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ART SACRÉ - Le plaidoyer passionné de Pamela Chrabieh en faveur de la diversité culturelle «Icônes du Liban»: le singulier du pluriel

Installée au Québec depuis 1999, Pamela Chrabieh continue d’assumer son identité libanaise, selon le très sage principe développé par Amine Maalouf dans son ouvrage Identités meurtrières, qui veut que nous soyons la somme apaisée de nos appartenances particulières, dont la plus vaste est notre appartenance à l’aventure humaine. Doctorante en science de la religion à la faculté de théologie de l’Université de Montréal, Chrabieh vient de publier un ouvrage, Icônes du Liban (*), où elle met à contribution l’expérience qu’elle a acquise à l’Académie libanaise des beaux-arts (Alba), comme élève du père Antoine Lammens. L’ouvrage porte sur une sélection d’icônes choisies dans le patrimoine iconographique antiochien de l’Église melkite. Il met en valeur, dans l’écriture de ces icônes (car une icône est d’abord écriture), l’emploi d’éléments picturaux de sources et de traditions occidentales, coptes, islamiques et ottomanes, ainsi que la familiarisation des icônes et leur localisation. Peinture de visages basanés, figures mongoloïdes du Christ, emprunts aux coloris de l’art islamique, le vert, le rouge carmin, le rose turc, présence de cyprès dans les paysages, de fleurs de lotus, de lys, de tulipes, ornementation proche des soieries d’Alep et des brocarts de Damas, localisation des traits typiques de la région proche-orientale, grands yeux en amande, sourcils arqués, nez droit, lèvres fines, bergers revêtus de «cherwal» et jouant du «mejwez», autant de détails par lesquels les icônes s’éloignent de l’anonymat et des canons byzantins immuables. Mais l’ouvrage donne l’impression que tout cela n’est que prétexte, introduction à une réflexion inquiète sur le présent et l’avenir du Liban. De fait, l’ouvrage de Pamela Chrabieh est à double face, l’un renvoyant à l’autre. C’est à la fois une étude iconographique et une réflexion sur l’identité et le pluralisme au Liban. Tout comme les icônes du XVIIe-XIXe siècle s’approprient des éléments épars des cultures locales, pour se forger une identité propre, le Liban est invité à se forger une identité originale faite de tous les éléments épars qui le composent. Ce que Pamela Chrabieh écrit entre les lignes, c’est une sorte de lettre d’amour adressée au Liban de la part de quelqu’un qui s’en est éloigné physiquement, mais continue de lui porter l’affection qu’une fille porte à son père. Chrabieh voit dans la réussite des icônes melkites un modèle de ce que serait une réussite du Liban, d’une culture libanaise une et multiple, dont l’identité composée ou les identités composées seraient le contraire de l’identité meurtrière dont parle Amine Maalouf, dont l’ouvrage est cité à deux reprises. De fait, des icônes, on passe sans transition à la réconciliation nationale, sur laquelle se conclut l’ouvrage. Citant Gibran en exergue, mais aussi Mgr Georges Khodr, Mahmoud Ayoub et Mohammed Talbi, le livre de Pamela Chrabieh est une sorte d’éloge du brassage et du métissage culturel, une réflexion sur le singulier et le pluriel ou, mieux encore, sur le singulier du pluriel, une plaidoirie pour la diversité religieuse et le dialogue islamo-chrétien, comme «processus à continuellement reprendre à la recherche d’une cohésion sociale». Rejetant toute vision passéiste des icônes qui perpétuent une vision et des canons figés, Pamela Chrabieh affirme en conclusion que «le message promu par les icônes du Liban n’est autre que celui d’hommes et de femmes qui rejettent tout radicalisme et tout en enlisement dans les ghettos». Fady Noun (*) «Icônes du Liban, au carrefour du dialogue des cultures», de Pamela Chrabieh (Éditions Carte Blanche, 3e trimestre 2003, Outremont, Québec)
Installée au Québec depuis 1999, Pamela Chrabieh continue d’assumer son identité libanaise, selon le très sage principe développé par Amine Maalouf dans son ouvrage Identités meurtrières, qui veut que nous soyons la somme apaisée de nos appartenances particulières, dont la plus vaste est notre appartenance à l’aventure humaine.
Doctorante en science de la religion à la...