De l’Égypte écartelée à la Libye déboussolée, de l’Irak ensanglanté à l’inquiétante Jordanie sortie d’une longue somnolence, une toile de fond extensible à souhait s’installe sur les lignes de démarcation, une toile régulièrement éclaboussée par le bain de sang qui meurtrit la Syrie.
De quoi sera fait demain ? De beaucoup de souffrances, de beaucoup de larmes au vu des événements actuels, de l’irresponsabilité des uns, de la duplicité des autres. Mais là où qu’on aille, de quel côté que se portent nos regards, le topo est le même : c’est le peuple qui prend son destin en main, c’est la rue, le cœur même de la vie citoyenne, qui impose le rythme du changement, la cadence des réformes espérées.
Le Printemps se mérite : il est naturel que l’automne le précède, que les erreurs de parcours le retardent. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs : l’image, pour facile qu’elle puisse être, reflète bien la réalité d’une situation faite de retournements dramatiques, de contradictions handicapantes.
Conclure, pour autant, comme se sont empressées de le faire les pythies de circonstance, que le printemps arabe est moribond, c’est insulter les dizaines de millions d’hommes et de femmes qui sont sortis de l’ombre, qui ont découvert, après des décennies d’humiliations et d’asservissement, qu’ils pouvaient être maîtres de leur destin, forger leur avenir sur les décombres des régimes de l’oppression.
Ce qui se passe aujourd’hui en Égypte et en Tunisie, en Libye et en Jordanie, à Bahreïn et même, quoique timidement, en Arabie saoudite, c’est l’avènement d’une ère nouvelle, celle d’une vox populi longtemps méprisée, longtemps infantilisée. Ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, c’est l’exemple même d’une insurrection imparable, d’une révolte contre le tyran mais aussi contre soi-même, ce soi qui a accepté des décennies durant l’intolérable : l’humiliation et le mépris.
Qu’ici ou là des islamistes ou des jihadistes pointent le bout de leur nez, s’évertuent à canaliser à leur profit les bouleversements en cours, il n’y a là rien d’étonnant : eux aussi ont été brimés et embastillés, eux aussi ont connu les privations et les réclusions. Mais croire qu’aux dictatures puissent succéder des théocraties, qu’à un potentat puisse succéder un clone tout aussi despote, c’est occulter l’évidence : les révoltes ont toutes été initiées par la société civile et le mot d’ordre a toujours été liberté. Une liberté payée au prix du sang et qui ne saurait être galvaudée, les révoltes dussent-elles s’éterniser pour la bétonner.
Pour finir, un constat s’impose : pour la première fois dans le monde arabe, du Machrek au Maghreb, les rues se sont mobilisées pour une cause autre que celle liée à la Palestine ou au conflit arabo-israélien. Plus de vociférations guerrières, plus de manifestations orchestrées par des pouvoirs fantoches, mais une aspiration commune à la dignité. C’est là, ne l’oublions pas, l’essence même du printemps arabe, de la révolte en cours en Syrie, du sursaut révolutionnaire en Égypte...
commentaires (6)
Tres belle analyse de Mr. Noun et O combien vraie! Il n'est pas d'omelette qui se fait sans casser les oeufs! Le temps des bassita, mare2ha, ma3lesh bte2ta3, etc... sont termines. Les peuples a majorite islamique ont besoin d'espace, d'air, de liberte, de securite et surtout de prosperite. Ce sont ces besoins qui les ont pousse a se soulever mais jamais il n'y a eu de revolution ou tout c'est passe comme un roman a l'eau de rose. Nous oublions trop vite que des dizaines d'annees d'opressions, de corruptions et d'humiliations se sont succeder avant d'en arriver a tout remettre en question, nous oublions que violence mene a la violence, extremisme a un autre extremisme et que tout est a reconstruire, re-imagine, recreer. Et en debut de democratie, tout le monde veut avoir droit au chapitre. Ce n'est pas donne et beaucoup de sacrifice vont encore avoir a etre fait. Souvent il faut repasser par l'hiver pour arriver au bon printemps. Il y a encore beaucoup de chemin a faire et pour y arriver il faut serrer les dents et continuer ce qui a ete commence. Bon courage!
Pierre Hadjigeorgiou
07 h 08, le 03 décembre 2012