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À La Une - Liban

Michel Samaha aujourd’hui devant le tribunal militaire

C’est aujourd’hui que les Libanais pourront connaître les premiers aboutissements de l’enquête préliminaire.

Selon les enquêteurs, le dossier contre l'ancien ministre libanais Michel Samaha est accablant. REUTERS/Mohamed Azakir/Files 

Si les éléments auxquels sont parvenus les services de renseignements des FSI, chargés à ce stade d’interroger le suspect, sont accablants, le suspect et l’enquête seront déférés aujourd’hui devant le tribunal militaire, qui entamera lui-même l’instruction. L’enquête préliminaire, qui n’a presque plus rien de secret à ce stade, s’est poursuivie hier, toujours sous la supervision quasi continue du procureur général par intérim, le juge Samir Hammoud, afin de donner le plus de crédibilité possible à un interrogatoire effectué par un service sécuritaire qui suscite beaucoup de critiques, notamment au sein du 8 Mars.
À ce stade, et à la lumière des éléments qui en ressortent, tout indique que l’affaire se dirige inéluctablement vers la justice militaire et que M. Samaha a très peu de chances d’être libéré. C’est aujourd’hui, probablement vers midi, que les FSI devront en principe transférer le dossier devant le parquet militaire pour suivre l’affaire, l’enquête ayant été pratiquement terminée dès hier soir. La matinée sera consacrée au procès-verbal et à la procédure de transfert du dossier.

Les détails de l’enquête
Dans les coulisses de l’enquête, on apprenait ainsi que M. Samaha est immédiatement passé aux aveux, reconnaissant la majorité des faits qui lui sont imputés, du fait de l’existence de preuves filmées que l’ancien ministre proche du pouvoir syrien n’a pu réfuter.
Selon les sources proches de l’investigation, l’affaire a commencé lorsque M. Samaha, un fervent allié du régime de Bachar et ami personnel du chef de l’État syrien, a été chargé par un haut responsable des services de renseignements syrien, Ali Mamlouk, de planifier, gérer et superviser l’exécution d’une série d’attentats à caractère confessionnel destinés à déstabiliser le pays aux fins d’alléger la pression sur le pouvoir à Damas découlant de sa guerre ouverte contre la rébellion. Ce plan, selon les mêmes sources, visait à susciter une discorde sunnito-chiite dans la région du Akkar, suite à l’explosion de bombes placées à divers endroits lors de plusieurs cérémonies d’iftars, de manière à susciter une réaction violente chez les sunnites qui s’en prendraient alors aux villages alaouites minoritaires dans la localité. Un prélude à une réaction en chaîne qui finirait par enflammer le pays.
Selon la source en question, les tracts distribués il y a quelques semaines dans certaines églises du Nord, visaient le même objectif et sont commandités par les mêmes agents, à savoir par les services de renseignements syriens.
Une fois les directives reçues, ajoutent ces sources, Michel Samaha a enrôlé un homme de la famille Kfoury, ami de longue date, pour exécuter la besogne, et lui a promis la somme de 170 000 dollars pour s’acquitter de sa mission, somme qui aurait été retrouvée au domicile de Samaha, selon des informations de presse. Ces faits, selon les enquêteurs remontent à plus de trois semaines.

L’agent double...
« Pris de panique par l’ampleur de la mission dont il est chargé », l’individu enrôlé par M. Samaha se rend donc chez les Forces de sécurité intérieure, « qui vraisemblablement lui inspiraient plus confiance » que les services de renseignements de l’armée, précise la source en réponse à une question sur le choix d’un service sécuritaire connu pour ses sympathies politiques.
Certes, reconnaît le responsable sécuritaire, il est tout à fait légitime de se demander par ailleurs pourquoi M. Samaha, fin stratège et rodé aux subtilités du monde politico-sécuritaire, enrôlerait un agent qui ne partage pas ses opinions politiques. Mais l’énigme reste entière sur ce plan, et ne peut s’expliquer que par le fait que l’ancien ministre, « qui est connu pour son expertise politique plutôt que sécuritaire, a commis une grave erreur tactique », répond la source.


