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À La Une - Présidentielle américaine

Romney doit mieux faire pour battre Obama

Le candidat républicain à la Maison-Blanche souffre d’un lourd handicap d’identité et de leadership, qu’il devra impérativement surmonter s’il veut être élu le 6 novembre prochain face à son adversaire démocrate, le chef de l’État sortant.

Au terme de primaires fortement médiatisées et gagnées de haute lutte, Mitt Romney a été adoubé à la convention républicaine de Tampa (État de Floride) en tant que candidat de son parti à la Maison-Blanche. Quels sont ses avantages face au président démocrate sortant Barack Obama (candidat d’office de son parti)? Quelle influence auront les néoconservateurs et le Tea Party sur la suite de sa campagne? Le bilan des années George W. Bush plombera-t-il son élection? Les démocrates l’espèrent du moins, alors que les républicains eux-mêmes le redoutent. Quels seront donc les défis que devra relever Romney afin de s’assurer d’être le prochain occupant du bureau Ovale?


Les experts et analystes interrogés sur la question sont unanimes: Romney souffre d’une image médiatique peu reluisante auprès de l’opinion publique ainsi que d’un manque de confiance au sein même de son propre parti, qu’il devra impérativement améliorer et surmonter s’il veut être élu en novembre prochain.


Pour Nicholas Dungan (senior fellow à l’Atlantic council – Washington DC et senior advisor à l’Institut des relations internationales et stratégiques – IRIS, basé à Paris), les deux principaux défis de Romney sont de pouvoir montrer qu’il est doté d’une personnalité chaleureuse et qu’il a élaboré un programme cohérent. «Dire qu’il a géré une entreprise qui a gagné beaucoup d’argent ne suffira pas jusqu’en novembre», estime M. Dungan.
«Pour l’instant, sur le fond, Mitt Romney se trouve dans l’ombre de Paul Ryan (son colistier) dont les idées politiques sont claires, même si elles sont également détestables aux yeux de certains, dit l’expert. La médiatisation des primaires républicaines joue autant contre Romney que pour lui, car après tous ces mois devant le public américain celui-ci n’arrive toujours pas à savoir qui est Mitt Romney. La convention républicaine devait donc servir à éclaircir le public sur le personnage», déclare encore M. Dungan, ajoutant: «Mais si Romney en sort aussi peu saisissable et aussi peu séduisant, la convention aura aussi joué contre lui.»


De son côté, François de Chantal (maître de conférence à l’université de Bourgogne et codirecteur de la revue Politique américaine) assure que la médiatisation des primaires républicaines vient surtout des démocrates. Selon lui, ces derniers ont profité de l’été, «une période cruciale pendant la campagne électorale car les identités des candidats se fixent», pour intensifier la bataille et véhiculer leur propre message en dépeignant une caricature de Romney. «Ils ont pris l’initiative, présentant Romney comme le candidat des riches, jouant sur son peu de charisme et pointant le fait qu’il n’a pas l’étoffe d’un dirigeant, dit-il. L’enjeu pour les républicains au cours de la convention de Tampa était précisément de redéfinir l’image médiatique de leur candidat. Ils ont cherché à humaniser Romney pour que le public ait de lui une meilleure opinion», affirme l’analyste.


Pour sa part, Roberto De Primis (spécialiste de politique américaine et fondateur de la plate-forme Internet www.usa2012.eu) estime que rien ne va comme il le faudrait chez les républicains. «Voyez l’ouragan Isaac qui a menacé la tenue de la convention. Il a fallu reporter le début de celle-ci d’un jour. Je sais que je grossis le trait, mais souvent ce genre de symbole peut donner une idée des difficultés encourues, dit-il. Qu’il soit bien clair que les sondages deviennent toujours serrés autour des conventions», ajoute-t-il, commentant les enquêtes d’opinion qui donnent les candidats au
coude-à-coude.


«C’est un moment-clé (...). Ces grands-messes servent à médiatiser à outrance le parti, ses membres, ses étoiles montantes (...). Une couverture totale est ainsi assurée par tous les médias. Les républicains ouvrant le bal, il est normal qu’ils reviennent dans les sondages», affirme l’analyste, qui insiste encore une fois sur les problèmes et divisions dont pâtissent les républicains.


Parlant du candidat lui-même, l’expert déclare: «Romney demeure insaisissable et même indéchiffrable. Il est porteur de tant de paradoxes, tellement diplomate, peu tranché sur certains dossiers qu’il en devient difficilement aimable. Il a de multiples facettes: homme d’affaires, homme politique, il joue aussi énormément sur les valeurs de la famille et le montre à outrance. À la base modéré, il s’est transformé en ultraconservateur pour prendre le dessus sur ses adversaires lors des primaires.»
Par ailleurs, figé dans une posture de communiquant terne et distant, bien qu’il ait un sourire hollywoodien, Romney doit à tout prix changer d’image et plaire à l’électorat, mais il est loin d’y être, ajoute M. De Primis. Et puis, Romney c’est aussi une incompréhension face à certaines attitudes. Il est mormon et sa religion interdit, entre autres, les jeux de hasard. Or parmi ses partisans on retrouve Sheldon Adelson, magnat des casinos de Las Vegas qui a créé un comité de soutien et a versé 10 millions de dollars à sa campagne. Comment un mormon s’allie-t-il à un patron de casino? L’argent est certes fondamental dans la campagne, mais c’est une marque de divergence face aux valeurs mêmes de sa religion, et la question pourrait être soulevée à tout moment.

