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Liban

La polémique sur Hezb al-Tahrir devra attendre la réunion du Conseil des ministres

C'est une histoire étrange comme seule l'actualité libanaise peut en produire. Certains ne la prennent pas au sérieux, d'autres, au contraire, estiment qu'il ne faut pas manifester la moindre faiblesse face à ce phénomène. Hezb al-Tahrir apparaît de temps à autre dans l'actualité politique et il soulève à chaque fois la même polémique : faut-il le laisser gagner du terrain en toute liberté, sous la sacro-sainte liberté d'expression et d'action, en estimant que de toute façon il ne représente rien ? Ou bien, au contraire, comme le souligne à chaque fois le ministre de l'Énergie Gebran Bassil, il faut lui retirer sa licence et l'interdire car il est contraire aux dispositions de la Constitution ?
Le débat est ouvert et il prend de plus en plus des relents politiques. Il est d'ailleurs désormais entre les mains du Conseil des ministres, et en particulier du Premier ministre. Mais le phénomène mérite qu'on s'y arrête.
Fondé en 1953, Hezb al-Tahrir est longtemps resté dans la clandestinité, faute de terrain favorable lui permettant d'apparaître au grand jour. Les Libanais en entendaient bien sûr parler de temps à autre, mais globalement, ils semblaient le considérer comme un épouvantail, bien plus que comme une véritable menace. C'est en 2006 que le ministre de l'Intérieur par intérim Ahmad Fatfat lui a donné une licence, selon la formalité reconnue dans la loi sur les associations et les partis politiques, qui, rappelons-le, date de 1909. Il est d'ailleurs intéressant de constater, selon les registres du ministère de l'Intérieur, que pendant le séjour de M. Fatfat au ministère de l'Intérieur, le nombre d'associations islamiques a sérieusement augmenté et la plupart d'entre elles sont basées au Nord et à Tripoli en particulier. Faut-il y voir une politique systématique ou une simple coïncidence ? Toujours est-il que Hezb al-Tahrir fait partie des organisations islamiques basées d'abord au Nord, avec vocation de s'étendre à l'ensemble du monde islamique.
Selon sa charte fondatrice (restée plus ou moins secrète, mais dont L'Orient-Le Jour a pu se procurer une copie), les principes de Hezb al-Tahrir sont simples : il faut parvenir à établir un État islamique, car les musulmans ne peuvent pas être gouvernés par des non-musulmans ni être régis par d'autres lois que la charia islamique. Le parti a donc été créé pour réinstaurer le califat islamique et pour que le pouvoir soit de nouveau entre les mains des musulmans, selon la volonté d'Allah.
L'objectif du parti est de relancer la vie islamique dans les sociétés musulmanes, de ramener la charia à l'ordre du jour, pour préparer le terrain au retour du calife. Enfin, son objectif ultime est de permettre à l'islam de s'étendre partout dans le monde, pour qu'il prenne en charge les destinées de l'humanité.
Toujours selon sa charte, tous les musulmans peuvent devenir membres de ce parti, sans distinction de race, de couleur ou même de sexe. Les conditions requises sont donc d'être musulman, mais aussi d'avoir une certaine maturité religieuse. Le lien entre les membres est donc l'islam et le niveau culturel. Mais les femmes et les hommes auront des formations séparées. Celles des hommes seront données par des hommes et celles des femmes, par des hommes ayant des liens de parenté avec elles, ou par des femmes, lorsque celles-ci auront atteint le niveau requis.
Le champ d'action de ce parti est l'ensemble du monde musulman et, naturellement, il établit ses bases dans les milieux islamiques.
Pour atteindre ses objectifs, il fixe trois étapes : la première consiste à cultiver les musulmans et à les sensibiliser à la charia, la seconde se résume à investir les centres de décision et à tisser des liens de coopération avec les mouvements salafistes, pour que la oumma puisse se prendre en charge, et la troisième étape consiste à donner le pouvoir à l'islam et à lui permettre de rayonner dans le monde entier.
Hezb al-Tahrir n'adopte pas dans sa charte fondatrice la violence comme moyen de parvenir à ses fins, il mise plutôt sur la persuasion et la crainte de finir en enfer chez le musulman moyen. De par sa volonté d'instaurer le règne de la charia et du calife, il est en contradiction flagrante avec les lois en vigueur dans les pays qui ne prennent pas la charia comme fondement de leurs lois. C'est pourquoi il a commencé dans la clandestinité et il est même interdit dans de nombreux pays arabes, comme le Koweït par exemple.
Mais depuis la remise en liberté, suite à la loi d'amnistie votée en 2005, de plusieurs militants islamistes, qui étaient en procès dans plusieurs affaires et qui étaient en grande partie originaires du Nord, il a pris un nouvel élan. De même, il y a eu une sorte de laxisme de la part de l'État avec les formations islamistes ou ayant cette tendance. Les parties de l'ex-opposition affirment qu'il s'agissait en fait d'une politique systématique dans le but de renforcer l'islamisme sunnite face au triomphalisme et à la puissance du Hezbollah. Selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, il y avait au Liban 159 associations en 2000, elles sont passées à 536 en 2006 et un grand nombre de celles qui ont obtenu des licences au cours de cette même année appartenaient à la mouvance salafiste.
Fort de sa licence, Hezb al-Tahrir a tenu un congrès ouvert aux médias en 2006 et à la question de savoir si le fait de demander une licence n'est pas une manière de reconnaître l'État libanais, Ahmad al-Kassas, le responsable de l'information du parti, a répondu que le parti a présenté cette demande pour sortir de la clandestinité, ni plus ni moins. Il a réitéré l'attachement du parti à l'application de la charia islamique et, s'dressant aux chrétiens, il s'est voulu rassurant : « Ils ont droit à notre protection. Ils participent à la vie politique et économique, mais ils ne peuvent pas gouverner les musulmans... »
À la veille de la tenue de son second congrès, il y a quelques semaines, le ministre Gebran Bassil a soulevé la question de la légalité d'un parti qui est en totale contradiction avec le régime libanais et dont les dispositions constituent une violation flagrante de la Constitution. Il a invité le ministre de l'Intérieur à retirer la licence accordée en 2006 au parti par son prédécesseur Ahmad Fatfat. Ziyad Baroud a préféré remettre le dossier entre les mains du Premier ministre... actuellement en congé. En attendant, Hezb al-Tahrir a tenu son congrès, sans cette fois trop de médiatisation, mais il poursuit son action en douce au sein de certaines couches sociales, dans une sorte d'indifférence officielle. Il est vrai que d'autres problèmes sont plus d'actualité, et les quelques voix qui s'élèvent contre ce parti ressemblent à des cris dans le désert...
C'est une histoire étrange comme seule l'actualité libanaise peut en produire. Certains ne la prennent pas au sérieux, d'autres, au contraire, estiment qu'il ne faut pas manifester la moindre faiblesse face à ce phénomène. Hezb al-Tahrir apparaît de temps à autre dans l'actualité politique et il soulève à chaque fois la...

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