Une fois qu’il s’est confié aux FSI, qui à leur tour ont prévenu le procureur Saïd Mirza (qui n’était pas encore parti à la retraite), l’agent accepte de jouer le jeu jusqu’au bout, en se chargeant d’apporter les preuves inculpant le commanditaire. En contrepartie M. Kfouri devait recevoir des assurances fermes sur sa sécurité et celle de sa famille et des promesses que son départ du pays et son installation à l’étranger seraient facilités par les autorités.
C’est dans ce contexte qu’il filmera, à l’aide d’un bouton de veste servant de caméra cachée, la remise, par M. Samaha, des explosifs, dans le parking de l’appartement de l’ex-ministre à Achrafieh. Cela a eu lieu deux jours avant l’arrestation de l’ancien ministre à Jouar près de Konchara, lieu de sa résidence secondaire.
Sur une photo brandie par la source sécuritaire, ajoute la source, apparaissaient clairement les explosifs destinés aux opérations planifiées. En tout, vingt-quatre charges, dont quatre contenues dans des bonbonnes à gaz, et 20 autres de forme circulaire. À leur côté, une série de commandes servant de détonateurs.

Des peuves communiquées au Hezbollah...
Prié de dire comment il explique le fait qu’un homme de l’envergure de Michel Samaha qui est de surcroît un intellectuel et un activiste politique a été enrôlé par les Syriens, qui auraient pu plutôt puiser dans leur vivier libanais, et choisir quelqu’un de plus rodé aux opérations sécuritaires, le responsable répond, en citant les propos d’un ancien militaire libanais, qu’« il existe deux régimes dans la région qui sont passés maîtres en matière de conversion d’hommes politiques en agents sécuritaires. Ce sont la Syrie et Israël ».
Sur le plan procédural, et en attendant les premières conclusions de l’affaire sur le fond, il reste que la manière dont le responsable politique a été arrêté et qui a été contestée par plusieurs responsables du 8 Mars (mais sans contester le fond pour le moment) continue de susciter le courroux parmi les sympathisants de l’ancien ministre. À cela, les sources proches de l’enquête répondent qu’il y a effectivement eu une « bévue », et que son arrestation aurait du se faire plus élégamment. « Toutefois, il faut comprendre que dans ce type d’opérations, et face à un dossier aussi grave, les unités des FSI sont tendues et excitées, ce qui explique, sans nécessairement le justifier, leur comportement », affirme la source qui refuse cependant d’y voir un parallèle avec l’arrestation du salafiste Chadi Mawlawi, par la Sûreté générale à Tripoli.


Interrogée enfin sur les propos du député du Hezbollah, Mohammad Raad, qui avait parlé de « machinations sécuritaires », la source affirme que les propos de M. Raad illustrent une « réaction impulsive, et n’expriment en aucun cas l’avis du Hezbollah ». « Attaché qu’il est à la paix civile, et rejetant fermement toute opération visant à la discorde dans le pays, le parti chiite ne saurait avaliser ou couvrir de telles opérations ». La réponse précise viendra plus tard en soirée, lorsqu’une autre source autorisée affirme à L’Orient-Le jour que le Hezbollah a laissé clairement entendre aux FSI que « le parti chiite ne cautionne pas ce que M. Raad a dit » et qu’il attend le développement de l’enquête avant de se prononcer. D’ailleurs des éléments « probants » de l’enquête auraient été communiqués aux hauts responsables du Hezbollah, toujours selon la source.


À noter que parallèlement, le ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui, s’est entretenu avec le chef du gouvernement, Nagib Mikati, qui lui a demandé de donner instruction au parquet de « continuer à superviser l’enquête et de la terminer pour pouvoir transférer le dossier, selon la procédure, aux tribunaux compétents ». Le directeur des FSI, le général Achraf Rifi, s’est également rendu hier chez le Premier ministre, pour l’informer de la teneur du dossier. Nagib Mikati a également reçu le procureur général par intérim qui supervise personnellement l’enquête, le juge Samir Hammoud, qui l’a informé des derniers détails de l’affaire.
Michel Samaha, selon cette source autorisée, sera déféré aujourd’hui devant le tribunal militaire.

 

L'éclairage de Scarlett Haddad

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