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La diplomatie au féminin

Hilary Childs-Adams a réussi à concilier carrière diplomatique et famille grâce au système canadien

Hilary Childs-Adams, ambassadrice du Canada, a été nommée chef de mission à Beyrouth en septembre dernier. Mère de deux enfants, elle a pu concilier carrière et vie familiale grâce au système en vigueur dans son pays. Dans une interview à « L'Orient-Le Jour », la diplomate a souligné l'importance des congés maternité pour permettre aux femmes de poursuivre leur travail. Ce texte fait partie d'une série d'entretiens effectués avec les femmes ambassadeurs en poste au Liban.

L’ambassadrice du Canada avoue qu’il est difficile d’être, et ambassadrice et maîtresse de maison.

Hilary Childs-Adams est une femme douce, souriante et attentionnée. Après avoir rempli diverses missions en Amérique latine, aux États-Unis et en Europe, dont celui de ministre d'ambassade à Berlin, elle occupe à Beyrouth son premier poste d'ambassadrice.
Invitée à se pencher sur les avantages d'être une femme ambassadeur, Mme Childs-Adams affirme qu'il « faut traiter tout le monde, les hommes et les femmes, sur un pied d'égalité. Les hommes et les femmes se complètent et ont des qualités différentes à apporter au milieu du travail ». Elle note que « parfois, les femmes sont meilleures en multitasking, c'est-à-dire le fait de s'occuper de plusieurs tâches simultanément, alors que les hommes peuvent parfois focaliser plus longtemps à 100 % sur une seule tâche ». « Les femmes peuvent être aussi plus sensibles aux nuances dans les communications, et cette qualité est extrêmement utile lors des négociations », ajoute-t-elle.
L'ambassadrice, qui est entrée au ministère canadien des Affaires étrangères en 1980, note qu'elle ne s'est jamais vraiment sentie désavantagée par rapport aux hommes durant sa carrière. « Pourtant, au début des années quatre-vingt, les femmes devaient prouver leurs compétences au sein du corps diplomatique plus que ne le devaient les hommes. Ce n'est plus le cas actuellement », explique-t-elle.
Se penchant sur sa propre expérience, elle affirme : « Parfois, en Amérique latine, j'ai eu affaire à des hommes qui avaient une attitude un peu sexiste envers moi. Ma réaction était d'essayer de tourner cela à mon avantage, car la culture de ces personnes les rendait réticents à dire non à une femme. » Elle donne ainsi l'exemple du Mexique au début de sa carrière. « Même si parfois j'étais prise moins au sérieux que mon collègue masculin, j'avais un accès plus facile aux autorités », dit-elle. « J'ai visité les prisons mexicaines parce que nous avions des Canadiens sous les verrous ; on m'avait même prise une fois pour l'épouse d'un prisonnier qui était venue passer la nuit auprès de son mari ! Le directeur et le personnel de la prison avaient souvent des attitudes machistes, mais je voulais leur montrer qu'on pouvait voir les Canadiens sans préavis et que nous avions des soucis relatifs à leur traitement. Souvent ces personnes étaient choquées que mon pays envoie une femme pour effectuer un travail concernant les prisonniers. Pour ces responsables, ce n'était pas une tâche adaptée aux femmes, alors ils s'empressaient de me donner ce que je demandais », se souvient-elle.

Pas facile d'être ambassadrice et maîtresse de maison
« Les mœurs ont beaucoup changé. Je ne souffre pas du tout du fait d'être une femme diplomate quand j'arrive dans un nouveau pays. Mais il est toujours difficile d'être à la fois ambassadrice et maîtresse de maison », souligne Mme Childs-Adams.
« Quand je reçois à la maison, je ne suis pas présente pour surveiller le travail du personnel de la résidence, qui est normalement habitué à poser des questions à l'épouse du diplomate en mission. Au Liban et ailleurs, par tradition, il y a des tâches qui incombent à l'épouse de l'ambassadeur. Il y a quelques mois, je me suis rendue à l'Hôpital américain de Beyrouth pour remettre de l'argent au Children's Cancer Center. Un autre rôle exercé par l'épouse d'un ambassadeur est celui de s'occuper des femmes des diplomates canadiens. Je n'ai pas voulu mettre un terme à cette tradition et j'ai donc reçu chez moi les épouses et les époux des diplomates canadiens en poste au Liban », raconte-t-elle.
Aujourd'hui au Canada, être diplomate femme est totalement acceptée. Sur 133 missions diplomatiques, le pays compte 32 ambassadeurs femmes.
« En 1980, je faisais partie du premier groupe où il y avait un nombre égal de femmes et d'hommes qui entraient au ministère des Affaires étrangères. Mais nous avons des diplomates femmes depuis très longtemps », note Mme Childs-Adams.
« Au début de ma carrière, il existait un défi concernant le mentorat ; il était plus facile pour un jeune homme diplomate d'avoir un mentor. C'était moins bien accepté pour les jeunes femmes parce qu'on aurait cru qu'une autre relation non professionnelle la liait à son mentor. Ce n'est plus le cas depuis au moins 20 ans », indique-t-elle.
L'ambassadrice du Canada lutte pour que les droits des femmes à poursuivre leur carrière tout en se mariant et en ayant des enfants, et en étant respectées dans le monde. Elle ajoute que dans son pays, les chiffres relatifs au nombre de femmes qui travaillent en dehors de la maison sont élevés parce qu'il existe des programmes visant à les maintenir dans leur carrière.

