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Libye : Le scrutin de tous les espoirs

Et si les quarante-deux années de pouvoir kadhafiste avaient contribué pour beaucoup à fausser l’ image que nous avions de la Libye ? La preuve : ce ne sont pas les islamistes qui ont remporté les législatives de samedi mais une formation conduite par un homme qui conteste leur autorité et leur enseignement, qui proclame : « Se croient-ils plus musulmans que nous ? » Et qui, à la face de ceux-là qui prétendent instaurer le règne de la charia, lance, comme en un défi : « Notre grande religion ne saurait être utilisée à des fins politiciennes ; elle est bien plus importante que cela. » Il fallait oser, Mahmoud Jibril l’a fait. Et avec succès, comme le prouvent les premiers résultats sortis des urnes.


Un doctorat en sciences politiques obtenu à l’Université de Pittsburgh puis des années d’enseignement toujours aux États-Unis ; la présidence du Conseil national du plan puis celle du Fonds de développement économique ; enfin une réputation de protégé de Seif el-Islam Kadhafi : quoi d’étonnant si le parcours du dirigeant de l’Alliance des forces nationales (une nébuleuse hétéroclite qui regroupe non moins d’une quarantaine de formations) en intrigue plus d’un. Ajoutons pour corriger quelque peu cette image que l’homme fut, le moment venu, l’un des tombeurs du tyran – « ce gamin fou », disait Anouar Sadate – avant de présider, entre le 5 mai et le 23 octobre 2011, le Conseil national de transition. L’électeur voit en lui « quelqu’un de pragmatique, qui connaît bien le monde des affaires et qui prêche la réconciliation ».


D’autres peuvent lui reprocher le fait qu’au plus fort du soulèvement populaire, il s’était consacré un peu trop à des contacts avec l’Occident au lieu de se préoccuper des besoins des régions libérées ou encore de refuser l’instauration d’un système basé sur la seule charia – l’islam, n’a-t-il pas craint de décréter un jour, doit constituer l’une des bases de la législation mais certainement pas la seule. Contre la peur de voir se perpétuer la violence qui continue de marquer la vie au quotidien des citoyens, contre le tribalisme qui plus que jamais régit leur vie, les appels des deux grandes formations religieuses, le parti de la Justice et de la Construction (Frères musulmans) et le Watan de Abdel Hakim Belhadj n’ont pu réunir qu’une chétive proportion de 20 pour cent des voix, de l’aveu même de Mohmammad Sawan, l’un des chefs de file du mouvement rigoriste. Ainsi, les partisans de Jibril mènent la course dans les grandes villes, à l’exception de Misrata la rebelle, qui s’est prononcée pour Abdel Rahman Soueheli, petit-fils du fondateur en 1918 de l’éphémère République de la Tripolitaine.


En définitive, c’est donc l’élément ethnique qui semble avoir été déterminant dans le choix des électeurs. Voilà pourquoi le leader de l’Alliance des forces nationales, qui appartient à la puissante tribu des Warfalla, forte d’un million de membres (la population de la Libye est estimée à quelque 6 millions), enlèverait la majorité des 80 sièges dévolus aux formations politiques, les 120 sièges restants devant revenir à des indépendants choisis parmi des milliers de candidats. À ceux-là reviendra la tâche de trancher entre les deux principaux rivaux, accusés l’un et l’autre d’avoir collaboré avec le précédent régime.


L’Assemblée, dont on devrait connaître la composition définitive en fin de semaine, aura pour principales missions le choix d’un gouvernement, l’élaboration d’une Constitution, enfin l’organisation l’an prochain de nouvelles législatives. Dans l’immédiat, priorité devra être donnée à la sécurité et à la reconstruction sur des bases équitables, ce dernier point représentant un défi de taille. En effet, la répartition des sièges dans le Parlement appelé à voir le jour pénalise fortement la riche région pétrolifère de la Cyrénaïque, qui n’obtient que 60 députés contre 100 à la Tripolitaine et 40 au Fezzan. On comprend dès lors la raison pour laquelle d’anciens combattants avaient choisi de s’attaquer aux installations pétrolières, principalement à Brega, Syrte et Ras Lanouf, dans une tentative visant à influer sur le cours de la consultation populaire. Il semble toutefois que la « guerre de l’or noir » n’aura pas lieu, un semblant d’accord étant intervenu qui, à ce jour, a prouvé qu’il pourrait tenir la route.


S’il se confirme que l’habile Jibril est appelé à sortir vainqueur de la confrontation pacifique qui vient de se tenir, la seconde depuis l’indépendance acquise en 1952, le pays pourrait s’engager sur la voie d’une unification qui jamais n’avait paru aussi proche.


Petit rappel : lors du scrutin de 1965, les partis politiques avaient été interdits. C’est dire l’importance du chemin parcouru depuis.

Et si les quarante-deux années de pouvoir kadhafiste avaient contribué pour beaucoup à fausser l’ image que nous avions de la Libye ? La preuve : ce ne sont pas les islamistes qui ont remporté les législatives de samedi mais une formation conduite par un homme qui conteste leur autorité et leur enseignement, qui proclame : « Se croient-ils plus musulmans que nous ? » Et qui, à la...

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