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Moyen-Orient - Décryptage

Au Moyen-Orient, les alliés de Trump font grise mine

Riyad a attendu jusqu’à hier soir tard pour féliciter Biden pour sa victoire.

Au Moyen-Orient, les alliés de Trump font grise mine

Le président Trump avait des relations privilégiées avec MBS, le président égyptien et le Premier ministre israélien. Combo photos/AFP/Files

Alors que les leaders mondiaux se sont empressés de saluer la victoire de Joe Biden, les grands alliés des États-Unis au Moyen-Orient font grise mine, entre félicitations en demi-teinte et mutisme complet. Après quatre jours de suspense tendu, l’ancien vice-président de Barack Obama a mis fin à une séquence politique inédite qui a secoué l’Amérique et le monde. Même si aucune rupture de la politique de Washington dans la région n’est attendue avec l’arrivée du nouveau président, les « amis » du chef de l’État sortant Donald Trump devront désormais s’accommoder de relations bien moins privilégiées. Si l’approche devrait rester la même sur la plupart des grands dossiers, c’est certainement à un changement de ton, moins outrancier et bien plus balancé que sous l’ère Trump, que les leaders régionaux devront s’habituer.

L’Arabie saoudite, qui retenait son souffle en espérant une victoire du milliardaire américain, a attendu jusqu’à hier soir pour « féliciter » Joe Biden pour sa victoire. Le royaume est le seul du Golfe à avoir attendu si longtemps pour commenter le résultat de la présidentielle américaine, alors qu’il avait salué, plus tôt dans la journée d’hier, la réélection du président tanzanien et envoyé à l’avance ses vœux au roi du Cambodge qui célèbre aujourd’hui l’indépendance du pays. Le long mutisme de Riyad est une « erreur massive », estime Cinzia Bianco, spécialiste du Golfe au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). « Pire que le Covid-19, le Biden-20 », commentait hier un médecin saoudien sur son compte Twitter.

Sans surprise, la presse saoudienne s’est aussi passée de tout commentaire jusqu’à la réaction officielle. Seul le quotidien Okaz a fait part hier matin des incertitudes quant à l’avenir entre les deux alliés. « Que ce soit sur la paix au Moyen-Orient, le dossier iranien ou la montée en puissance des Frères musulmans… nous attendons de voir », avait écrit le journal.

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L’arrivée du nouveau locataire de la Maison-Blanche, qui avait promis durant sa campagne un réajustement avec Riyad, fait peur. Avec la défaite de Donald Trump, le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS) perd bien plus qu’un allié, puisqu’il avait noué des liens personnels avec le président sortant, et notamment avec son gendre Jared Kushner. Sous Donald Trump, la Maison-Blanche avait repoussé les résolutions antisaoudiennes du Congrès à majorité démocrate, notamment sur la guerre controversée au Yémen où l’Arabie saoudite intervient militairement à la tête d’une coalition depuis 2015. Cette proximité avait notamment permis au dauphin d’obtenir un soutien sans faille lorsque Riyad avait été confronté au tollé lié à l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018. Début octobre, Joe Biden avait exprimé son soutien aux dissidents saoudiens et suggéré que MBS était derrière l’assassinat du célèbre journaliste. Le long mutisme de la part du pouvoir montre que « MBS voulait ménager les liens en sauvant toutefois la face », juge Cinzia Bianco.

Un grand ami d’Israël

Israël, aussi, doit tourner la page de quatre années d’une idylle très personnelle. « Jamais un président n’a épousé d’aussi près la vision sécuritaire de Benjamin Netanyahu », rappelle à L’OLJ Michael Horowitz, spécialiste du Moyen-Orient à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn. Le Premier ministre israélien n’a pas hésité à prendre parti, allant jusqu’à afficher en couverture de son compte Twitter, jusqu’à ce jour, une photo en compagnie de Donald Trump.

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Benjamin Netanyahu préserve certes les apparences. Dans un tweet, il a félicité hier matin Joe Biden et Kamala Harris, plusieurs heures après bon nombre de dirigeants. « Joe, nous avons une relation personnelle longue et chaleureuse depuis près de 40 ans, et je vous connais comme un grand ami d’Israël », a-t-il ajouté. Le Premier ministre a ensuite remercié Donald Trump, dont le départ marque la perte d’un allié infaillible à la Maison-Blanche. Reconnaissance du Golan, ambassade à Jérusalem, « deal du siècle », soutien à la poursuite des colonisations, normalisations : le président avait accumulé les cadeaux à l’égard de Netanyahu, rompant avec la ligne traditionnelle de Washington en faveur d’une solution à deux États.

L’arrivée du candidat démocrate ne devrait pas défaire cette alliance historique, qui dépasse les relations personnelles. Joe Biden, qui a été membre de la commission des Affaires étrangères au Sénat US, puis vice-président de Barack Obama, est un fin connaisseur du dossier.

