Près de 4 heures d’entretien n’ont pas suffi au Premier ministre désigné, Hassane Diab, et au président de la Chambre, Nabih Berry, qui se sont rencontrés hier à Aïn el-Tiné en présence du ministre sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, pour régler les derniers détails du nouveau gouvernement en gestation, supposé être formé d’indépendants.
Le Premier ministre désigné a demandé un délai supplémentaire de 24 heures pour régler certains points encore en suspens. Une ultime (énième) rencontre avec le chef du CPL, Gebran Bassil, était hier soir au programme. De source proche de la présidence de la République, on affirmait toutefois que le nouveau gouvernement, que l’on qualifie comme étant celui « du moindre mal », verra le jour « avant la fin de la semaine ». Des sources plus optimistes le prévoient cet après-midi même, sans préjuger de la façon dont il sera accueilli par le soulèvement populaire, tant les allégeances politiques de certains de ses membres sont transparentes.
À l’issue de la réunion à Aïn el-Tiné, le ministre sortant des Finances a confirmé ce que l’on savait déjà depuis la veille, à savoir que le nouveau gouvernement était « sur le point d’être formé ». « L’entretien a été positif et assure un climat propice à un accord sur la formation d’un gouvernement de spécialistes à la représentation la plus large possible », a déclaré M. Khalil. « Nous avons grandement avancé et nous sommes sur le point de former un cabinet qui sera composé de 18 ministres, comme l’a proposé le Premier ministre désigné, sur la base de critères unifiés », a-t-il ajouté.
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Diab l’emporte sur Berry
Les propos du ministre laissent deviner que l’un des enjeux de la rencontre était la physionomie finale du gouvernement. Il semble sur ce point que l’avis de M. Diab l’ait emporté sur celui de M. Berry, qui espérait toujours pouvoir étoffer le gouvernement de spécialistes de figures politiques, quitte à faire passer le nombre de ministres de 18 à 20 ou 22. L’un des objectifs du président de la Chambre était de pouvoir nommer un second ministre druze pour satisfaire le chef du PSP Walid Joumblatt, et peut-être un second ministre de la mouvance des Marada. Pressenti pour prendre en charge un ministère, celui de l’Industrie ou celui des Déplacés, Ramzi Moucharrafieh est en effet membre du Parti démocratique de Talal Arslane. Toutefois, M. Diab est resté inébranlable sur un gouvernement de 18. Il va de soi, dans cette situation, que M. Joumblatt n’accordera pas la confiance au nouveau cabinet.
Par ailleurs, le Premier ministre l’aurait emporté à nouveau en imposant Damien Kattar au ministère du Travail, bien que M. Berry ait fait valoir que ce dernier est un ancien ministre dont la présence contredit l’idée d’un gouvernement entièrement composé de figures neuves. Enfin, le Premier ministre désigné aurait refusé d’accorder au camp politique conjoint CPL-présidence plus de cinq ministres sur neuf.
Si Hassane Diab a quitté Aïn el-Tiné sans faire de déclaration, c’est qu’il existe encore quelques points en suspens à régler. L’un d’eux concerne l’équilibre à faire dans le nécessaire cumul des charges ministérielles qui s’impose, puisque les 17 ministres (en excluant M. Diab lui-même) devront assumer les charges de 22 portefeuilles ministériels.
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L’attribution des ministères
En fin de journée, le gouvernement se dessinait ainsi : les 9 postes ministériels chrétiens étaient répartis comme suit : un ministre relevant de Hassane Diab, à qui reviendra le portefeuille du Travail cumulé avec celui du Développement administratif (Damien Kattar), un siège relevant des Tachnag, celui du Tourisme cumulé avec celui de l’Information (Varté Ohanian), un siège aux Marada, celui des Travaux publics (Lamia Yammine-Doueihy), cinq ministères au camp du chef de l’État et du CPL : Affaires étrangères (Nassif Hitti), Défense (Michel Menassa), Énergie (Raymond Ghajar), Justice (Marie-Claude Najm) et Environnement (Manal Moussallem). Reste donc le problème du neuvième siège ministériel.
À ce sujet, le chef de l’État revendique pour son camp le portefeuille de l’Économie, qu’il souhaite confier à Ayman Haddad. Mais deux facteurs empêchent cette demande d’être satisfaite. D’abord, M. Frangié refuse que le camp Baabda-CPL dispose de plus de cinq ministres et menace, le cas échéant, de basculer dans l’opposition.
D’autre part, le Premier ministre désigné insiste pour confier la vice-présidence du Conseil à un ministre de son camp, en l’occurrence Amal Haddad, ancienne bâtonnière de l’ordre des avocats de Beyrouth.
Cet imbroglio, M. Diab pourrait le résoudre en attribuant au camp Gebran Bassil le ministère de l’Économie en cumul, tout en nommant Amal Haddad au poste de vice-ministre du Conseil des ministres sans portefeuille, alors que cette fonction est normalement attribuée d’office au ministre de la Défense.
Enfin, on apprenait hier soir que le chef de l’État se réserve le droit de confirmer l’attribution des portefeuilles des AE, de la Défense et de l’Économie au dernier moment avant la signature des décrets de formation du nouveau gouvernement.
Inutile de préciser que les contacts bilatéraux entre toutes les parties prenantes allaient bon train hier soir et se poursuivront vraisemblablement aujourd’hui, pour contourner les obstacles et hâter l’avènement du nouveau gouvernement.
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Réserves du Premier ministre désigné
En ce qui concerne les autres communautés, les choses sont plus simples. Aux communautés sunnite et chiite reviendront à égalité 4 portefeuilles chacune, et un neuvième portefeuille ira à la communauté druze. Mais la répartition des charges n’est pas encore définitive sur ce plan. Ainsi, le ministère de l’Intérieur, qui revient aux sunnites, pourrait ne plus aller au général Talal Ladki, comme prévu, mais à Mohammad Fahmi. Les deux autres portefeuilles semblent avoir été définitivement attribués à Talal Hawat (Télécoms) et Tarek Majzoub (Éducation nationale et ministère de la Jeunesse et des Sports).
En principe, à part Ghazi Wazni aux Finances, la communauté chiite s’était réservée le droit de publier les noms de ses ministres à la dernière minute. Toutefois, on avançait de source informée que les ministres chiites seront Salem Darwiche à l’Agriculture (cumulé avec l’Information) et Ghazi Wazni aux Finances, tous deux relevant d’Amal, ainsi que Abdel Halim Fadlallah aux Affaires sociales et le Dr Youssef Rida à la Santé, tous deux de la mouvance du Hezbollah. On apprenait toutefois que M. Diab exprime des réserves au sujet de M. Fadlallah, en raison de son appartenance au Hezbollah, dont il dirige le centre de recherches.
Quant au portefeuille de l’Industrie, il devrait aller à Ramzi Moucharrafieh.
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commentaires (23)
Traduction du titre: Au lieu de l'euthanasie chimique on choisit une overdose de calmants...
Wlek Sanferlou
22 h 11, le 17 janvier 2020