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Pyromanies

Damas et Tripoli : deux amants de longue date devenus amants terribles. Tournant obstinément le dos à Beyrouth, le chef-lieu du Liban-Nord a longtemps aspiré au rattachement à la Syrie. Les tensions sectaires aidant, la passion n’a pas décru, bien au contraire, à ce détail près que l’amour a tourné à la haine. C’est pour une Syrie tout autre désormais, une Syrie débarrassée de la dictature des Assad, que vibre – et se consume – Tripoli. Car c’est plus qu’il n’en fallait, dès lors, pour désigner cette cité aux vengeresses entreprises d’un régime baassiste bien décidé à ne pas descendre tout seul dans la tombe.

Que faire pour empêcher le persistant brûlot de Tripoli, où s’affrontent en quasi-permanence sunnites et alaouites, de mettre le feu au pays ? On pourrait commencer par démystifier une fois pour toutes le mensonger slogan de la distanciation par rapport aux événements de Syrie qu’arbore le gouvernement. C’est en réalité de leurs responsabilités envers les citoyens que les dirigeants se tiennent honteusement à l’écart. À Tripoli, les forces de l’ordre se contentent de compter les coups, les menaces contre la vie de nombre de personnalités politiques sont traitées par-dessus la jambe et le même et coupable laxisme est observé dans le domaine socio-économique où les scandales se succèdent.

De quelle distance parle-t-on, de toute manière, quand le ministre libanais des AE prend invariablement fait et cause pour le pouvoir syrien, quand la principale composante de ce gouvernement, la milice chiite, envoie ses hommes guerroyer aux côtés de ce dernier ? Et comment s’étonner qu’à leur tour des islamistes sunnites libanais s’en aillent prêter main-forte aux rebelles, comme vient de le révéler le massacre de tout un groupe d’entre eux tombé dans une embuscade de l’armée régulière syrienne à Tell-Kalakh ?

Comme pour la contagion des armes qui sévit au niveau interne, cette symétrie dans l’interventionnisme est (si l’on peut dire) dans l’ordre naturel des choses, dans une situation qui, elle, tient du surréel. Avec une mortelle lenteur, grandes et moins grandes puissances avancent leurs pions sur l’échiquier syrien. Les pays voisins œuvrent nuit et jour à se prémunir contre les retombées du conflit sur le sol. Et c’est précisément à partir du voisin le plus sérieusement menacé par l’incendie que l’on trouve moyen de se porter volontaire, à l’image de tous les autres venus d’Iran, d’Ouzbékistan ou d’ailleurs, pour jouer littéralement avec le feu. Encore faut-il remercier le Ciel que, hors l’abcès de fixation de Tripoli, c’est en terre syrienne que sont exhalées toutes ces frénésies guerrières.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Damas et Tripoli : deux amants de longue date devenus amants terribles. Tournant obstinément le dos à Beyrouth, le chef-lieu du Liban-Nord a longtemps aspiré au rattachement à la Syrie. Les tensions sectaires aidant, la passion n’a pas décru, bien au contraire, à ce détail près que l’amour a tourné à la haine. C’est pour une Syrie tout autre désormais, une Syrie débarrassée de...