille même, invoquait le devoir de réalisme pour constater que le régime de Damas perdait de plus en plus le contrôle du pays et qu’il ne fallait donc pas exclure une victoire des rebelles. Le vice-ministre n’en était pas à sa première rebuffade puisque l’été dernier déjà, il était contraint de revenir sur un entretien accordé à un journal koweïtien, dans lequel il envisageait un départ du raïs syrien. La même mésaventure arrivait d’ailleurs à l’ambassadeur de Russie à Paris qui, pourtant, avait pris soin de préciser qu’un tel départ ne pourrait avoir lieu que d’une manière civilisée : un mot qui sonne bien faux, compte tenu de l’extrême barbarie marquant la répression en Syrie.

Il reste que les auteurs de ces gaffes, ou supposées telles, n’ont jamais subi la moindre sanction disciplinaire. Voilà qui porte à croire qu’en prélude à une vaste négociation internationale sur la période de l’après-Assad, la tâche de ces hauts fonctionnaires consiste à lancer, à l’adresse d’un peu tout le monde, coups de sonde, ballons d’essai et autres messages : le grand patron Sergei Lavrov se chargeant, quant à lui, de véhiculer imperturbablement la doctrine pure et dure. Tantôt soutenu à fond et tantôt tenu pour irrémédiablement condamné, le tueur en série (et en Syrie) a droit, en somme, à la scène classique du bon flic et du méchant flic.

Comment notre pays, on ne peut plus contigu du volcan syrien, vit-il, pour sa part, cette hantise de la relève islamiste, ou encore du chaos, qui porte les nations, même rivales, à se concerter sur un péril qu’elles semblent soucieuses de conjurer ? Dans l’inconscience et la division. La concordance des bouleversements survenant autour de nous – et plus précisément dans ces deux pays, l’Égypte et la Syrie, qui ont en partage une longue tradition d’influence sur le Liban, ne rend la situation que plus dramatique. Ici en effet, une dictature honnie car résolument assassine, en voie d’être balayée par une révolution déjà menacée elle-même cependant par la gangrène extrémiste. Et là, une révolution réussie, aboutie, mais qui a effectivement débouché sur un renouveau de tyrannie se parant cette fois du manteau de la religion.

Qu’elles soient d’inspiration sunnite ou chiite, ce sont ces mêmes et funestes religions politiques – ou politiques de la religion, peu importe – qui minent le fragile terrain libanais car elles sont la négation même de ce pays pluraliste. Pour mieux se prémunir contre les flammèches venues de Syrie, la puissante Turquie a exigé et obtenu de ses alliés atlantiques qu’ils l’équipent de missiles antimissiles Patriot. D’authentiques, de sages et responsables patriotes suffiraient pour faire l’affaire ici.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

De dire tout à la fois la chose et son contraire n’est pas du plus heureux effet, surtout pour une puissance naguère colossale, tout juste rescapée de l’effondrement total mais qui continue de compter au nombre des Grands. De fait, c’est à une indigeste salade russe que doit s’attaquer en ce moment quiconque s’efforce de décrypter les vues et intentions du Kremlin relatives au sort...