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À La Une - Conflit

El-Assir pourrait mettre fin à son sit-in, à la lumière du discours de Sleiman aujourd’hui

Rencontre avec le cheikh salafiste dans son bunker 5 étoiles, à Saïda.

Cheikh Ahmad el-Assir au cours d'une manifestation à Saïda.

Dès l’entrée dans le camp de protestation improvisé sur l’autoroute de Saïda, cheikh Ahmad el-Assir annonce son credo : interdiction du port d’armes, de recourir à un discours confessionnel, de s’en prendre aux médias, de déranger les voisins, de s’attaquer aux propriétés d’autrui. Voici quelques-unes des règles principales qui accueillent, sur un gigantesque panneau, les visiteurs du rassemblement du cheikh salafiste qui a tenu à rappeler d’emblée l’approche pacifiste de son mouvement de contestation.


Mobilisé depuis plusieurs semaines pour défendre ce qu’il considère être « une juste cause (le rejet des armes du Hezbollah), réclamée par nombre de Libanais toutes communautés confondues », cheikh el-Assir affirme devant les journalistes qu’il y a une forte chance qu’une solution émerge dans les jours qui viennent, d’autant que les responsables politiques « ont été mis au pied du mur et se trouvent de plus en plus dans une situation inextricable », dit-il.


En dépit de sa façade bon enfant, le prédicateur religieux aura bel et bien réussi à transformer le mouvement qu’il parraine en une véritable force de pression, assez influente en tous les cas pour attirer l’attention des objectifs des caméras et commencer à préoccuper sérieusement la classe politique dans son ensemble.


Aujourd’hui, il est devenu la star du boulevard occupé de Saïda, du moins le périmètre sur lequel il sévit, tout en incarnant l’aspiration d’un certain nombre de Libanais qui n’en peuvent plus du fait des privilèges du Hezbollah et qui exultent à chacune de ses apparitions.


Au départ, ce dignitaire religieux, au look plutôt débonnaire pour un islamiste du genre, avait tout juste réussi à arracher quelques sourires amusés à ceux qui l’entendaient dire qu’il voulait faire face à Hassan Nasrallah et à son arsenal. Aujourd’hui, les sourires se sont effacés pour faire place à une inquiétude alors que se prolonge son mouvement, entraînant des conséquences plus que fâcheuses sur le plan de l’économie et de la coexistence de la ville, et faisant planer des risques sécuritaires énormes sur tout l’entourage de ce lieu névralgique, situé à l’entrée des camps palestiniens et à la porte du Sud.


C’est ce qui explique d’ailleurs le défilé continu des médiateurs dans le camp depuis plusieurs jours et les efforts déployés pour trouver une issue à cette crise, qui serait « acceptable et honorable pour tout le monde » et à travers laquelle toutes les parties en cause sortiraient gagnantes. En bref, une solution à la libanaise.


En tous les cas, à voir la logistique sur place, tout laisse à croire que le mouvement était à l’origine fait pour durer encore quelque temps : sur un espace de près de 500 mètres carrés, une rangée de petites tentes multicolores s’égrène tout au long de l’autoroute, trônant aux côtés d’une immense tente ouverte sur les côtés et tapissée de nattes de paille. Celle-ci sert de mosquée, de salle à manger et de lieu de rassemblement pour les leçons de religion. Certains y passent même la nuit, lorsque manquent tout autour les places pour dormir.


Un peu plus en retrait, la tente réservée aux femmes est plus sobre. La consigne est claire : aucun mélange des sexes n’est permis sur les lieux. D’ailleurs, les femmes se font assez discrètes.


En termes de confort, rien se semble manquer ici, loin de là. Installé dans une dizaine de containers flambant neufs qui servent de logis et de lieux de réunion pour plusieurs des protestataires, l’air conditionné fonctionne à plein régime, ainsi que les réfrigérateurs, dont sortent régulièrement des boissons glacées offertes aux visiteurs.


