La justice pakistanaise a abandonné mardi les charges contre Rimsha, cette jeune chrétienne accusée d'avoir brûlé des versets du Coran, un crime passible de la prison à vie dans ce pays musulman, et dont le sort avait suscité une vive émotion à travers le monde.
Le Haut tribunal d'Islamabad a décidé "une fin de non-recevoir" face aux accusations contre Rimsha, a déclaré à l'AFP Akmal Bhatti, un des avocats de la jeune chrétienne arrêtée à la mi-août et libérée sous caution en septembre après trois semaines de détention dans une prison pour adultes.
L'avocat de son accusateur a toutefois prévenu mardi qu'il allait interjeter appel dans cette affaire. "Nous sommes prêts à aller jusqu'à la Cour suprême", a dit Me Rao Abdur Raheem.
Rimsha, une jeune fille illettrée, âgée d'environ 14 ans selon des médecins qui l'ont examinée, avait été accusée par des voisins d'avoir brûlé des pages d'un manuel d'introduction au Coran sur lesquelles étaient écrits des versets du texte sacré de l'islam, un crime passible de la prison à vie.
"Nous avons plaidé au tribunal qu'il n'y avait aucun témoin ayant vu Rimsha brûler" des versets du Coran, a souligné l'avocat de la jeune fille, ajoutant que la défense avait notamment fait valoir son jeune âge et son analphabétisme.
Le mois dernier, la justice pakistanaise avait libéré sous caution l'imam de la mosquée voisine de la maison de Rimsha, accusé par les autorités d'avoir lui-même introduit des pages du Coran dans les cendres de feuilles brûlées dans l'espoir "d'expulser" les chrétiens du quartier.
Dans le quartier de Mehrabad, et dans des cercles ultra-conservateurs, de nombreuses personnes soutiennent l'imam, et ce malgré l'appui du Conseil des oulémas du Pakistan, un organisme représentant des dizaines d'associations musulmanes, à la jeune chrétienne.
La loi pakistanaise sur le blasphème, accusée par les libéraux d'être instrumentalisée pour régler des conflits personnels et défendue bec et ongles par les musulmans radicaux, prévoit jusqu'à la peine de mort pour les personnes dénigrant le prophète Mahomet et la prison à vie pour quiconque brûle le Coran.
Les autorités n'ont toutefois jamais exécuté une personne condamnée à la peine de mort en vertu de cette loi qui demeure très sensible au Pakistan, pays à 97% musulman en proie à une montée en puissance du fondamentalisme religieux.
"Cette décision historique va dissuader les gens de proférer de fausses accusations les uns contre les autres", a commenté à l'AFP Paul Bhatti, ministre de l'Harmonie nationale, responsable des relations entre la majorité musulmane sunnite et les minorités, notamment chrétiennes.
"Cette décision enverra aussi une image positive du Pakistan à l'étranger, que la loi s'applique à tous sans discrimination et que la société s'est levée pour défendre la justice et la tolérance", a ajouté M. Bhatti, dont le frère Shahbaz, alors ministre des minorités, avait été assassiné l'an dernier après avoir suggéré une réforme de cette loi.
L'abandon des charges contre Rimsha ne signifie pas un retour à une vie normale dans la modeste demeure familiale du quartier pauvre de Mehrabad, en périphérie d'Islamabad, pour l'adolescente : des menaces pèsent toujours sur elle et sa famille.
"J'ai peur que des gens nous tuent", avait déclaré par téléphone Rimsha Masih à la chaîne américaine CNN quelques jours après sa libération sous caution, affirmant toutefois vouloir demeurer au Pakistan.
La famille Masih restera-t-elle en résidence surveillée? Tentera-t-elle de refaire sa vie ailleurs dans le pays? Choisira-t-elle l'exil en partant à l'étranger? Ces questions demeurent sans réponse peu après la décision d'un tribunal d'Islamabad.
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commentaires (4)
HEUREUSEMENT ! Tant mieux pour cette petite fille.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
05 h 12, le 20 novembre 2012