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Culture - Initiatives

Il était une fois, le Carlton (1960 - 2008)

De l'hôtel Carlton de Beyrouth, l'un des fleurons de l'hôtellerie libanaise construit en 1960, il ne reste que poussière et gravats. Et quelques documents d'archives, récupérés in extremis par Umam DR. Cette ONG lance aujourd'hui un appel aux particuliers, à la recherche de leurs souvenirs, de photos et de vidéos. Pour reconstituer les pièces du puzzle et raconter l'histoire de ce lieu qui ressemble tellement à celle du Liban. Entre splendeur et décadence.

L’hôtel, juste avant sa destruction.

Il a abrité les réceptions les plus glamour comme les faits divers les plus sordides. Puis il a été le témoin impuissant de la descente aux enfers du Liban durant la guerre. L'hôtel Carlton de Beyrouth, né en 1960 sur une conception de l'architecte polonais Karl Shayer surplombant la corniche de Raouché, a rendu l'âme en 2008. Un contrat d'achat, de l'homme d'affaires libanais Jamil Ibrahim, a signé son arrêt de mort. À présent, trois tours résidentielles « super hyper de luxe » sont en cours de construction sur le lieu du crime. « L'hôtel Carlton de Beyrouth a été assassiné. Le massacre urbain se poursuit encore aujourd'hui dans d'autres lieux et toujours aussi impitoyablement. » Le site Web de Umam Documentation and Research n'y va pas par quatre chemins. Cette ONG libanaise, créée par Loukman Slim et Monika Borgmann, et qui s'intéresse notamment à la documentation, à l'archivage et à la recherche, s'attelle donc au sauvetage de la mémoire de cette bâtisse qui était devenue un point de repère architectural et social de Beyrouth un demi-siècle durant.
Des hôtes de marque ont apprécié le moelleux de ses oreillers, de nombreux Beyrouthins ont piqué une tête dans sa piscine ovoïde et goûté à son fameux, inégalable, club sandwich. Mariages, expositions, concerts, congrès, réunions politiques, caprices de stars, têtes couronnées, artistes et écrivains y ont défilé.
Ses murs résonnaient des fastes du Beyrouth de la belle époque comme des heures les plus noires de la guerre civile. Bref, ce fleuron de l'hôtellerie libanaise a été le témoin des hauts et des bas de l'histoire du Liban. En dépit de tout, il avait conservé un charme suranné inexplicable. Affichant une fière allure bien que, rafistolée à maintes reprises, cette bâtisse avait subi les stigmates du temps. Et puis un jour, sa façade, gorgée de soleil et de sel, s'est effondrée sous les coups des bulldozers.
« C'est par le plus pur des hasards, presque un miracle, que nous avons pu sauver les archives de l'hôtel Carlton », raconte Monica Borgmann.
« Loukman était en route vers Hamra. Bloqué dans un embouteillage, il remarque un camion transportant une tonne de papiers et de documents. Piqué par la curiosité, il demande au chauffeur de quoi il s'agit. Celui-ci lui apprend alors que ce sont les archives de l'hôtel Carlton et qu'il les emmène vers leur destin : l'incinérateur de Beyrouth. » N'en croyant pas ses oreilles, ni ses yeux, le chercheur, réalisateur et intellectuel engagé rachète le tout et dévie la trajectoire du véhicule vers les locaux de Umam, à Haret Hreik.
« Il y avait là plusieurs tonnes de documents, se souvient Monika. Au début, nous ne savions qu'en faire. Mais il était clair et impératif de dépouiller ce matériel, de le trier, de l'organiser, de le cataloguer. »
Conscients de l'ampleur du travail, les responsables de Umam confient la direction des opérations à Sevag Kechichian. Le chercheur et universitaire souligne le caractère éclectique de ces archives. « On y trouve de la paperasse bureaucratique, des informations quotidiennes amusantes, les objets nous donnent un aperçu de la vie sociale de Beyrouth à diverses époques. Mais l'examen méthodique de ces trouvailles n'ayant pas été achevé, il reste encore beaucoup de surprises. »
« Nous avons cette vision, mais comment y arriver, comment faire en sorte que ce processus soit transparent, accessible à tous. Nous avons alors invité les gens à partager leurs souvenirs, photos, vidéos du Carlton », annonce-t-il.
« Nos portes sont également ouvertes aux volontaires (spécialistes et étudiants en archivage) qui désirent aider dans le triage et l'analyse de ces archives pour les rendre accessibles à un public plus large. »
Deux ou trois choses qu'ils pourront faire avec ce matériel? « Une exposition, une publication, un documentaire », affirme, péremptoire, Monika Borgmann.
« Nous voudrions tirer des enseignements de cette expérience et permettre au grand public d'en profiter », ajoute-t-elle.
Umam a ainsi fait appel au réseau social Facebook pour atteindre le grand public et le faire participer.
« Tout cela ne relève pas uniquement de l'autopromotion. Ou de la nostalgie, conclut Monika Borgmann. Il s'agit aussi de créér une plate-forme pour donner un exemple sur la manière de préserver la mémoire culturelle du pays, son patrimoine, autant culturel que social, ou même architectural. Pour dire aussi que ces documents racontent une vie, des vies passées. Qu'ils signifient quelque chose. Qu'ils peuvent paver la voie vers un meilleur avenir. »
Que s'est-il passé au Carlton de 1960 à 2008 ? Des événements majeurs, des choses mystérieuses, parfois hilarantes et d'autres désastreuses. L'histoire, racontée à travers les recherches de Umam, le dira peut-être. Nous l'espèrons en tout cas.

Pour participer à l'opération d'archivage ou pour partager ses souvenirs, contacter le 01/553604 ou visiter l'adresse : www.umam-dr.org
Il a abrité les réceptions les plus glamour comme les faits divers les plus sordides. Puis il a été le témoin impuissant de la descente aux enfers du Liban durant la guerre. L'hôtel Carlton de Beyrouth, né en 1960 sur une conception de l'architecte polonais Karl Shayer surplombant la corniche de Raouché, a rendu l'âme en 2008. Un...

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