Mère de deux enfants
« Tout au long de ma carrière, j'ai pris au total cinq ans de congé pour m'occuper de mes enfants ; dans la vie, il y a des moments où il est quasi impossible d'assurer un véritable équilibre entre la vie professionnelle, qui ne demande pas seulement une mobilisation de 9 heures à 17 heures, et la vie privée en s'occupant des enfants, du mari, de la maison et des tracas de la vie quotidienne. Je n'ai pas pris ce congé de cinq ans d'un seul coup, bien sûr, mais je l'ai étalé dans le temps, notamment lorsque mes enfants étaient jeunes. Sans cette possibilité, je ne serai pas restée dans le corps diplomatique », dit-elle.
« Lors de la naissance de mes enfants, le congé maternité était de six mois. Actuellement, le congé s'élève à beaucoup plus que cela et les hommes ont droit aussi à un congé parental qui s'élève à six mois. Il n'y a plus de discrimination contre les femmes diplomates qui tombent enceintes parce que les hommes ont le droit de prendre congé aussi », explique-t-elle, ajoutant que « si les femmes diplomates ont la possibilité de prendre un congé, il est plus probable qu'elles reviennent au travail, surtout que l'on investit beaucoup dans la formation de jeunes diplomates ».
Mme Childs-Adams, qui est mère d'un garçon de 22 ans et d'une fille de 20 ans, note qu'après la naissance de ses deux enfants, elle est restée longtemps au Canada parce qu'elle a voulu que ses enfants « aient des racines, qu'ils se sentent canadiens ». « Tous les deux étaient avec moi à Bruxelles pendant quatre ans. Ma fille avait 9 ans et mon fils 11. Je voulais leur donner le goût de voyager, de découvrir de nouvelles cultures et d'apprendre d'autres langues », dit-elle.
Un brin de fierté dans sa voix, l'ambassadrice du Canada parle de ses enfants : « Ma fille a habité avec moi en Allemagne. Aujourd'hui, elle vit toujours à Berlin. Elle veut devenir chanteuse d'opéra. Le printemps dernier, deux étudiants uniquement ont été acceptés à Berlin à l'Université des arts dans cette discipline. Elle figurait parmi eux. Mon fils, quant à lui, étudie à Toronto où il vient d'achever un bachelors en communication et technologies de l'information. Il suit actuellement un programme lui permettant de se spécialiser dans le montage de films. »

Les Libano-Canadiens
Mme Childs-Adams occupe son premier mandat de chef de mission diplomatique à Beyrouth. C'est elle qui a choisi d'être en poste au Liban.
« J'ai opté pour le Liban pour plusieurs raisons, dit-elle, c'est un pays qui m'avait toujours attirée. J'ai lu pendant des années, dans le contexte de la francophonie, les rapports diplomatiques sur la situation au Liban. Et j'étais très touchée par l'amour que les Libano-Canadiens portent au Liban et au Canada. Ceux qui vivent au Liban ont un réel attachement à notre pays. »
Interrogée sur la situation des femmes au Liban, elle souligne que beaucoup de lois relatives aux femmes et au statut civil l'ont surprise, notamment la loi sur la nationalité, ou encore celles qui se rapportent à la garde des enfants auprès de diverses communautés religieuses, ou encore la durée du congé maternité.
L'ambassadrice du Canada aime la natation, le ski de fond, les voyages et l'apprentissage des langues. Interprète de conférences de formation, elle parle l'anglais, le français, l'espagnol, l'allemand et le néerlandais. Elle a aussi étudié le portugais, l'italien et le russe.
Mme Childs-Adams apprécie la musique classique. « J'ai appris à jouer la harpe que j'ai laissée à ma fille à Berlin », dit-elle. Elle aime aussi « faire des colliers à partir d'un mélange de perles fines et de perles en verre ». « Pour que je sois heureuse, il me faut un équilibre entre la satisfaction des besoins affectifs, la stimulation intellectuelle, l'exercice physique et la créativité », souligne-t-elle en conclusion.
Hilary Childs-Adams est une femme douce, souriante et attentionnée. Après avoir rempli diverses missions en Amérique latine, aux États-Unis et en Europe, dont celui de ministre d'ambassade à Berlin, elle occupe à Beyrouth son premier poste d'ambassadrice.Invitée à se pencher sur les avantages d'être une femme ambassadeur, Mme Childs-Adams affirme qu'il « faut traiter tout le...