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Liban - Interview

Le patriarche Hazim refuse de voir sa communauté « transformée en parti politique »

Dans un entretien accordé à « L’Orient-Le Jour », le patriarche grec-orthodoxe Ignace IV Hazim revient sur la situation de sa communauté au Liban, priant les hommes politiques « d’assumer leurs responsabilités ». Pour ce qui est de la Syrie, il affirme ne pas avoir de contact avec l’opposition et craindre « un avenir incertain ».

Le patriarche Ignace IV Hazim.

Le jeudi 27 octobre dernier s’achevait à Balamand le synode de l’Église grecque-orthodoxe sous la présidence du patriarche Ignace IV Hazim. Son communiqué final prenait acte « des épreuves des peuples et des collectivités de la région ». Prié de commenter ce communiqué, qui avait adopté un ton résolument favorable aux soulèvements populaires dans le monde arabe, selon les observateurs, le patriarche Hazim choisit de parler du Liban et de son système politique qui donne à toutes les communautés qui le constituent l’occasion de participer à la vie politique. « Pour moi, les communautés qui forment le Liban n’ont pas qu’une dimension religieuse, ce sont des constituants de l’État libanais, de son peuple, de sa réalité politique, dit-il. Si ce système nous accorde un nombre de sièges de députés et de ministres, nous avons alors une responsabilité à assumer. »
Le prélat s’adresse aux hommes politiques de sa communauté au Liban en ces termes : « À travers ces postes de responsabilité dans les institutions politiques et dans l’administration, vous devez nous aider parce que c’est votre travail d’hommes politiques. C’est à vous de faire en sorte qu’il n’y ait pas de reproches concernant les droits bafoués de la communauté. Que faites-vous, vous qui avez été élus à cette fin ? »
Est-il donc d’avis que le rôle de la communauté orthodoxe est en recul ? « Je pense que c’est un prétexte invoqué actuellement, comme s’il était naturel que notre communauté soit continuellement exposée à la non-reconnaissance de ses droits, dit-il. Nous pensons que ce n’est pas normal de réfléchir de la sorte, et nous avons beaucoup insisté sur ce point dernièrement. C’est notre devoir envers le Liban. »
Interrogé sur ses relations au sein de l’Église avec le métropolite de Beyrouth Élias Audi, réputé proche des forces du 14 Mars, le patriarche Hazim précise que « Mgr Audi est la personne que nous avons désignée pour être l’interlocuteur avec l’État libanais ». « Nous ne prenons pas position en politique, ajoute-t-il. Le métropolite de Beyrouth s’acquitte probablement de sa tâche de la manière qui lui semble opportune, mais il faut savoir que personne ne décide seul de la politique de la communauté. Et si quelqu’un doit le faire, c’est le patriarche à Damas. »
Une récente réunion a eu lieu au siège de l’archevêché de Beyrouth entre lui et le métropolite Audi, en présence des anciens ministres Fouad Boutros et Tarek Mitri. L’identité des présents signifie-t-elle qu’il appuie une certaine orientation politique de la communauté ? « Personnellement, je préfère que tous ceux qui ont été élus au nom de cette communauté soient unis dans la revendication de ses droits, non pas sur les orientations politiques qu’ils ont eux-mêmes choisies », dit-il.
À la question de savoir s’il est plus proche de la nouvelle opposition libanaise ou du camp au pouvoir, le patriarche refuse de prendre position par rapport à des personnes qu’il « ne connaît pas ». Il se garde également de commenter l’action du Rassemblement orthodoxe. « Nous sommes à égale distance de tous nos fils, insiste-t-il. Que personne ne nous demande de prendre des positions politiques. La communauté ne se transformera pas en un parti politique. » Il dément par ailleurs avoir proposé un nom pour le poste de mohafez de Beyrouth. « En tant qu’ecclésiastiques, nous ne nous ingérons pas dans les affaires politiques et administratives, précise-t-il. Nous sommes là pour rassembler et redresser les torts. »

