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À pas comptés

Ce lundi-là était à marquer d’une pierre blanche. Pour la toute première fois en effet, un magistrat libanais osait un geste devenu, au fil des ans, funestement familier pour les simples citoyens, et cela en pointant un doigt résolument accusateur en direction de Damas. Élargissement de l’enquête dans l’affaire du complot terroriste éventé avec l’arrestation, l’été dernier, de l’ancien ministre Michel Samaha, proche de Bachar el-Assad ; deux maîtres barbouzes syriens incriminés et recherchés pour interrogatoire ; une conseillère présidentielle citée à témoin : spectaculaires, en vérité, sont les recommandations du commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire.

 

Ce n’est là, bien sûr, qu’un premier pas, susceptible encore d’être contrecarré par les vieilles et tenaces inhibitions qui habitent le système judiciaire de notre pays. En attendant ( et l’on croit rêver ), l’État se trouve amené à traiter, comme si de rien n’était, avec les pestiférés des Moukhabarate. Preuve en est – on croit rêver – la rencontre de travail qu’a eue, le week-end dernier à Damas, le directeur de la Sûreté générale avec ce même prévenu qu’est, aux yeux de la justice libanaise, le général Ali Mamlouk , grand patron des services syriens ...


Il n’en reste pas moins que ce premier pas est indéniablement un pas de géant. Enfin brisé en effet est le honteux tabou officiel qui, depuis des décennies, et malgré l’assassinat de deux présidents de la République, d’un ancien ministre et d’un long cortège de personnalités politiques et leaders d’opinion, recouvre un sinistre secret de polichinelle : le goût pervers du régime baassiste pour les attentats commis en terre libanaise. Voilà pourquoi l’initiative du juge Sakr Sakr fera date. Pour les mêmes raisons, il faut espérer que le magistrat fera école.


Et puisqu’il est question de débuts, on voudrait pouvoir applaudir sans réserve à cet autre pas sur la bonne voie accompli, ce même lundi, avec le déploiement substantiel d’effectifs de l’armée dans les quartiers antagonistes de Tebbaneh et Jabal Mohsen, à Tripoli. Qualifier ce déploiement de tardif serait un euphémisme. Car cela fait des mois que sunnites et alaouites de la deuxième ville du Liban se livraient sporadiquement à des échanges de tirs d’armes légères et semi-lourdes, la force publique ne se hasardant à intervenir qu’au compte-gouttes. Des dizaines de victimes sont tombées, habitations et commerces ont souffert d’importantes destructions. Et ce n’est qu’après sept mois de béate relâche que le Conseil supérieur de défense a daigné se réunir pour décréter enfin une opération d’envergure mais dont rien ne permet de croire, hélas, qu’elle sera concluante.


Pour ceux qui ont charge d’âmes en particulier, il n’y a que le premier pas qui coûte : de traîner la patte, par tortueux calcul ou par plate incompétence, ne fait, au final, qu’alourdir la facture.

 

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ce lundi-là était à marquer d’une pierre blanche. Pour la toute première fois en effet, un magistrat libanais osait un geste devenu, au fil des ans, funestement familier pour les simples citoyens, et cela en pointant un doigt résolument accusateur en direction de Damas. Élargissement de l’enquête dans l’affaire du complot terroriste éventé avec l’arrestation, l’été dernier,...