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WEBCULTURE Le cimetière des pages défuntes Y’a-t-il une vie après le Web?

Pris de vertige à l’idée que le Web annonce qu’une page n’existe plus, un halluciné a entrepris de sortir le cyberhéritage des poubelles de l’histoire. Un archivage titanesque qui a pour nom : « la machine à remonter le temps ». C’est l’histoire d’un fou – ou d’un génie, c’est selon: celle de Brewster Kahle, qui, voici plusieurs années, a installé ses quartiers avec une trentaine de collaborateurs dans une base militaire reconvertie à San Francisco. Ordre de mission : déclarer une guerre sans merci à l’«Error 404, document not found». Sans doute le message d’erreur le plus frustrant du Net, la «404», indique le plus souvent que l’information recherchée a été effacée, probablement perdue à jamais dans le cyberespace. Le vide est babylonien. Mission impossible Paradoxalement, la naissance de l’Internet se confond avec sa disparition. Ce sont des pans entiers de la mémoire humaine qui s’évaporent et dont la reconstitution ultérieure relève de la mission impossible. Et pour cause, le nombre de pages créées sur la Toile atteint le rythme fou d’un milliard par an. Des dizaines de milliers de pages sont remises à jour toutes les heures. Simultanément, 10% des pages disparaissent après une semaine d’existence, tandis que la durée moyenne d’un document ne dépasse pas une quarantaine de jours. D’où l’idée, lancée par Brewster Kahle, d’archiver un maximum de ces témoins, écrits, sonores et visuels. Et d’offrir aux générations futures une photographie numérique plus ou moins fidèle de l’état de la civilisation à un moment «m» de l’histoire contemporaine. «Dans l’avenir, on saura que nous étions obsédés par le sexe, l’argent et le sport», relève cyniquement Steve Baldwin, un autre archiviste du Web. Ce New-Yorkais a entrepris, non pas de collecter les pages supprimées du réseau, mais plutôt de recueillir les dépouilles du Web, soit ces centaines de sites abandonnés et errant comme autant d’épaves dans un coin du réseau. Son «Museum of E-failure» («Musée des e-échecs», visible sur www.disobey.com/ghostsites) est devenu le sanctuaire incontournable de la nouvelle économie. Signe des temps: si, en 1998-99, l’âge d’or du Web, on y trouvait essentiellement des sites abandonnés par leurs créateurs avant de passer à quelque chose de plus ambitieux, aujourd’hui, on n’y déplore que des fonds d’e-commerce en faillite. «Ghostsites» permet, en quelque sorte, au Net de devenir «civilisé» en proposant un cimetière dans la jungle numérique. «Ghostsites» comprend une liste de plus de 500 noms de sites. Par ordre alphabétique, cette liste fait se côtoyer les stars déchues du monde des dot.com avec des inconnus du monde underground, des idées farfelues, des concepts abscons. En évitant toutefois les innombrables pages personnelles et leurs sempiternelles photos de vacances. La démarche de Brewster Kahle s’inscrit plus dans la pure tradition des documentalistes. Son «Internet Archive», qui a néanmoins bénéficié d’un large appui financier et technique des poids lourds de l’informatique et de la culture (Compaq, AT&T, ou Xerox, sans oublier la vénérable bibliothèque du Congrès américain), revendique aujourd’hui plus de 10 milliards de pages Web archivées. Et ce, grâce à Alexa (www. alexa.com), un moteur de recherche développé par Brewster Kahle qui, depuis quatre ans, scanne méthodiquement le réseau et récupère des millions de captures de sites. Le tout est stocké sur d’immenses serveurs abritant une base de données éléphantesque de 100 terabytes, soit 100000 milliards d’octets, ou encore cinq fois l’équivalent de la Bibliothèque nationale de France. Et ce n’est qu’un début. Maya GHANDOUR HERT

Pris de vertige à l’idée que le Web annonce qu’une page n’existe plus, un halluciné a entrepris de sortir le cyberhéritage des poubelles de l’histoire. Un archivage titanesque qui a pour nom : « la machine à remonter le temps ».

C’est l’histoire d’un fou – ou d’un génie, c’est selon: celle de Brewster Kahle, qui, voici plusieurs années, a installé ses quartiers...