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Moyen-Orient - Éclairage

L’Irak, dommage collatéral de la guerre pétrolière russo-saoudienne

Alors que Riyad et Moscou se livrent un combat acharné sur le marché de l’or noir, Bagdad risque d’en subir les conséquences.

Des flammes émergent des torches du champ pétrolifère de Nahr Ben Umar, alors qu'un homme est vu portant un masque protecteur, à la suite de l'épidémie liée au coronavirus, Bassora, Irak, le 9 mars 2020. Essam al-Sudani/Reuters

De mal en pis. Alors que les Irakiens doivent composer avec une crise économique et politique sans précédent, voilà qu’ils s’apprêtent à faire les frais de la bataille coriace que se livrent Riyad et Moscou sur les marchés pétroliers. Deuxième plus gros producteur au sein des pays membres de l’OPEP, l’Irak dispose de coûts de production relativement bas qui se conjuguent à une économie fort peu diversifiée. L’or noir, qui constitue près de 60 % du PIB, en est la colonne vertébrale. Du pétrole dépendent 93 % des recettes budgétaires et 99 % des exportations.

« Ma plus grande crainte aujourd’hui ne concerne pas le schiste américain, mais les plus grands pays producteurs de pétrole, qui, malgré les appels de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), n’ont pas diversifié leurs économies », a déclaré cette semaine Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE.

Une mono-activité dont l’Irak a déjà subi les conséquences entre 2014 et 2017. Alors que chutaient les prix du pétrole, l’économie non pétrolière se rétractait dans le sillage de la guerre contre l’État islamique et de l’assainissement budgétaire.

Cette fois-ci, le choc coïncide avec l’impasse politique que traverse le pays depuis le renoncement par le Premier ministre désigné, Mohammad Allaoui, à former un gouvernement. Le pouvoir, majoritairement chiite, est orphelin d’une figure tutélaire capable d’assurer un minimum de consensus au sein de la classe politique, un cul-de-sac nourri en grande partie par l’assassinat de l’ancien commandant de la brigade al-Qods au sein des gardiens de la Révolution iraniennes, Kassem Soleimani.

Au lendemain de la chute du prix du baril de 30 % en début de semaine, le porte-parole du ministère du Pétrole, Issam Jihad, a prévenu que la guerre pétrolière entre la Russie et l’Arabie saoudite aurait des répercussions économiques négatives pour Bagdad. Cette menace qui pèse sur l’Irak intervient alors que le pays vit au rythme d’un soulèvement populaire inédit depuis le 1er octobre dernier. En ligne de mire, la gabégie du pouvoir, la forte détérioration des conditions de vie et le rejet des interférences étrangères, à commencer par la mainmise iranienne sur le pays.

Dans ce contexte explosif, l’épidémie liée au coronavirus risque d’emporter sur son passage une économie déjà vacillante. La propagation du Covid-19 a fait plonger la demande chinoise en or noir, faisant ainsi tanguer avec incertitude l’épine dorsale du pays. À elle seule, la Chine achète près de 26 % des exportations irakiennes. En février, les revenus de l’Irak ont chuté de 1,1 milliard de dollars en raison de la baisse de la demande due à l’épidémie liée au coronavirus.


(Lire aussi : Riyad joue à quitte ou double sur les marchés pétroliers)


Services publics fragilisés

Alors que Moscou et Riyad disposent de ressources internes pour faire momentanément face à la crise, l’Irak, faute de devises suffisantes, pourrait ne pas être en mesure d’honorer ses engagements relatifs à la production de près de 350 000 barils par jour de plus. « L’Arabie saoudite et la Russie disposent de fonds souverains bien dotés qui peuvent soutenir les dépenses publiques à court et à moyen termes. Pour l’Irak, c’est complètement différent. Bagdad devra emprunter et entrer en période d’austérité pour soutenir les dépenses locales », explique à L’Orient-Le Jour Yesar al-Maliki, directeur du Iraq Energy Institute.

L’effondrement du marché pétrolier pourrait asséner un coup fatal à un secteur public déjà titubant. « Si le prix du pétrole atteint 30 dollars le baril, on estime que le gouvernement pourrait ne pas être en mesure de couvrir les salaires des fonctionnaires et les dépenses opérationnelles. L’heure est grave. Le secteur public irakien contribue à 45 % du PIB. Et les dépenses des ménages sont liées en grande partie à ces dépenses publiques », résume M. Maliki.