L’influence du Tea Party
L’analyste poursuit: «L’influence du Tea Party existe bel et bien au sein du camp républicain. Le choix de Paul Ryan comme colistier par Mitt Romney en est l’exemple, puisqu’il est l’une des figures montantes du Tea Party. Ce choix est aussi une tentative de positionner les problèmes budgétaires et économiques au centre du débat électoral. Quoi de plus normal, quand on sait que Ryan est le président de l’influente commission des Finances à la Chambre des représentants.»
D’autres dossiers, comme l’immigration, vont également transparaître avant le 6 novembre, déclare aussi M. De Primis. «L’immigration est en train d’écrire le prochain chapitre de l’histoire des États-Unis et de leur peuplement. On assiste à un net déclin de l’Amérique blanche, anglo-saxonne et protestante (taux de natalité fortement en baisse)», assure-t-il.
Pour sa part, M. de Chantal confirme que Romney a un problème de relation avec le Parti républicain. «Il manque de soutiens et sa candidature ne fait pas l’unanimité. Maintenant, l’essentiel pour lui est de réunir le parti autour de sa personne. Dans cette perspective, le choix de Paul Ryan comme colistier est déterminant. Considéré comme leur héros par les républicains, Ryan était l’option judicieuse pour convaincre et rallier la base du parti car il représente aux yeux de tous l’avenir», assure l’expert.


En outre, selon lui, Ryan incarne parfaitement le conservatisme fiscal qui est au cœur du Tea Party. Toutefois, poursuit-il, Romney est dans une position encore délicate et il va devoir continuer à donner des gages pour s’assurer des soutiens. Autre problème pour le candidat, assure l’analyste: son appartenance religieuse. Il est mormon. Pour les chrétiens fondamentalistes du parti, c’est un sacrilège.
«C’est le Parti républicain qui, depuis une génération, s’érige en parti des idées et celles-ci sont devenues de plus en plus radicales », poursuit pour sa part Nicholas Dungan. D’après lui, pour gagner cette élection, Romney doit s’emparer à la fois de la droite assez extrême qu’est le Tea Party et des centristes. «Choisir Ryan comme colistier devrait plaire aux néoconservateurs et ainsi permettre à Romney de lever beaucoup d’argent, venu de certains hommes d’affaires qui le soutiennent au moyen des super-PACs (Political Action Committees). Mais c’est courir le risque de rebuter les centristes en novembre», juge l’analyste.

Le poids de Bush
Il ajoute aussi que Romney pourra, à titre personnel, se distancer de l’administration Bush. «Mais pour le Parti républicain, c’est plus difficile», insiste-il.
Concernant George W. Bush, «vous remarquerez qu’on ne parle plus de lui et qu’il était le grand absent de cette grand-messe». «Le Parti républicain n’est plus à l’image des années Bush et Romney était, sans nul doute, soulagé de ne pas avoir l’impopulaire ex-président à ses côtés à la convention; alors qu’un Ronald Reagan eut été mieux perçu, mais il n’est malheureusement plus des nôtres», affirme en outre Roberto De Primis, ajoutant que le bilan des années Bush ne devrait pas nécessairement handicaper Romney.


Parallèlement, «les démocrates font volontiers l’association avec George W. Bush pour couler Romney», affirme de son côté M. de Chantal. Toutefois, ajoute l’analyste, «la préoccupation première de l’opinion porte sur l’économie, la reprise de l’emploi, surtout, et Romney parie précisément sur ces préoccupations pour éviter d’être associé à Bush. Il se présente comme le candidat de la situation, tablant sur son passé d’homme d’affaires. Mais il n’en reste pas moins que le bilan de Bush pourrait, effectivement, le handicaper».


«Je me permets de relativiser la force des républicains, déclare aussi l’expert. Depuis l’avènement d’Obama, les républicains sont dans une position délicate. Ils manquent de personnes capables d’assumer un véritable leadership. Cela se sentait déjà depuis le départ de Ronald Reagan. Il existe bien sûr une kyrielle d’individus, à l’instar d’une Sarah Palin où d’un Paul Ryan, mais qui ne sont finalement que des seconds couteaux. Ils n’ont pas la stature de futurs dirigeants, n’ont aucun projet. Pour les républicains, cela constitue un réel problème pour l’avenir», estime M. de Chantal.
Et concernant le dossier de la politique étrangère, M. De Primis rappelle que «tout comme Obama en 2008, Romney n’a pas d’expérience internationale». «Le candidat républicain tient à démontrer qu’il est capable de redorer le blason américain à l’étranger, alors qu’Obama s’est trompé d’allié et de stratégie géopolitique. Toutefois, Romney manque de ligne directrice. Il agit en réponse aux actions du président en exercice, sans démontrer le moindre leadership. Ce même leadership dont Obama jouissait en 2008 et qui avait fait pencher la balance en sa faveur», dit-il, poursuivant: «Il faut observer comment Romney a tenté de ne plus avoir qu’un seul discours en ne critiquant Obama que sur l’emploi, l’économie et sa politique nationale. Il a ainsi effectué un déplacement à l’étranger afin de démontrer sa stature internationale, se rendant en Grande-Bretagne, en Pologne et en Israël. À cet égard, cette tournée de Romney à l’étranger a été profondément manichéenne. En d’autres termes, les fervents partisans de la politique de George W. Bush seraient amoureux des positions de Romney : une vision du monde entre ami et ennemi.»


En conclusion, Roberto De Primis déclare: «Sarcastiquement parlant, j’aurais tendance à dire que les électeurs américains choisiront le moins incertain des deux. Et à l’heure actuelle, c’est bien Obama!»

 

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