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Liban - La situation

La politique du bord du gouffre du Hezbollah fait basculer Joumblatt


C'est en rangs dispersés que les figures de proue du 14 Mars ont réagi hier aux prises de position de Walid Joumblatt et aux cris de victoire de l'opposition, qui estimait après cette prestation dramatique être à même de former le nouveau gouvernement, avec ou sans la majorité parlementaire.
Des réactions enregistrées, la plus significative est celle qui constate que c'est uniquement « par un coup de force couplé à de l'intimidation médiatique » que la minorité est parvenue, ou croit être parvenue, à disposer désormais de la majorité de 65 voix nécessaires pour former le gouvernement.
C'est ainsi qu'au cours d'une rencontre avec le ministre Boutros Harb, Mme Nayla Mouawad a affirmé : « Nous assistons aujourd'hui à un renversement de régime par les armes et par le moyen des médias. Ce renversement va conduire le Liban vers l'inconnu. » Le PNL, dans son communiqué hebdomadaire, devait adopter sensiblement la même position.
Toutefois, il existe aussi une tendance, au sein du 14 Mars, qui continue de raisonner comme si le pays assistait à un changement de majorité normal, et qui affirme, sur cette base, qu'elle se pliera à la règle du jeu démocratique. « Nous nous plierons aux résultats des consultations parlementaires », a ainsi affirmé après sa rencontre avec Mme Mouawad, M. Harb « L'alternance au pouvoir est une chose absolument normale », a-t-il encore dit.
Pour sa part, en cours de matinée, le député Ahmad Fatfat avait affirmé que si les consultations parlementaires donnent l'avantage à l'opposition, la majorité laissera cette dernière gouverner, sans chercher à participer à un gouvernement d'entente nationale. Raisonner ainsi, c'est ignorer que l'avantage acquis par l'opposition au Parlement ne vient pas des urnes, mais des armes, ou de la menace d'une utilisation subversive de masses humaines, potentiellement violentes, pour paralyser le pays.
C'est cette politique du bord du gouffre qui semble avoir réussi au Hezbollah. Les alliés de ce parti, de Wi'am Wahhab à Gebran Bassil, plastronnaient hier, après la prestation publique de Joumblatt, adressant tantôt des conseils paternalistes, tantôt des infamies au Premier ministre, Saad Hariri, politiquement disqualifié pour être Premier ministre, selon Gebran Bassil, par le scandale des faux témoins. Pour sa part, le chef du PSP rencontrait hier dans la nuit le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Mais le 14 Mars n'a certainement pas dit son dernier mot. C'est ainsi que l'une de ses figures de proue, Samir Geagea, a annulé la visite officielle qu'il devait effectuer en France, pour suivre de plus près le déroulement des événements. M. Geagea se prononcera aujourd'hui à midi sur ce qui se passe, au cours d'une conférence de presse. L'ancien chef de l'État, Amine Gemayel, lui, a maintenu son programme. Il a quitté pour l'Égypte, où il sera reçu par le président Hosni Moubarak.
Par ailleurs, des cadres et sympathisants du 14 Mars ont appelé à une réunion, à 16 heures, à l'hôtel Le Gabriel, à Achrafieh, pour décider de la réaction appropriée au coup d'État blanc du Hezbollah.
Pour sa part, M. Samir Frangié a rédigé une lettre ouverte au chef de l'État, dans laquelle il demande à ce dernier de saisir la Ligue arabe, qui a parrainé l'accord de Doha et l'ONU, à l'origine des résolutions 1701 et 1557, de ce qui se passe au Liban, et qu'il estime être une tentative de modifier le visage du Liban et son régime démocratique.
Reçu par Saad Hariri, l'ambassadeur de France Denis Pietton rappelait les deux principes qui guident l'action de la France au Liban : le soutien à la souveraineté, à l'indépendance et à la stabilité du pays d'une part ; la lutte contre l'impunité dans le cadre de la légalité internationale d'autre part.
Si la majorité ne réagit pas plus énergiquement et radicalement au coup de force du Hezbollah, c'est peut-être qu'elle espère, ou qu'elle sait, que les consultations parlementaires ne permettront pas à la minorité de recueillir les 65 voix qui lui sont nécessaires pour l'emporter.
En effet, sur les 128 députés, le bloc parlementaire de Joumblatt compte 11 élus (dont cinq appartenant à son parti), celui du Hezbollah, toutes composantes comprises, 57 et celui de Saad Hariri, toutes composantes comprises aussi, 60.
Le ralliement de M. Joumblatt ne signifie cependant pas que les 10 autres députés de son bloc le suivront. Selon des pointages qui restent approximatifs, et qui varient selon qu'on soit d'un bord ou de l'autre, le chef du PSP ne pourrait garantir que cinq de ces onze voix, celles des députés membres du parti, les autres n'étant pas liés par la discipline partisane et ayant leurs convictions propres. Selon les pointages de la majorité, Saad Hariri pourrait donc rallier à sa candidature les six députés restants, ou du moins cinq d'entre eux. Par contre, l'opposition estime que deux au moins de ces députés voteraient en faveur de son candidat, ce qui porterait à sept l'apport de voix de M. Joumblatt au Hezbollah. Il ne manquerait plus à ce dernier qu'une seule voix pour l'emporter. Cette voix pouvant être celle de Nicolas Fattouche.
L'autre tactique que pourrait adopter l'opposition consisterait à priver la majorité des voix des quatre députés sunnites de Tripoli, Nagib Mikati, Ahmad Karamé, Mohammad Safadi et Kassem Abdel Aziz, en persuadant ces derniers de ne pas se prononcer pour Saad Hariri. Mais là non plus, le résultat n'est pas garanti, encore que les sympathies syriennes de certains de ces députés ne soient pas un secret. Mohammad Safadi, pour sa part, a pris l'avion hier pour l'Arabie saoudite, où il pourrait être suivi aujourd'hui par Nagib Mikati... Et ce ne sont pas les seuls à être liés par de gros intérêts au royaume wahhabite.
Les jeux, comme on le voit, ne sont pas encore faits, et bien des surprises pourraient se produire dans les 48 heures nous séparant des consultations parlementaires.
On parlait même, en fin de soirée, d'un nouveau report des consultations, tâche à laquelle Walid Joumblatt se serait attelé, en coopération avec le Premier ministre du Qatar, qui se trouve à Damas. La France continuant de conseiller au chef de l'État de tenter de régler l'affaire avec Saad Hariri, qui représente une très large majorité de la communauté sunnite.

C'est en rangs dispersés que les figures de proue du 14 Mars ont réagi hier aux prises de position de Walid Joumblatt et aux cris de victoire de l'opposition, qui estimait après cette prestation dramatique être à même de former le nouveau gouvernement, avec ou sans la majorité parlementaire. Des réactions enregistrées, la plus significative est celle qui constate que c'est uniquement...

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