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À La Une - Société

Liban : Torturés, sanctionnés, punis, ces prisonniers qu’on oublie

Le Centre libanais des droits humains (CLDH), en plus de s’engager contre les disparitions forcées et la torture, milite pour les victimes de détentions arbitraires, qui concernent plus des deux tiers de la population carcérale au Liban.

« Non à la torture », disent tout haut les militants du CLDH. Photos CLDH

Il y a des réponses à certaines questions qu’on préfère parfois ne pas entendre. La torture au Liban en fait généralement partie. Alors qu’elle a lieu loin des regards, cela nous permet-il de la chasser des consciences ?

 

Généralement définie comme toute souffrance imposée à un tiers par un agent de l’État (ou avec son consentement) en dehors du cadre légitime de sa peine, la torture est bien évidemment interdite au Liban, mais elle est mal définie par une loi qui demeure incomplète. Selon Marie Daunay, présidente du CLDH, « l’article 47 du code pénal prévoit ainsi le droit de garder le silence ou celui d’appeler un médecin, et tout aveu arraché par la force doit être invalidé par le juge d’instruction.

 

Contrairement à ce qui est prévu dans la Convention internationale contre la torture (CAT), ratifiée par le Liban en 2000, la torture reste considérée comme un délit et non un crime au Liban ». De plus, le Liban a également ratifié en 2008 le protocole optionnel de la Convention (OPCAT), qui autorise les visites par un comité international des centres de détention et des prisons du pays. Néanmoins, la signature du protocole n’a pas encore été suivie de modifications de la loi libanaise qui permette l’application de la Convention et de son protocole optionnel.

 

En général, la pratique de la torture reste impunie, la dernière condamnation remontant à 2004. En attendant, le CLDH propose aux victimes de la torture, à la fois physique, mais aussi psychique quand il s’agit de détentions arbitraires abusives, un programme de réhabilitation au centre Nassim. Chaque année, plus de 70 victimes participent à ce programme.

Délinquance étatique
« Hormis les témoignages des victimes, il est difficile pour le CLDH de se rendre compte de l’étendue de la pratique de la torture. Elle est bien évidemment tenue loin des regards, notamment dans les sous-sols du ministère de la Défense que le CLDH n’a d’ailleurs pas encore eu l’autorisation de visiter », explique Marie Daunay.

 

À part le bâtiment « Maaloumat » de Roumieh, le CLDH a pu se rendre dans les 21 autres prisons libanaises. En plus de leurs conditions sanitaires déplorables, c’est surtout leur surpopulation que le CLDH pointe du doigt. Selon les autorités, la capacité des prisons libanaises est de 3 653 personnes. Le CLDH, lui, estime que cette capacité se limite à 2 714. Quant au nombre effectif de détenus, il s’élevait en 2009 à 5 324.


Selon Marie Daunay, « ces chiffres sont d’autant plus problématiques qu’environ 70 % de la population carcérale est victime de détention arbitraire. En effet, la majorité des détenus au Liban sont en attente de jugement, et la loi qui impose leur remise en liberté une fois la durée de la détention préventive dépassée n’est pas mise en application ».

 

En plus de reports réguliers des dates d’audiences devant les tribunaux, c’est surtout un manque d’assistance judicaire qui est responsable de la surpopulation carcérale. Libéré de prison en 2011 grâce à l’intervention du CLDH, Issam Attieh Saïd aurait dû en sortir 11 ans plus tôt. Estimant pouvoir libérer jusqu’à 200 cas de dépassement de peine par an, le CLDH espère pouvoir trouver les financements nécessaires afin de développer son programme d’assistance judiciaire dans les prisons.

Expulsés... vers les prisons
Un autre cas de préoccupation majeure du CLDH est celui du centre de rétention de la Sûreté générale, pour lequel d’ailleurs aucun règlement intérieur ne semble disponible. Au moins, on ne pourra pas se plaindre qu’il soit bafoué. La surpopulation de ce centre situé dans un sous-sol, secteur du Palais de justice, soulève encore une fois la question du dysfonctionnement des processus de demande d’asile ainsi que de gestion des étrangers en attente d’expulsion.

 

La Sûreté générale n’est en effet absolument pas en mesure d’accueillir la totalité de ces cas qu’elle place alors dans les prisons officielles. Demandeurs d’asile ou employées de maison ayant fui, pour la plupart, des conditions d’esclavage domestique, se retrouvent ainsi perdus pour une durée indéterminée et sans assistance au fond de l’infrastructure carcérale, y faisant augmenter le taux de dépassement de peine de 13 %, selon les chiffres du CLDH.


D’autres centres de détention qui échappent à tout contrôle juridique sont ceux aux mains de pouvoirs non officiels. Après avoir publié un rapport en février 2011 dénonçant des cas de tortures et de détentions arbitraires par le mouvement Amal, celui-ci porta plainte contre le CLDH pour « incitation aux dissensions sectaires ».

 

Pour Marie Daunay, cette accusation est non seulement peu crédible, puisque le CLDH « ne tape pas toujours sur les mêmes têtes » et insiste sur sa neutralité politique, mais également hypocrite puisqu’elle sert à renforcer la tradition qui veut qu’on accuse les autres pour tout ce qui va mal au Liban. La nécessité de garantir un minimum de dignité au système pénitentiaire libanais ne devrait-elle pas plutôt être une cause qui rassemble ?

Il y a des réponses à certaines questions qu’on préfère parfois ne pas entendre. La torture au Liban en fait généralement partie. Alors qu’elle a lieu loin des regards, cela nous permet-il de la chasser des consciences ?
 
Généralement définie comme toute souffrance imposée à un tiers par un agent de l’État (ou avec son consentement) en dehors du cadre légitime de sa peine, la...

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