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Actualités - CHRONOLOGIE

Paris II - Un succès quasi total Le Liban obtient 4,4 milliards de dollars Une rallonge de 2 milliards attendue dès la conclusion d’un accord avec le FMI(photo)

Paris, de notre envoyé spécial Michel TOUMALes pronostics portant sur le sort de la conférence de Paris II fluctuaient, jusqu’à hier samedi, entre le succès partiel et la réussite totale. À en juger par le bilan annoncé à l’issue de la rencontre qui a groupé hier matin à l’Élysée les représentants de 18 pays et de 8 organismes de financement, la réalité se situe entre ces deux extrêmes, mais elle paraît plus proche du second cas de figure. Le Liban a en effet obtenu une aide globale de près de 4,4 milliards de dollars, soit un chiffre qui n’est pas très loin du maximum qu’il espérait atteindre (5 milliards de dollars). Une nuance toutefois s’impose : sur les 4,4 milliards de dollars, seuls 3 milliards de dollars sont prévus directement pour la restructuration de la dette publique et la réduction du service de cette dette, qui sont à l’heure actuelle l’objectif prioritaire du gouvernement et qui étaient à la base de la convocation de la conférence de Paris II. Le montant restant (1,4 milliard de dollars) est obtenu pour le financement de projets divers assumés essentiellement par la Banque européenne d’investissement (BEI) et les Fonds arabes de développement. Le Liban pourrait compter sur une aide supplémentaire d’ici à un an, plusieurs pays représentés hier à l’Élysée (notamment les États-Unis, l’Allemagne, l’Espagne et le Canada) ayant souligné qu’ils ne manqueront pas d’apporter ou d’accroître leur contribution aux efforts de redressement économique du gouvernement lorsqu’un accord pourra être dégagé entre l’État libanais et le Fonds monétaire international. Il reste que, bien au-delà des chiffres, l’importance de la conférence de Paris II réside, au départ, dans le fait qu’elle a pu avoir lieu et qu’elle a réussi à rassembler un éventail aussi large de dirigeants occidentaux et arabes. À l’invitation personnelle du président Jacques Chirac (et en sa présence), six chefs de gouvernement occidentaux (le Canada et cinq membres de l’Union européenne) ainsi que les Premiers ministres de Malaisie et du Qatar ont fait spécialement le déplacement jusqu’à Paris pour se pencher sur le cas du Liban, aux côtés du secrétaire d’État adjoint américain pour les affaires du Moyen-Orient, du ministre saoudien des Affaires étrangères, des ministres des Finances de quatre pays du Golfe et de hauts responsables du Japon et des institutions internationales et arabes de financement, sans compter le président de la Commission européenne (voir par ailleurs la liste des chefs de délégation). Cette mobilisation internationale au plus haut niveau constitue incontestablement un acquis en soi pour le Liban. Un signal positif aux marchés de capitaux et aux bailleurs de fonds du secteur privé qui pourraient être appelés à soutenir d’une façon ou d’une autre l’entreprise de sauvetage de l’économie libanaise. Cet élan de solidarité se manifeste, certes, à des degrés différents, comme l’indiquent clairement les propos tenus par les dirigeants et les représentants des pays et organismes présents hier matin à l’Élysée. Au cours de la séance de travail de près de trois heures présidée par M. Chirac, certains pays ont d’entrée de jeu annoncé qu’ils contribueront directement (sous forme de garanties de crédits ou de souscriptions aux nouveaux bons du Trésor en devises) au fonds spécial qui sera créé par le gouvernement en vue de la restructuration de la dette publique (qui atteindra à la fin de cette année près de 31 milliards de dollars, comme l’a précisé hier le Premier ministre, Rafic Hariri, devant les participants à la conférence). L’objectif recherché par le Liban sur ce plan est déjà connu de tous : substituer à la dette publique (ou plutôt à une partie de cette dette) contractée à court terme et à des taux d’intérêt élevés de nouveaux emprunts à long terme et à des taux réduits. Cette restructuration devrait avoir pour effet de diminuer le service de la dette et donc le déficit budgétaire. Un tel objectif paraît vital dans le contexte présent du fait que les intérêts sur la dette (estimés à plus de 3 milliards de dollars par an) ont absorbé à eux seuls, en 2002, quelque 80 % des recettes totales de l’État et ont représenté 18 % environ du PIB. Le rôle de Chirac Il aura fallu que le président Chirac pèse de tout son poids dans la balance et qu’il use de toute son influence afin que le Liban puisse obtenir au finish une enveloppe suffisante pour enclencher sur des bases acceptables cette opération de restructuration de la dette. Si de nombreux pays, dont notamment la France et certains États du Golfe, n’ont pas hésité à annoncer leur contribution à l’effort de redressement économique du Liban, d’autres pays, au contraire, se sont montrés particulièrement réticents sur ce plan. Tel est le cas du Canada et de certains pays européens (notamment l’Allemagne et l’Espagne) qui ont souligné qu’ils ne pouvaient s’engager à accorder une quelconque aide sans un accord préalable entre le gouvernement libanais et le Fonds monétaire international sur un programme de redressement économique. Cette position rejoint d’ailleurs celle des États-Unis à ce propos, Washington estimant qu’un accord entre le Liban et le FMI devrait être un préalable à tout soutien