Quelques retours en arrière pourraient contrarier, sans conséquences majeures, le partenaire israélien, mais pas question pour lui de revenir sur la décision prise par son prédécesseur de déplacer l’ambassade à Jérusalem. Joe Biden entend toutefois revenir sur le soutien de Washington à la colonisation, et tendre la main aux Palestiniens à travers des gestes symboliques comme le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Autorité palestinienne ou les financements à l’Unrwa (l’Office de secours des Nations unies pour les réfugiés de Palestine), marquant un retour à l’approche plus équilibrée de l’ère Obama. Cette « normalité », faite de soutien traditionnel et d’une poursuite de la stratégie de normalisation, serait donc une réhabilitation de la solution à deux États, au moins en principe. Israël dit au revoir à un précieux ami, mais ne perd pas tout. « Il serait faux de supposer que la vision de Trump n’était qu’un accident de l’histoire. C’était un avertissement qu’avec le temps, la position palestinienne s’érode et la perspective d’une solution équitable du conflit disparaît », estime Michael Horowitz.

« Bromance »

Pour le régime du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir depuis 2013, la victoire de Joe Biden contre son allié de longue date inaugure également un nouveau chapitre sous le signe de la défiance. Samedi, le chef de l’État était l’un des premiers dirigeants arabes à reconnaître la victoire et adresser ses félicitations au candidat démocrate, rappelant son intention de renforcer les relations entre les deux pays. Mais en coulisses, Abdel Fattah al-Sissi sait que la victoire du démocrate devrait nuire à la position égyptienne sur plusieurs dossiers. Le président égyptien perd lui aussi un « ami » à la Maison-Blanche, avec qui il entretenait de bonnes relations, parfois même qualifiées de « bromance » par la presse régionale.

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La fin de la politique tonitruante de Donald Trump signifie aussi la fin des sobriquets. Seul un personnage comme lui pouvait créer la stupeur en qualifiant le président égyptien, son « dictateur favori », de « dirigeant extraordinaire ». Le milliardaire américain lui avait notamment apporté son soutien sur la scène intérieure lors des protestations de septembre 2019, mais aussi sur le conflit libyen ou dans le cadre des tensions opposant Le Caire à l’Éthiopie autour du grand barrage de la Renaissance. Tôt dans la campagne, le candidat Biden s’est démarqué de ces positions, affirmant que son élection marquerait la fin des « chèques en blanc » envers le « dictateur préféré de Trump » et le début d’une ligne plus dure vis-à-vis des violations des droits humains sous le régime Sissi, qui a emprisonné plus de 60 000 personnes en sept ans, selon Human Rights Watch.

La victoire de Biden signe la fin d’une époque pour les autocrates de la région, qui avaient trouvé en Trump un leader usant du même langage. Et c’est sur le dossier iranien que l’Arabie saoudite et Israël auront le plus à « perdre » au cours des prochaines années, alors que Joe Biden s’est engagé à revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien. Ce qui signifie que la campagne de « pression maximale » est terminée.

Alors que les leaders mondiaux se sont empressés de saluer la victoire de Joe Biden, les grands alliés des États-Unis au Moyen-Orient font grise mine, entre félicitations en demi-teinte et mutisme complet. Après quatre jours de suspense tendu, l’ancien vice-président de Barack Obama a mis fin à une séquence politique inédite qui a secoué l’Amérique et le monde. Même si aucune...

commentaires (3)

Il est vrai que le soutien infaillible et historique des Etats-Unis à Israël, ne faiblira pas, mais la politique que Biden mènera, sera plus équilibrée avec un rapprochement vers l'Autorité Palestinienne et le rejet des implantations juives illégales en Cisjordanie. On ne peut qu'espérer que le soit-disant "Plan de Paix du Siècle" concocté par Netanyahu et la famille Trump, tombera pour toujours dans les oubliettes.

Tony BASSILA

18 h 06, le 09 novembre 2020

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Commentaires (3)

  • Il est vrai que le soutien infaillible et historique des Etats-Unis à Israël, ne faiblira pas, mais la politique que Biden mènera, sera plus équilibrée avec un rapprochement vers l'Autorité Palestinienne et le rejet des implantations juives illégales en Cisjordanie. On ne peut qu'espérer que le soit-disant "Plan de Paix du Siècle" concocté par Netanyahu et la famille Trump, tombera pour toujours dans les oubliettes.

    Tony BASSILA

    18 h 06, le 09 novembre 2020

  • Jo Biden a dit il y a 35 ans qu'il n'était pas juif mais sioniste. A chaque élection présidentielle aux USA Israël se demande a quel point le nouveau président l'aime, et les arabes essayent de comprendre à quel point il les haïsse. Nothing new !

    Shou fi

    09 h 54, le 09 novembre 2020

  • ET LA POLITIQUE AMERICAINE NE CHANGERA POINT ENVERS SISSI ET L,EGYPTE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 24, le 09 novembre 2020

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