En 2018, les salaires des fonctionnaires représentaient 57 % des dépenses fiscales, qui devraient augmenter de 10 % cette année avec l’arrivée de 500 000 nouveaux-venus dans la fonction publique. Divers secteurs déjà en déliquescence pourraient souffrir de la bataille des prix, aux premiers rangs desquels celui de la santé. Ce dernier traverse actuellement une période particulièrement difficile, marquée par une pénurie de médicaments et de personnel. Au cours des trois décennies précédentes, le pays n’a connu aucun répit. Guerres, sanctions économiques, conflits confessionnels... Autant de facteurs structurels qui ont contribué à son écroulement, auxquels s’ajoute la négligence des autorités. Selon Reuters, alors que l’année 2019 a été relativement stable, le gouvernement n’a alloué que 2,5 % de son budget au ministère de la Santé. Il faut à présent compter avec le coronavirus, dont la propagation a d’ores et déjà tué des centaines d’Iraniens et infecté des milliers d’autres, de l’autre côté de la frontière. Une épidémie qui a conduit Bagdad à fermer son territoire, alors que les premiers cas d’infection ont été détectés sur son sol. Les soubresauts des marchés pétroliers viennent exacerber une crise à l’issue incertaine. « Auparavant, l’Irak était entré dans une période d’austérité et avait sollicité des prêts auprès du FMI. L’accord de confirmation avec le FMI a permis à l’Irak de survivre pour continuer à payer les salaires et soutenir les dépenses publiques à un niveau moindre. Mais on peut douter que le FMI puisse accepter un nouvel accord de ce type alors que la plupart des réformes requises n’ont pas été mises en œuvre », avance Yesar al-Maliki.

Pour l’heure, des responsables et des législateurs irakiens ont annoncé que si le prix du pétrole continue de chuter, le pays devra mettre de côté la plupart des projets de développement et d’énergie – y compris dans les zones libérées de l’État islamique et longtemps laissées à l’abandon – et emprunter à l’étranger pour assurer le paiement des fonctionnaires et les importations de produits alimentaires.

Les luttes intestines ont jusqu’à présent retardé le vote du projet de budget 2020 par le Parlement irakien. Mais son contenu pourrait se révéler caduc, car élaboré sur la base d’un prix du baril de pétrole à 56 dollars, soit presque le double du niveau actuel. « Il était prévu que 67 % du budget irakien 2020 couvriraient les salaires des fonctionnaires. Si les revenus pétroliers mensuels de l’Irak chutent en dessous de 5 milliards de dollars, il est possible que le gouvernement ne puisse pas couvrir ces dépenses », souligne Yesar al-Maliki. « C’est un scénario catastrophique mais d’après l’expérience du double choc (2014-2017), cette ligne rouge ne sera pas franchie. Par conséquent, le gouvernement ajustera les dépenses pour assurer les salaires des fonctionnaires, malheureusement au détriment de projets d’infrastructure grandement nécessaires », ajoute-t-il.


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commentaires (1)

Le bensaoud doit se rendre compte qu'il n'aurait jamais dû déclarer la guerre du pétrole sur ordre de ses maîtres prédateurs usurpateurs . Il n'aurait pas dû se mêler de cette AFFRONTEMENT entre Poutine et erdog-ane en répondant positivement à ses maîtres prédateurs usurpateurs de la déclencher. Les bensaouds vont être obligés de se retirer du Yémen, leur économie ne supportera pas plus de déficit que ça. Les usurpateurs sont entrain de griller leurs dernières cartouches arabes du golfe persique .

FRIK-A-FRAK

15 h 12, le 13 mars 2020

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Commentaires (1)

  • Le bensaoud doit se rendre compte qu'il n'aurait jamais dû déclarer la guerre du pétrole sur ordre de ses maîtres prédateurs usurpateurs . Il n'aurait pas dû se mêler de cette AFFRONTEMENT entre Poutine et erdog-ane en répondant positivement à ses maîtres prédateurs usurpateurs de la déclencher. Les bensaouds vont être obligés de se retirer du Yémen, leur économie ne supportera pas plus de déficit que ça. Les usurpateurs sont entrain de griller leurs dernières cartouches arabes du golfe persique .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 12, le 13 mars 2020

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