significatif. L’attitude US s’est fait ressentir dans le volume de l’aide (bien en deçà de ce qui était attendu) accordée par certains pays du Golfe (c’est le cas particulièrement du Qatar). Le président Chirac a toutefois constitué un contrepoids salutaire à la position américaine en réussissant à convaincre le Canada et l’Italie de ne pas s’en tenir au préalable de l’accord entre le Liban et le FMI, comme le réclame Washington. Ce problème posé par l’absence d’entente entre le gouvernement libanais et le FMI a été soulevé lors de la conférence de presse conjointe que le président Chirac, le Premier ministre canadien, Jean Chrétien, le chef de la diplomatie saoudienne, l’émir Saoud el-Fayçal, et M. Rafic Hariri ont tenue à 12h30 (heure de Paris) à la salle Napoléon de l’Élysée, au terme de la réunion des chefs et des membres des délégations présentes. M. Chrétien a clairement souligné à ce sujet que certains pays apporteront ou augmenteront leur contribution à la restructuration de la dette publique libanaise lorsque le FMI donnera son aval au programme de redressement du gouvernement. M. Chrétien a souligné que le Liban pourra alors obtenir une rallonge de 2 milliards de dollars qui viendront s’ajouter aux 3 milliards obtenus hier, de manière à atteindre les 5 milliards réclamés (ou souhaités) par le Liban. Abordant, au cours de la conférence de presse, le volet de l’aval nécessaire du FMI, le président Chirac a confirmé pour sa part que certains pays conditionnent systématiquement toute aide accordée à un pays en difficulté à un feu vert du FMI. Le président français a cependant affirmé que le Liban constitue « un cas spécial » et que, de ce fait, des États européens (tels que la France, l’Italie ou la Belgique) ont décidé de passer outre à la condition de l’accord préalable avec le FMI. Pour M. Chirac, la conjoncture au Moyen-Orient est en effet suffisamment explosive pour qu’on y ajoute un facteur supplémentaire d’instabilité, qui serait provoqué par un possible effondrement de l’économie libanaise au cas où la communauté internationale refuserait de venir en aide au Liban. Dans les milieux proches de M. Hariri, on souligne ainsi que la détermination et l’intervention énergique du président Chirac ont réussi à vaincre certaines réticences dues au problème du FMI. Le président français aurait même eu un échange « aigre-doux » avec le chancelier allemand, Gerhard Schröder, à ce propos. Quant au secrétaire d’État adjoint américain, William Burns, il serait très peu intervenu dans les débats. Un effet boule de neige En tout état de cause, les 3 milliards de dollars obtenus hier par le Liban pour restructurer sa dette devraient permettre d’enclencher une dynamique de résorption du service de la dette et, à moyen terme, de la dette publique dans son ensemble. L’un des principaux conseillers et collaborateurs du Premier ministre, Ghazi Youssef, a indiqué à L’Orient-Le Jour que le montant en question constitue le seuil minimum permettant de mettre sur les rails le processus de réduction du service de la dette. Ces 3 milliards de dollars, précise M. Youssef, ont été accordés au Liban à un taux variant entre 4 et 5 % sur une période de 10 à 15 ans (suivant les pays donateurs). Ce montant permettra de restructurer 10 pour cent de l’ensemble de la dette publique. Cette opération, souligne M. Youssef, devrait avoir pour conséquence de faire baisser de 2 points au moins le taux d’intérêt de la dette globale en devises (qui est actuellement de 10 %). On se retrouverait ainsi avec une partie de la dette (3 milliards de dollars) à un taux de 4 ou 5 % et le restant (près de 27 milliards) à un taux inférieur de 2 points au moins au taux moyen en vigueur actuellement. Pour M. Youssef, ce début de restructuration ne manquera pas d’avoir un effet « boule de neige » sur l’activité économique. Un montant de plus de 3 milliards de dollars sera d’abord injecté sur le marché local, dans le système bancaire. Cette nouvelle liquidité pourrait être utilisée par le secteur privé, ce qui ne manquera pas de contribuer à une relance de l’économie nationale. Cette relance serait d’autant plus à portée de main que les taux d’intérêt sur le marché local sont également appelés à baisser, sous l’impulsion de la volonté du gouvernement et de l’opération enclenchée par le résultat de Paris II. Quant au montant de 1,4 milliard de dollars approuvé hier, parallèlement aux 3 milliards, il sera accordé au Liban à un taux de 2 à 3 % sur une période de 10 ans avec une période de grâce de 5 ans. Cette aide est destinée à exécuter des projets d’infrastructure à des conditions avantageuses, sans avoir recours désormais à des emprunts à des taux d’intérêt prohibitifs. Ce schéma positif et plein d’espoir exposé dans les milieux de M. Hariri après la conférence d’hier à l’Élysée suppose, à l’évidence, que le Liban doit respecter ses engagements et faire preuve de détermination et de sérieux dans son entreprise de sauvetage. En annonçant hier qu’une conférence de Paris III est d’ores et déjà envisageable d’ici à six ou neuf mois et qu’il y était personnellement favorable, le président Chirac a peut-être voulu, implicitement, faire parvenir un message aux Libanais : désormais, ils sont, plus que jamais, sous haute surveillance de la part d’une communauté internationale qui voudrait s’assurer que son élan de solidarité avec le Liban n’a pas été vain.
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