« C’est suite à un appel téléphonique nous alertant de la présence d’un centre d’élevage abandonné que nous nous sommes rendus sur place. Un spectacle effarant nous attendait dans une atmosphère suffocante de puanteur. Des chiens prisonniers, attachés à des troncs d’arbre, morts faute d’eau et de nourriture, les autres ayant survécu en se nourrissant de leurs carcasses putrides », nous confie Mona Khoury, cofondatrice de l’organisation BETA (Beirut for Ethical Treatment of Animals) qui agit sur le terrain en faveur des animaux depuis 2004. Des images poignantes mises en ligne par l’association témoignent des conditions atroces dans lesquelles le propriétaire du centre d’élevage a laissé ces quelque trente chiens mourir.
« Nous n’avons pu en sauver que dix, tous anémiques et en très mauvais état de santé. Ils ont été pris en charge par l’association et traités par nos vétérinaires collaborateurs. Nous avons tenté de contacter la municipalité de Beit-Chaar, sous la juridiction de laquelle se trouve le site, sans obtenir de réponse. Malheureusement, cette affaire est loin d’être un cas isolé et toutes les municipalités font preuve de la même indifférence envers les centres d’élevage qui pullulent sur le territoire libanais », explique Mona Khoury. Selon elle, l’élevage anarchique et non réglementé d’animaux domestiques, business aussi cruel que lucratif, « est une menace à la santé publique envers laquelle les autorités et les habitants montrent une négligence effarante ». « Normalement, ces établissements, responsables de nuisances, devraient être soumis à l’autorisation des municipalités, qui bénéficient de l’autonomie et de l’autorité nécessaires pour régler ce genre de problèmes », souligne-t-elle.
Les municipalités, toujours elles, sont les principales incriminées par notre interlocutrice, bouillonnant de colère à l’évocation des procédés archaïques mis en œuvre pour lutter contre le danger des chiens errants : « Les agents des municipalités font preuve d’un zèle frôlant le sadisme lorsqu’il s’agit d’abattre un chien errant ou de confisquer à ses maîtres un chien dont le voisinage se serait plaint, mais plus personne ne s’ocupe dès qu’il faut résoudre le véritable problème que sont les centres d’élevage. »
À la suite de la découverte du centre d’élevage de Beit-Chaar, l’organisation BETA a mis en ligne une pétition adressée au ministre de l’Intérieur afin de faire pression sur les municipalités et dans l’espoir qu’un ordre ministériel les pousse à assumer leurs responsabilités. Cette pétition est disponible sur le site de l’association, à partir duquel il est aussi possible de faire des dons. « Il est crucial que les éleveurs de chiens soient soumis à un contrôle stricte et qu’ils respectent certains standards, comme c’est le cas dans les pays occidentaux », rappelle Mona Khoury.
BETA compte aussi entreprendre des poursuites judiciaires contre le propriétaire du centre d’élevage pour atteinte à la santé publique, mais également pour mauvais traitement d’animaux domestiques, selon l’article 762 du code pénal qui prévoit une amende de 20 000 LL à ceux qui s’en rendent coupables. Malgré le montant dérisoire, un jugement en faveur de BETA serait déjà une première victoire importante face à l’irresponsabilité des institutions et l’inconscience des populations civiles. En attendant, l’association continue de pratiquer ses missions de secours ponctuelles envers les animaux en danger et espère sensibiliser la société civile à la cause animale malgré l’indifférence obstinée d’une grande partie de la population. Car, dans un pays aux prises avec des problèmes politiques complexes, sujet à une insécurité permanente et qui subissait, il y a deux décennies encore, les affres de la guerre civile, évoquer la cause animale peut faire sourire. Une population qui côtoie quasi quotidiennement la violence armée, ou la menace de celle-ci, peut ne pas se sentir le courage de défendre, comme le font les Occidentaux, une cause qui lui semble dérisoire. Cependant, les revendications de BETA sont loin d’être marginales. Elles relèvent, au contraire, du civisme le plus élémentaire, le plus nécessaire à l’édification d’une société responsable apte à relever les défis que lui posent les remous de la région ; civisme qui exige de ne pas laisser agoniser des animaux dans l’indifférence générale ou, du moins, de se sentir concerné par la salubrité de son quartier.
commentaires (2)
A trouver les responsables et à les enfermer dans une étable sans aliments et sans eau et les laisser crever comme ces pauvres animaux, car ils sont des Anthropoïdes et non des humains.
SAKR LEBNAN
11 h 46, le 15 août 2012