« En trente ans, personne n’a contrôlé notre discours »
Sa présence régulière au Liban est-elle un indicateur d’un changement quelconque en Syrie ? « Non, cela n’a rien à voir, dit-il. Nous avons au Liban une présence indéniable. Je compte assurer un suivi afin que nous accomplissions pleinement notre rôle. »
A-t-il des craintes, comme d’autres, pour le sort des chrétiens en Syrie et dans le reste du monde arabe ? « Je n’ai pas peur, répond-il. En Syrie, nous sommes des Syriens et fiers de l’être, et nous sommes aussi concernés que d’autres par le sort du pays. Nous avons simplement peur de l’inconnu, de la perspective de voir ce pays sombrer dans un chaos provoqué par des personnes qui n’ont pas encore clarifié leurs intentions, leurs motivations et leurs objectifs. Nous espérons ne pas nous retrouver dans une situation dont nous ne percevons pas les contours et qui sera décidée par des personnes qui nous sont inconnues. »
Les manifestations populaires revendiquent la liberté et la démocratie... « Je leur dirais que cela fait trente ans que je suis à Damas, je m’exprime sans restriction aucune, sans que personne ne contrôle ce que je dis. Il y a peut-être d’autres qui parlent politique, mais ce n’est pas notre cas. Peut-être voient-ils des choses que nous ne voyons pas. »
Les chrétiens au Liban sont divisés autour des derniers développements en Syrie. Quelle est la position des chrétiens en Syrie ? « Notre situation actuelle est plus rassurante qu’un avenir incertain, souligne le patriarche. Que celui qui va proposer une alternative nous explique de quoi il s’agit afin que nous puissions l’étudier en connaissance de cause et la comprendre. »
Quelle est aujourd’hui la nature de ses relations avec le régime syrien ? A-t-il été contacté par l’opposition ? « Pas du tout, répond le patriarche. Je n’ai pas constaté une volonté de quiconque d’entrer en contact avec nous. Il faut préciser qu’en Syrie, notre communauté a ses propres lois, ses églises, ses écoles... Que pouvons-nous demander de plus ? »
Que pense-t-il des propos du patriarche maronite Béchara Raï sur ses craintes concernant les chrétiens de Syrie ? Quelles relations entretient-il avec l’Église maronite ? « Nous avons d’excellentes relations avec l’Église maronite, et je souhaite que tous les chrétiens restent réunis, dit-il. Il y a d’ailleurs eu dernièrement un rapprochement entre les différentes Églises. Pour ce qui est du patriarche maronite, ce n’est pas un écolier, et personne ne nous a confié le rôle de contrôleur de ses déclarations. Nous lui souhaitons bonne chance dans ses nouvelles fonctions. Il a le droit d’exprimer ce qu’il veut. Ne sommes-nous pas des démocrates ? »
Le jeudi 27 octobre dernier s’achevait à Balamand le synode de l’Église grecque-orthodoxe sous la présidence du patriarche Ignace IV Hazim. Son communiqué final prenait acte « des épreuves des peuples et des collectivités de la région ». Prié de commenter ce communiqué, qui avait adopté un ton résolument favorable aux soulèvements populaires dans le monde arabe, selon les...

commentaires (4)

Et c'est faux votre Béatitude. Les Orthodoxes devraient-ils rester à la remorque des autres communautés ? Tous les grands partis du pays sont des partis confessionnels. Un grand parti Orthodoxe est une néccessité nationale, dans le contexte actuel des choses. Nous avons perdu des Ministères et des positions de Direction très importants dans l'Etat. C'est assez ! Votre attitude risque de laisser les Orthodoxes hors de tout partage d'un futur accord, s'il n'y a pas un parti politique Orthodoxe pour y intervenir et négocier. Non plus à la remorque !!! Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

14 h 02, le 01 novembre 2011

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Commentaires (4)

  • Et c'est faux votre Béatitude. Les Orthodoxes devraient-ils rester à la remorque des autres communautés ? Tous les grands partis du pays sont des partis confessionnels. Un grand parti Orthodoxe est une néccessité nationale, dans le contexte actuel des choses. Nous avons perdu des Ministères et des positions de Direction très importants dans l'Etat. C'est assez ! Votre attitude risque de laisser les Orthodoxes hors de tout partage d'un futur accord, s'il n'y a pas un parti politique Orthodoxe pour y intervenir et négocier. Non plus à la remorque !!! Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    14 h 02, le 01 novembre 2011

  • Il est évident que la communauté orthodoxe et malheureusement n' a plus d' hommes de poids comme Charles Malek et Fouad Boutros . Le patriarche Hazim au nom de l'Église orthodoxe a toujours encouragé le développement autonome d'Eglises nationales. Ainsi , chacune disposait du droit d'utiliser la langue locale dans ses services religieux et l' on comprend ainsi sa neutralité dans le conflit syrien actuel . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    07 h 22, le 01 novembre 2011

  • Les chrétiens (et les musulmans par ricochet) du Liban,ont de la chance,beaucoup de chance.A la tête des Eglises,il y a des prélats de grande classe...des hommes hors du commun,dont le discours est bien loin des petitesses des "politiques"....je ne suis pas pour que les hommes de religion s'occupent de l'Etat...mais force est de reconnaître que nous n'y perdrions pas au change!Ces hommes exceptionnels assument leur rôle de guides et de pasteurs avec une intelligence rare,et un courage à toute épreuve.Merci à vous,Patriarche des Grecs-Orthodoxes....qui étiez là avant tous les autres,merci du fond du coeur.

    GEDEON Christian

    06 h 00, le 01 novembre 2011

  • - - Que de grands Patriarches , qu'ils soient Maronites ou Orthodoxes . Les mots sages prononcés par le Patriarche Grec Orthodoxe Ignace IV Hazim , doivent servir de leçon à quelques uns de ses ouailles , qui sont tentés de s'aventurer politiquement et aveuglement , dans des sables mouvants et des eaux troubles en Syrie et ailleurs . Son rappel des 4 vérités qui concernent les événement suspects en Syrie , tombent à pic , dans un moment de réflexion historique , sur la vraie destination et le vrai but de ce soulèvement inquiétant qui risque de balayer la présence Chrétienne , ou ce qui en reste , au Moyen orient , en Syrie , puis au Liban . Merci votre Béatitude .

    JABBOUR André

    03 h 00, le 01 novembre 2011

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