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Culture - Exposition

Perdus dans la bonne direction à Deir el-Qalaa, entre vestiges et créations artistiques...

Sous le titre « Lost in the Right Direction » (Perdus dans la bonne direction), une trentaine de designers, d’artistes et d’artisans contemporains, libanais et étrangers, ressuscitent le passé à travers leurs créations qui cohabitent harmonieusement, en pleine nature entre chênes et pins parasol, avec les vieilles pierres du site archéologique romano-byzantin de Deir el-Qalaa.

Perdus dans la bonne direction à Deir el-Qalaa,  entre vestiges et créations artistiques...

La scénographie de l’exposition « Lost in the Right Direction » à Deir el-Qalaa a été confiée à l’architecte et paysagiste Hala Younès. Photo DR

À Deir el-Qalaa, sur une superficie d’un hectare, entre les mosaïques, les colonnes, les points épars d’un pressoir à olives et le tracé d’un temple dédié au dieu phénicien Baal Markod et à la déesse romaine Junon se promènent les visiteurs de l’exposition champêtre à ciel ouvert Lost in the Right Direction (Perdus dans la bonne direction) du collectif Art Design Lebanon (AD Leb).


Les cloches en verre soufflé de Caroline Tabet et Olivier de Gem. Photo DR

Directrice de ce projet entrepris en collaboration avec le ministère de la Culture/Direction générale des antiquités, avec le soutien de l’Institut culturel français et avec la coordination de la municipalité de Beit-Méry, Annie Vartivarian, portant toujours le deuil de sa fille Gaïa Fodoulian, fauchée à la fleur de l’âge dans le souffle de l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, explique en ces termes cette exposition collective qui vise à instaurer un dialogue entre l’art et le site archéologique de Deir el-Qalaa : « Au départ, comme dans l’immeuble Tabbal à Achrafieh (la première exposition en avril 2021 de AD Leb, NDLR), il s’agit de promouvoir le design et la création dont Gaïa était si éprise et férue. D’ailleurs, le titre du projet est tiré d’un texte qu’elle a publié sur son compte Instagram lors de son passage à Versailles… Pour perpétuer son esprit et son souvenir, en hommage à son talent de découvrir la beauté et la mettre en avant, j’ai voulu joindre et lier le design et l’art en un lieu historique pas très bien connu du public. En déambulant dans cet espace où passé et présent fusionnent à travers cette exposition chorale, s’établissent des correspondances et des similitudes sur la vie et le parcours humain : l’art, sous ses multiples expressions, éclaire les lieux et s’en inspire… »


Un banc réalisé par Sibylle Tarazi. Photo DR

Pour régir et mettre en valeur ces créations et ces objets conçus pour faire revivre les temps anciens et jeter un pont entre le passé et la modernité, la scénographie a été confiée à Hala Younès, architecte rompue au métier et paysagiste avisée. « Mon idée est de rendre la lisibilité du site et du territoire », indique Younès qui insiste sur la dialectique entre les œuvres et le site. « Les deux dialoguent. Le site met en scène les œuvres et sert de toile de fond et en même temps les œuvres, par leur positionnement, rendent le site plus intelligible à deux échelles : territoriale et archéologique. Pour emboîter le pas à cette notion de se retrouver dans la bonne direction, de cette ligne de crête où on voit à la fois la mer et les cimes des montagnes, l’entrée a été faite non du côté de la mer mais de celle de la montagne. Avec ces rondelles de bois coupées et montées en une “ Machhara ” conique, le four à charbon d’antan… Le feu couve sous la cendre et les œuvres sont des points de mire pour faire émerger le temps enfoui. Elles attirent les regards vers les points-clefs du site. En une série de scènes de la vie quotidienne, d’autrefois comme d’aujourd’hui… », ajoute-t-elle.

Une multitude de divers matériaux allant du bois au fil de laine en passant par le cuivre, le marbre, le fer forgé, l’éclairage, le parpaing, le béton, la céramique et le papier carbone sont repris sous une forme moderne sous les doigts magiciens et l’imagination féconde des artistes/designers/artisans pour composer les scènes de la vie quotidienne.


Une table conçue par Karen Chekerdjian. Photo DR

Se noyer dans l’art et l’histoire

Pour entrer dans le vif du sujet de ce trait d’union entre passé et présent, première escale avec les petits bassins de Hussein Nassereddine. Sur une idée d’un poème de Sylvia Plath Il y a plus d’un bon moyen de se noyer, le jeune artiste de 28 ans, originaire de Soujoud dans le Sud à côté de Jezzine, a bâti des points d’eau (en rosace, dodécagone et rectangle) avec de la pierre calcaire et du papier carbone bleuté comme la surface lisse de l’eau. Il établit ainsi un apport évident avec l’architecture orientale et l’inspiration lyrique à travers une poésie inspirée des sources et des fontaines célébrée par les poètes, voix des « médines » et des palais d’autrefois…La photographe/vidéaste Caroline Tabet et le designer de bijoux Oliver de Gem ont pour leur part placé aux quatre points cardinaux du site, sous des cloches en verre soufflé made in Sarafand, douze médaillons de 6,5 à 12,5 cm en cuivre et en résine. Les récipients contiennent également des feuilles d’arbres, des fleurs séchées, des photographies diverses, des images associées au Baal Markod ou Poséidon pour évoquer la colère de Dieu et les cérémonials de l’antiquité et même du safran en un clin d’œil au mythe des amours de Junon.