Un peu partout, des ventilateurs géants rafraîchissent l’air et adoucissent la chaleur étouffante de cette fin de mois de juillet. De quoi faire envier les milliers de Libanais qui se plaignent de la pénurie du courant, lequel, bizarrement, ne semblait pas manquer hier dans le camp de la protestation.


Tout, absolument tout, se fait sur place et les quatre cents sympathisants du dignitaire sunnite mènent une vie quasiment « normale » sur le boulevard. Devenu bien rodé aux techniques de marketing et soignant jusque dans les détails son image médiatique, cheikh el-Assir a été jusqu’à installer une « clinique de campagne », entièrement aseptisée et climatisée, pour permettre à l’une de ses partisanes d’y accoucher. Son bébé devrait naître dans les jours qui viennent avec l’aide d’un gynécologue et d’une sage-femme dépêchés sur les lieux pour la circonstance. Ainsi, le personnage aura fait jusqu’au bout dans le « m’as-tu vu », tout en brandissant la symbolique politique de ses initiatives devant ses partisans, à qui il prêche tous les soirs depuis le début du ramadan.


Visiblement très affairés par la série de rendez-vous que doit honorer leur chef, ses gardes du corps organisent énergétiquement la logistique, de manière à contenter tous ceux qui sont à l’affût des dernières nouvelles des médiations en cours.


Avec son éternel sourire et son calme presque désarmant, cheikh el-Assir nous reçoit dans son bunker 5 étoiles, pour une entrevue express. Assis confortablement en position de lotus, il nous invite à prendre place sur des fauteuils en cuir, qu’il a vraisemblablement fait venir spécialement de chez lui. Même le réfrigérateur trouve sa place sur ce vingt mètres carrés où dormait encore un des protestataires.


Réfutant toutes les rumeurs sur un éventuel démantèlement prochain de son sit-in, le dignitaire sunnite réitère, d’un ton ferme, les conditions pour suspendre son mouvement : en priorité, la question des armes du Hezbollah sur lesquelles il affirme s’attendre à un engagement ferme de la part du chef de l’État ou du Premier ministre, corroboré d’une garantie obtenue auprès du parti chiite pour placer la discussion à l’ordre du jour de la table de dialogue.


« Même si le débat sur les armes devait prendre plusieurs années, j’attendrais patiemment en surveillant le déroulement des discussions. Mais il faudrait que je sois convaincu que le débat sera sérieux et qu’il se fera en présence d’experts militaires et stratégiques », dit-il. « Parmi toutes les médiations en cours – celle initiée par les forces palestiniennes islamistes, la réunion tenue secrète avec Ahmad Hariri, l’intervention des salafistes de Tripoli sollicitée dès le départ par le ministre de l’Intérieur –, seul le concours du chef de l’État pourra couronner tous ces efforts », souligne-t-il.


Ce qu’il réclame de ce dernier, « en qui j’ai personnellement une confiance totale », c’est qu’il puisse lui assurer que le Hezbollah a effectivement convenu de placer ses armes à la table de dialogue. D’autres conditions ont également été avancées par le prédicateur pour suspendre son mouvement : la protection de ses partisans après coup, la protection de sa mosquée devenue la cible d’attaques depuis quelque temps et la libération d’un des leurs, Ahmad Baba, 19 ans, injustement arrêté pour faire pression sur lui, comme il dit.


Sans trop s’avancer sur la teneur des pourparlers en cours et refusant de divulguer la moindre information sur son tête-à-tête avec le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad el-Assir laisse entendre qu’une issue pourrait être trouvée très prochainement. La réponse viendra peut-être aujourd’hui de la bouche du président de la République, à l’occasion du discours qu’il doit prononcer pour la fête de l’Armée.

Dès l’entrée dans le camp de protestation improvisé sur l’autoroute de Saïda, cheikh Ahmad el-Assir annonce son credo : interdiction du port d’armes, de recourir à un discours confessionnel, de s’en prendre aux médias, de déranger les voisins, de s’attaquer aux propriétés d’autrui. Voici quelques-unes des règles principales qui accueillent, sur un gigantesque panneau, les...

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