L’installation de Gaïa Fodoulian et Nathaniel Rackowe intitulée « Drop by Drop », 2021. Acier peint et lumière LED. 100 x 100 x 240 cm. Photo courtoisie AD Leb

Sibylle Tarazi, artiste pluridisciplinaire et parfaitement dans le sillage du beau travail des boiseries ornementales où s’est illustrée la famille Tarazi, offre aux regards des visiteurs ce banc original et inédit – alliant le bois (notamment le tek), du laiton et du marbre – avec un rouleau de pressoir en pierre calcaire qui interréagit avec le site…

Christian Zahr, architecte avec « un pied dans l’art » comme il se plaît à le souligner, s’érige en défenseur des objets du patrimoine. Son œuvre tisse des liens avec un procédé utilisé lors de la guerre civile libanaise : pour les protéger des bombes et des voleurs, les sculptures du Musée national ont été couchées puis coulées dans du béton. « Le coulage ancien et contemporain m’intéresse, témoigne Zahr. Mon œuvre, c’est la pierre et sa boîte. » C’est ainsi qu’il enveloppe une colonne avec du béton, du parpaing ou des blocs de brique avec une infinie précaution, afin de mettre un patrimoine précieux à l’abri des aléas du temps et son imprévisible cheminement…Le collectif Silat pour la culture a dégagé de son côté les colonnes dispersées du site archéologique de Deir el-Qalaa. Sans toucher aux matériaux d’origine, ils ont également mis en valeur un pressoir à olives.

Karen Chekerdjian, figure de proue des designers libanais, jamais en manque d’idées, traque l’équilibre entre le vide et le plein à travers une exploration du poids et de la légèreté. Ses tables, loin de toute fioriture inutile, jaillissent de la pierre et du sable. Comme des vestiges archéologiques, ces œuvres rappellent au public de quoi et comment elles sont faites. Pour oublier leur fonction et ne percevoir que l’essence des choses !


Une œuvre signée Roula Salamoun et Ieva Saudargaite. Photo DR

Dans les ruines de Deir el-Qalaa, le travail de Chekerdjian souligne que tout et toute personne sont appelés à disparaître, seul le temps continue son inexorable marche…De la poésie taillée dans six blocs de béton, voilà La migration des papillons de Nada Debs, designer inspirée et acclamée, réalisée avec la céramiste Rina Jaber. Les images de libellules aux ailes déployées ou repliées réchauffent la froideur et la grisaille du béton. Une métaphore non voilée d’un pays en souffrance et où les êtres fuient là où le soleil éclaire et la stabilité rassure et réconforte...

La laine, dans sa tradition nomade de confection, est à la pointe du filage au fuseau d’Adrian Pepe, « artiste en fibre » comme il se présente du haut de ses 38 ans. De la tonte des moutons aux fibres qui sont à l’origine du lainage, de l’art de la filature à la teinture, la laine, pivot d’une certaine industrie, est ici pour tapisser les murs. Et s’ériger en sculptures noueuses et décoratives. Un juste retour aux sources et à un mode de vie qu’on a tendance à mettre au rancart.

Impossible de visiter cette exposition sans s’arrêter, admiratif, devant les stalactites et stalagmites de Gaïa Fodoulian, devant ces languettes de feu qui logent dans un panneau en fer forgé sous une voûte aux pierres rongées par le temps, comme des larmes blanches suspendues en l’air. Larmes translucides injectées de lumière-néon grâce au talent de Nathaniel Rackowe qui avait joyeusement, en une myriade d’étincelles, illuminé les ruines du centre-ville en 2018 et 2019…Au final, voici une exposition où il fait bon se promener et s’y perdre, sous de meilleures conditions métrologiques, jusqu’au 9 janvier.

Les participants

Les participants à l’exposition collective Lost in the Right Direction à Deir el-Qalaa (Beit-Méry) qui se prolonge jusqu’au 9 janvier 2021 sont :

Oliver de Gem/Caroline Tabet, Hussein Nassereddine, Lara Baladi-Bokja-Huda Baroudi et Maria Hibri/Christine Safatly/Natasha Karam/Adrian Pepe avec les tisseuses Bissat al-Rih/Samer Bou Rjeili/Nada Debs-Rina Jaber/Gaïa Fodoulian-Nathaniel Rackowe/Roula Salamoun-Leva Saudargaité Douaihi/Mohammad Kanaan/Élias et Yousef Anastas-Hatem Imam/Gilbert Debs et Claudia Chahine (Opus Magnum Gallery)/Sibylle Tarazi/Karen Chekerdjian/Christian Zahr/Mahmoud Safadi.

À Deir el-Qalaa, sur une superficie d’un hectare, entre les mosaïques, les colonnes, les points épars d’un pressoir à olives et le tracé d’un temple dédié au dieu phénicien Baal Markod et à la déesse romaine Junon se promènent les visiteurs de l’exposition champêtre à ciel ouvert Lost in the Right Direction (Perdus dans la bonne direction) du collectif Art Design Lebanon (AD...

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A voir toutes les activités culturelles à travers le pays on entend les vrais battements du coeur de ce pays! A quand le salut?

Wlek Sanferlou

21 h 45, le 11 décembre 2021

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Commentaires (1)

  • A voir toutes les activités culturelles à travers le pays on entend les vrais battements du coeur de ce pays! A quand le salut?

    Wlek Sanferlou

    21 h 45, le 11 décembre 2021

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